Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout nous oblige au plus grand sérieux à l’heure d’élaborer et de voter le budget de l’État pour 2015. Nous le devons certes à nos partenaires européens, auprès desquels nous nous sommes engagés, mais nous le devons surtout à la France et aux Français, et ce même si l’éducation nationale est redevenue le premier poste de dépenses, devant la dette, pour la première fois depuis des années.
Dans ce contexte, il est nécessaire de réaliser des économies. Ce cap de discipline budgétaire est d’autant plus courageux que, même si certains indicateurs sont encourageants, la croissance du PIB sera faible l’année prochaine, tout comme l’inflation.
Il existe de multiples façons de réaliser des économies, mais toutes ne sont pas vertueuses. Parce qu’il n’est pas toujours possible de faire autant avec moins, il faut absolument éviter un coup de rabot systématique et aveugle, qui porterait en lui le risque d’étouffer tout signe de reprise et de menacer la cohésion sociale.
Dès lors, il n’y a pas de méthode miracle. Il nous faut activer de nombreux leviers, analyser, dispositif après dispositif, lesquels sont performants, créent des effets de levier, et lesquels, au contraire, ont été détournés de leurs objectifs initiaux, rendus inefficaces par des procédures trop complexes, ou provoquent des effets pervers ou des effets d’aubaine. Lorsque c’est le cas, il nous faut être pragmatiques, moderniser, simplifier, redéployer, cibler, supprimer parfois, en ayant en tête l’exigence de la meilleure utilisation de chaque euro public et un mot d’ordre : l’efficacité et la solidarité comme fins, le sérieux et la responsabilité comme moyens.
Je commencerai par évoquer le volet recettes du projet de loi de finances. L’intensification de la lutte contre l’évasion fiscale produit ses effets dans des proportions inédites. Cette année, les régularisations ont permis à l’État de récupérer 11 milliards d’euros, qui ont été réinjectés dans les circuits nationaux et qui produiront des recettes fiscales dans les années à venir. Ces 11 milliards d’euros s’ajoutent aux 2 milliards d’euros de taxes et de pénalités qui ont été captés cette année. Les spécialistes annoncent des résultats comparables en 2015.
Même si les efforts doivent être poursuivis et le mouvement intensifié, on peut d’ores et déjà affirmer que c’était là un impératif de justice sociale et un message fort adressé aux agents déloyaux, au moment où nous devons collectivement faire des efforts. J’en profite, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour saluer votre engagement et votre détermination, tout comme ceux de vos deux prédécesseurs et de vos services.
Ce sont ces efforts qui nous permettent de financer notre modèle social, afin que nos concitoyens les plus vulnérables ne paient pas deux fois le prix de la crise. Ainsi, dès l’année prochaine, quelque 9 millions de ménages verront le montant de leur impôt diminuer sur leur feuille d’imposition. Il est assez intéressant de voir comment, en prenant à ceux qui ont fraudé, on peut redistribuer aux plus pauvres !
Malgré ce contexte, le texte qui nous est proposé ne fait pas le deuil de l’ambition. Il est en effet de notre responsabilité de ne léguer aux générations suivantes ni une dette insurmontable ni un appareil productif à l’arrêt, faute d’investissements, qu’ils soient publics ou privés.
Sur ce point, les situations grecque et espagnole nous ont suffisamment alertés ces dernières années sur la nécessité d’investir dans la modernisation de notre pays et de refuser l’austérité.
Bien sûr, il faut aider les entreprises à produire plus et mieux, à dégager des marges et à créer des emplois. Le diagnostic de notre manque de compétitivité est implacable. Pourtant, et loin des caricatures sur une supposée politique de l’offre purement dogmatique, qui s’opposerait à une valorisation keynésienne de la demande ou au monétarisme, c’est une politique équilibrée qui est mise en œuvre pour retrouver le chemin de la croissance.
L’État, redevenu stratège, s’est engagé depuis deux ans et demi sur des grands choix stratégiques en se plaçant sur les grands chantiers générateurs de croissance et producteurs d’emplois du futur, via des investissements ciblés.
Nous dénonçons suffisamment le court-termisme pour ne pas céder à la caricature et rester conscients que seul le temps validera les orientations que nous prenons aujourd’hui.
En ce qui concerne plus spécifiquement les programmes de la mission « Économie », dont mon collègue Bernard Lalande et moi sommes les rapporteurs spéciaux, ils sont au nombre de quatre et respectent le cap d’assainissement des comptes publics qui a été fixé. Ainsi, leurs crédits sont en repli de 4, 2 % à périmètre constant par rapport au budget pour 2014 et s’établissent à 1, 8 milliard d’euros.
La contribution à l’effort demandé sera partagée dans un souci de justice. Je tiens ici à mentionner la contribution du réseau consulaire, notamment des chambres de commerce et d’industrie, qui voient leur plafond de ressource fiscale abaissé au profit des entreprises et qui sont soumises à un prélèvement sur leur fonds de roulement. Cet effort est en ligne avec la contraction des crédits de l’État, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale et doit accélérer le mouvement de rationalisation de leur réseau.
Comme ailleurs, certains dispositifs d’intervention en faveur des entreprises seront repensés, et leur format révisé.
Le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, évoqué ici à de multiples reprises, offre une formidable occasion de répondre au besoin crucial de nos entreprises de dégager des marges, pour créer de l’emploi et investir. Il me semble toutefois qu’il serait pertinent d’aller plus loin et de compléter le dispositif par des mesures plus ciblées, en particulier en faveur des PME-PMI, afin de favoriser l’investissement en matériel et outillage de production, alors qu’il existe une véritable faiblesse de notre outil de production dans ce domaine. Tel est d’ailleurs le sens de l’amendement déposé par mon collègue Bernard Lalande et moi-même.
En effet, l’appareil de production des PME françaises souffre d’un retard important. L’âge moyen du parc de machines-outils en France est aujourd’hui de dix-neuf ans. Entre 2002 et 2013, le parc français de machines de moins de quinze ans s’est réduit de 10 000 unités, alors que celui de l’Allemagne augmentait de 95 000 machines au cours de la même période.
Afin de cibler le dispositif proposé sur les PME qui en ont le plus besoin, l’amortissement exceptionnel que nous proposons serait ouvert aux seules entreprises n’ayant pas distribué plus de 30 % de leur résultat net sous forme de dividendes ou de revenus équivalents au cours de l’exercice précédent.
Je terminerai en évoquant le plan « France très haut débit ».
Solidarités, développement harmonieux des territoires : tels sont les objectifs de ce projet d’infrastructures majeur, qui doit mener à la couverture intégrale du territoire national par la fibre optique d’ici à 2022. D’un montant total de 20 milliards d’euros, dont 1, 4 milliard d’euros pour l’État en 2015, ce plan traduit un engagement fort et ciblé pour tenir compte de la révolution numérique et de ses impacts sur l’économie française. Les 180 propositions formulées dans le rapport Lemoine avaient été particulièrement éclairantes à cet égard.
Il est difficile d’affirmer dès à présent que ce plan nous conduira à avoir un temps d’avance sur nos voisins européens, mais il nous permettra à coup sûr de ne pas prendre de retard sur eux. Ces investissements, massifs certes, sont nos atouts de demain, pour une meilleure attractivité, pour le développement de l’activité et donc de l’emploi, et pas seulement dans les villes, ce qui est très important. N’oublions pas, en effet, que quelque 60 % des PME-PMI sont situées en dehors des villes.
Si l’on devine aisément les effets vertueux d’un tel plan pour le secteur marchand, il ne faut pas sous-estimer ceux que des infrastructures numériques performantes auront dans les domaines de l’accès au service public, de la santé ou de la culture dans un futur pas si lointain. Ce plan sera aussi un frein au mouvement d’urbanisation comme seul vecteur de croissance, et un préalable à une nouvelle forme de développement durable de nos territoires.
Pour l’ensemble de ces raisons, et parce que ce texte prépare l’avenir, le groupe socialiste soutiendra naturellement, et avec détermination, le projet de loi de finances pour 2015.