Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour l’année 2015, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, est résumé par de petites phrases prononcées par de très grandes personnalités et qui en disent long sur la vérité de la situation.
Ainsi, selon Didier Migaud, « la prévision de croissance de 1 % est optimiste » et « l’effort en dépense [a] un caractère relativement modéré ».
Pour Pierre Moscovici, les « circonstances économiques exceptionnelles, disons-le, elles n’ont pas été considérées comme existant ».
Au sujet de la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, Jean-Marc Ayrault a déclaré : «Je ne dis pas que c’est une erreur pour les gens qui vont en bénéficier, je dis simplement qu’on voit bien que par petits bouts, ça ne fait pas une politique globale, une politique cohérente. Il faut, au contraire, faire attention à ce que l’impôt sur le revenu, qui est payé par de moins en moins de Français, qui repose sur 48 % des contribuables, ça finit par créer un malaise et une incompréhension. » Je ne saurais mieux dire !
Le même a aussi précisé, à propos de la « remise à plat de notre système fiscal » : « Je regrette qu’on ne le fasse pas. » C’est à croire qu’il parle à notre place !
François Rebsamen, parlant du chômage : « Soyons honnêtes : nous sommes en échec. »
Et je terminerai par le Président de la République, François Hollande : « À un moment donné, la classe moyenne supérieure ne peut plus accepter d’augmentation d’impôt. » Tout est dit !
Auditionné par notre commission des finances, le 15 octobre dernier, Didier Migaud, encore lui, a indiqué : « La prévision de croissance de 1 % est optimiste. »
Il est vrai que la tendance à la surestimation des hypothèses de croissance a été constante, quels que soient les gouvernements. Mais, très franchement, au regard de la situation catastrophique dans lequel se trouve aujourd'hui notre économie, une plus grande prudence se justifiait particulièrement, car le budget tout entier se fonde sur cette hypothèse.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que nous battons tous les records, qu’il s’agisse d’endettement, de niveau des prélèvements obligatoires, de niveau de la dépense publique, de faiblesse du taux des marges des entreprises, de faillite de PME et TPE, d’expatriation des forces vives et des capitaux, de chômage. Je pourrais même y ajouter le record d’impopularité du chef de l’État !
Ce projet de loi de finances pour 2015 ne respecte aucun de nos engagements européens. Il consacre un très grave dérapage de notre trajectoire de retour à l’équilibre des comptes publics puisque les mesures proposées vont réduire le déficit public d’un dixième de point seulement, après un creusement, inédit depuis la crise, du déficit en 2014, preuve de l’échec complet de la politique économique du Gouvernement.
François Hollande avait prévu un retour aux 3 % de déficit en 2015 : il l’avait dit, il l’avait promis. Mais le déficit public de la France devrait s’élever à 4, 3 % du PIB en 2014. Ce n’est donc pas ce nouvel objectif de 4, 15 % en 2015 qui va changer quelque chose ! Au dernier moment, on a sorti du chapeau 3, 6 milliards d’euros pour éviter que Bruxelles n’émette sur le budget de la France un avis négatif, dont on n’est d’ailleurs pas encore sûr qu’il ne tombera pas quand même ce qui prouve le manque de sérieux du Gouvernement dans la préparation de son budget.
Oui, ces 3, 6 milliards d’euros qui, au passage – mais nous en reparlerons lors de la discussion du collectif budgétaire –, ne sont que des effets d’aubaine et des hausses de fiscalité sur les entreprises, vont à rebours de la promesse de pause fiscale. En tout cas, il n’y a aucune économie de dépenses nouvelles !
Vous justifiez cet écart avec la trajectoire initiale par des circonstances économiques exceptionnelles : faible croissance et faible inflation. Pierre Moscovici, qui parle beaucoup depuis qu’il est commissaire européen, et qui siégeait à votre place, monsieur le ministre, il y a quelques mois seulement, réfute cet argument, estimant que les « circonstances exceptionnelles, disons-le, n’ont pas été considérées comme existant pour l’ensemble de la zone euro, et c’est pour l’ensemble de la zone euro qu’elles doivent être appréciées ».
En fait, la faible croissance en France est largement imputable à votre action depuis deux ans, bien plus qu’à des facteurs extérieurs.
Les effets sur la croissance des quelques mesures en faveur du pouvoir d’achat et de la baisse des charges des entreprises n’auront qu’un impact limité.
D’une part, la montée en puissance du CICE, dispositif mal calibré qui s’apparente à un pis-aller puisque le Président de la République a annoncé, le 6 novembre dernier, sa suppression en 2017, est plus lente que prévue.
D’autre part, ces mesures ne feront que compenser le matraquage fiscal des ménages et des entreprises opéré en 2012 et en 2013 – plus de 40 milliards d’euros d’augmentation d’impôts et taxes divers –, qui a eu un effet récessif important : diminution du pouvoir d’achat et donc de la consommation des ménages, induisant de moindres investissements et une fragilisation des entreprises, dont les marges n’ont jamais été aussi faibles.
Tout cela survient alors même que les réformes structurelles ne cessent d’être reportées, provoquant un effondrement des recettes, notamment de TVA et d’impôt sur les sociétés : 15 milliards d’euros de moins que prévu en 2013 et 11 milliards d’euros en 2014.
Certes, vous nous proposez dans ce projet de loi de finances une mesure en faveur du pouvoir d’achat : la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu et la hausse de la décote. Si cette mesure est séduisante au premier abord, nous émettons néanmoins quelques réserves, parfaitement résumées par Jean-Marc Ayrault le 29 octobre dernier dans ces propos que je tiens à citer à nouveau : « Je ne dis pas que c’est une erreur pour les gens qui vont en bénéficier, je dis simplement qu’on voit bien que par petits bouts, ça ne fait pas une politique globale, une politique cohérente. Il faut au contraire faire attention à ce que l’impôt sur le revenu, qui est payé par de moins en moins de Français, qui repose sur 48 % des contribuables, ça finit par créer un malaise et une incompréhension. »
Nous ne voterons pas contre cette mesure, qui va redonner du pouvoir d’achat aux Français les plus modestes, mais nous dénonçons le fait qu’elle renforce encore l’hyperconcentration de l’impôt sur le revenu. Je rappelle que 10 % des foyers fiscaux paient 70 % de cet impôt.
La suppression de la première tranche fait porter l’effort fiscal davantage sur les classes moyennes et supérieures, qui sont, avec les familles, les grandes oubliées et sacrifiées de ce quinquennat.
François Hollande l’a lui-même admis dans son interview télévisée du 6 novembre dernier en reconnaissant que, « à un moment donné, la classe moyenne supérieure ne peut plus accepter d’augmentation d’impôt ».
C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons la proposition de notre rapporteur général tendant à redonner du pouvoir d’achat aux familles des classes moyennes et supérieures à travers la hausse du plafond du quotient familial.
Après tous les cafouillages du Gouvernement sur la prétendue « pause fiscale », la réalité est que le taux de prélèvements obligatoires ne diminuera quasiment pas dans les prochaines années. Il se stabilise à un niveau très élevé, plus de 44, 5 % du PIB, au-dessus de la moyenne des pays européens.
Car ce que vous ne dites pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, c’est que, si vous baissez les impôts pour quelques-uns en 2015, vous prévoyez d’augmenter de très nombreuses taxes l’année prochaine pour une grande partie des Français !
On peut faire le compte : alourdissement de la fiscalité sur le diesel, hausse des cotisations retraite pour les salariés, hausse des cotisations aux retraites complémentaires, hausse de la contribution au service public de l’électricité, hausse du tarif réglementé de l’électricité, hausse du prix du gaz, et j’en passe ! J’en ai comme ça une page complète !
Le total de ces hausses se chiffre à environ 3 milliards d’euros, sans même intégrer la fiscalité locale ! Or la hausse de cette fiscalité locale est inévitable pour compenser la baisse des dotations de l’État qui, elle, est estimée à 5 milliards d'euros par le Gouvernement sur la programmation triennale !
De la même façon, il est faux de prétendre que les entreprises ne subiront aucune hausse de fiscalité en 2015, car elles vont être également impactées en 2015 par l’effet de mesures antérieures.
Le CICE n’a pas l’efficacité attendue : évalué à 13 milliards d’euros dans les prévisions initiales de 2012, son montant au titre de 2013 ne devrait être finalement que de 10, 8 milliards d’euros. Ce sont donc près de 3 milliards d’euros qui ne seront pas rendus aux entreprises. La prolongation de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés va coûter aux entreprises 2 milliards d’euros en 2015 et la moindre déductibilité des frais financiers représente 1, 3 milliard d’euros. Quant à l’impact du pacte de responsabilité sur l’impôt sur les bénéfices, il est de 800 millions d’euros et la hausse des cotisations retraite représente 500 millions d’euros.
Là encore, le groupe UMP soutiendra la mesure proposée par notre rapporteur général en faveur des entreprises, notamment pour soutenir les investissements productifs.
Nous soutiendrons aussi sa proposition de moindre baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales par la prise en compte des normes imposées aux collectivités. Nous irons au bout de cette logique en proposant de défalquer également les autres dépenses contraintes que sont les coûts de la réforme des rythmes scolaires.
Nous dénoncerons l’insincérité de certains budgets, comme celui des infrastructures de transport, celui de la défense, mais nous voterons en seconde partie les propositions d’économies de dépenses de notre rapporteur général et de nos rapporteurs spéciaux, adoptées en commission des finances.
Que dire, mes chers collègues, sinon que tant que le Gouvernement ne proposera pas de réelles et courageuses réformes de structure, qu’il est, rappelons-le, techniquement, le seul capable d’engager, la France demeurera dans une impasse.
Des réformes de structure, c’est ce qu’attendent de ce gouvernement Bruxelles et les marchés financiers, qui préservent encore notre pays du décrochage – mais jusqu’à quand ? –, et c’est surtout ce qu’attendent les Français. §