Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est présenté aujourd'hui est important. En effet, tout d'abord, la France, du fait du poids de ses coopératives françaises au niveau européen, a joué un rôle moteur dans l'adoption des directives que ce texte vise à transposer. Ensuite, nous préparons actuellement la présidence française de l'Union européenne du second semestre de 2008. C'est sous la précédente présidence française, lors du sommet de Nice de décembre 2000, qu'a été acté le statut de la société coopérative européenne, en même temps que celui de la société européenne.
Ce projet de loi a donc pour objet la transposition en droit français de deux directives européennes de 2002 et 2003 relatives, l'une, à l'implication des travailleurs dans la société coopérative européenne, la SCE, l'autre, à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur.
Je tiens d'emblée à saluer le travail accompli par la commission des affaires sociales de votre Haute Assemblée, notamment par son président, Nicolas About, et par le rapporteur, Louis Souvet. Grâce à ces travaux, le projet de loi se trouve enrichi par les nombreux amendements auxquels le Gouvernement et la représentation nationale vont très certainement apporter leur soutien.
Qu'elles soient de taille modeste ou d'envergure internationale, les coopératives sont présentes dans le monde entier et couvrent l'ensemble des secteurs économiques.
Les coopératives sont créées soit par des consommateurs de biens et de services, soit par des salariés qui veulent assumer collectivement la fonction d'entrepreneur, soit par des producteurs et travailleurs indépendants qui souhaitent conserver leur autonomie tout en rassemblant leurs compétences et leurs moyens financiers.
Ces coopératives sont fondées sur des valeurs de solidarité, de responsabilités personnelles et mutuelles, de démocratie, d'égalité et d'équité. Elles fonctionnent selon des règles qui trouvent leurs racines au xixe siècle.
L'année 2007 marque le soixantième anniversaire du statut de la coopération adopté par la loi de 1947. En 2001, a été créé le statut de société coopérative d'intérêt collectif, montrant ainsi la vitalité de cette forme d'entreprise qui répond à des enjeux économiques et sociétaux forts.
En France, plus de dix millions de personnes sont adhérentes à une ou plusieurs sociétés coopératives, et ce dans les secteurs les plus divers : l'agriculture, la banque, l'artisanat, le commerce et la distribution, la pêche, le logement, le transport routier. Dans notre pays, le monde coopératif représente 21 000 entreprises qui comptent 700 000 salariés, pour un chiffre d'affaires total de plus de 100 milliards d'euros.
En 2002, le Conseil des ministres de l'Union européenne a reconnu la modernité et l'efficacité de la forme coopérative pour le développement de l'Union, et a adopté un statut de société coopérative européenne. C'est la directive régissant l'implication des salariés dans cette société qu'il vous est proposé de transposer aujourd'hui.
La SCE permettra aux coopératives d'exercer leurs activités dans l'ensemble du marché intérieur au sein d'une même structure, avec une seule personnalité juridique et suivant une réglementation unique.
Le statut de la SCE va donc faciliter le développement des activités transnationales des coopératives en leur permettant d'opérer dans l'Union sans avoir à créer un réseau de filiales relevant du droit national de chaque pays d'implantation, et sans avoir à dissoudre puis créer une nouvelle société en cas de transfert du siège de l'entreprise. Cette facilité est donc importante.
Le projet de loi qui vous est soumis détermine les règles d'information, de consultation et de participation des salariés au sein de la SCE. Il vise à permettre à nos coopératives nationales de mieux atteindre une dimension communautaire, tout en leur permettant de conserver leurs spécificités sociales, héritées d'une longue histoire.
S'agissant du processus de constitution de ces SCE, un projet de loi relatif au droit des sociétés devrait être présenté en Conseil des ministres dans les prochaines semaines, afin de rendre pleinement applicables les dispositions du règlement européen relatif à cette constitution.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de transposition qui est soumis aujourd'hui au Sénat doit permettre à la France d'accueillir les projets de coopératives européennes qui ne peuvent pour l'instant pas voir le jour dans notre pays. En effet, en raison des contraintes qui leur sont aujourd'hui imposées, les porteurs de projet préfèrent naturellement s'installer dans d'autres pays de l'Union où les textes européens sont déjà en application. Actuellement, en France, il faut que les porteurs de projet procèdent soit par fusion, soit par création d'une société spécifique, en appliquant à chaque composante de la nouvelle entité les règles de droit de chaque pays.
Ce texte respecte scrupuleusement le contenu de la directive européenne, et notre marge de manoeuvre était étroite en la matière. Nous ne pouvons donc pas reprendre, dans le cadre de ce texte, l'accord collectif négocié au niveau national par les partenaires sociaux, car celui-ci impose à nos partenaires européens des obligations non prévues par la directive, mais les clauses de cet accord pourront être intégrées au statut de chacune des SCE au moment de leur constitution, si l'ensemble des parties contractantes en sont d'accord.
J'ajouterai que, sur le plan symbolique, l'adoption de ce projet de transposition constituera un signal fort en cette année où nous célébrons le soixantième anniversaire de la loi portant statut de la coopération. Une semaine de la coopération sera d'ailleurs organisée du 22 au 26 novembre 2007, et de nombreux acteurs européens devraient y être associés.
Le projet de loi transpose également la directive du 23 septembre 2002 modifiant la directive concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, qui vient préciser les règles de paiement des créances impayées des travailleurs.
L'évolution des différents droits nationaux en Europe en matière d'insolvabilité ainsi que le développement du marché intérieur ont rendu nécessaire l'adaptation de certaines dispositions qu'il convient maintenant d'intégrer dans notre droit interne.
Afin d'assurer la protection des salariés qui travaillent dans un État membre autre que celui où est établi l'employeur, il est nécessaire de déterminer avec précision l'institution de garantie compétente pour payer les créances impayées en cas d'insolvabilité de l'employeur, ainsi que les modalités de ce paiement.
Par exemple, si un salarié travaille en France dans la succursale d'une entreprise britannique qui se trouve mise en liquidation judiciaire, il pourra, sur la base de ce texte, bénéficier de l'assurance garantie des salaires. Le syndic étranger transmettra le montant des créances dues au salarié à l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l'AGS, et celle-ci pourra ensuite le payer. En effet, selon les pays, le rang d'inscription des créances est différent et une coordination européenne permet de résoudre cette difficulté.
Le projet de loi contient en outre des dispositions sur l'échange d'informations entre les institutions de garantie des différents États membres. Ces dispositions, d'apparence très technique, sont en réalité capitales, car depuis 2002 ce sont plusieurs centaines de salariés, six cent soixante-dix pour être précis, qui ont été concernés en France par des faillites transfrontalières, pour un montant de créances salariales de plus de 4, 5 millions d'euros.
Ce texte permettra d'apporter une sécurité juridique indispensable à des pratiques aujourd'hui peu encadrées et bien souvent livrées à l'empirisme. Cela évitera les situations parfois ubuesques dues aux disparités des législations nationales, comme celle de ce salarié qui a dû attendre plus de deux ans avant de recevoir du liquidateur d'un autre pays pourtant membre de l'Union le paiement de sa créance garantie par l'AGS.
Mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission des affaires sociales a eu l'occasion de proposer des amendements qui amélioreront ce texte.
Ce projet est un pas vers la construction d'une Europe sociale véritable, c'est-à-dire équilibrée, qui encourage le développement de nos entreprises à l'échelle de l'Union, tout en faisant de cette expansion un moyen de garantir au mieux les droits des salariés.
C'est un texte qui est propice à la fois à la croissance et à la justice sociale pour tous les Européens, donc pour tous les Français, et qui leur apporte de vraies garanties. C'est un texte dont la France peut tirer le meilleur parti.