Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 20 novembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Michel BouvardMichel Bouvard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le budget présenté par le Gouvernement s’inscrit, nous le savons tous, dans un environnement économique difficile et persistant, qui doit conduire chacune et chacun d’entre nous à une attitude d’humilité et de responsabilité.

Après le point culminant atteint au lendemain du paroxysme de la crise financière en 2008, la diminution du déficit public a été engagée, ce dernier passant de 7, 5 % du PIB en 2009 à 7 % en 2010, 5, 2 % en 2011, 4, 9 % en 2012 et 4, 3 % en 2013.

J’espère, monsieur le ministre, que l’exercice 2014 confirmera cette tendance. Toutefois, force est de constater qu’elle se ralentit, sans doute parce que nous hésitons à engager des réformes structurelles profondes, dans un contexte de faible croissance et de montée du chômage, ou parce que nous espérons, une fois de plus, un retour de la croissance qui rendrait ces réformes structurelles moins indispensables.

Pour autant, ma conviction est que nous ne pouvons plus différer ce moment. La progression inexorable de la dette, malgré la réduction du déficit, est là pour nous rappeler cette nécessité absolue. Certes, le cap des 2 000 milliards d’euros a été franchi sans encombre, parce que nous avons bénéficié du facteur dangereusement anesthésiant de la baisse des taux d’intérêt.

L’État est au cœur de cet endettement public, puisqu’il détenait, à la fin de l’année dernière, quelque 79, 1 % de cette dette en comptabilité nationale. Depuis 1999, l’encours des emprunts de l’État a été multiplié par deux et demi, alors que la charge des intérêts n’a progressé que de 30 % sur cette même période. Faut-il rappeler que, si la structure des taux n’avait pas évolué depuis quinze ans, les intérêts de la dette représenteraient deux fois leur montant actuel, c’est-à-dire un montant insupportable !

Le montant de la dette, donc la réduction du déficit, est dans ce contexte un passage obligé, d’autant plus que la bonne surprise qu’a été en 2013 la diminution des taux – ce scénario, qui a permis une économie de 2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, se reproduira encore partiellement cette année – n’a pas vocation à se rééditer indéfiniment, et que la part de la dette de l’État détenue par des investisseurs non-résidents représente aujourd’hui près des deux tiers de notre dette, accentuant notre sensibilité à l’appréciation par les autres de la qualité de notre signature.

C’est d’autant plus vrai que, comme l’a rappelé M. le rapporteur général, les amortissements des années 2015 à 2017 risquent de constituer des années records en termes de besoins, malgré les anticipations judicieuses de l’Agence France Trésor en termes de rachat.

C’est l’autre contrainte extérieure qui est la nôtre, à laquelle s’ajoute celle, bien connue, de la solidarité due dans le cadre du pacte européen, qui nous conduit à soumettre notre budget au jugement des autres États de l’Union européenne.

Philippe Séguin avait souligné, en son temps, et je veux le rappeler, que la persistance des déficits n’était pas compatible avec la souveraineté nationale. Nous mesurons aujourd’hui la dimension de ce propos. Siégeant pour la première fois dans notre assemblée, et dans l’opposition républicaine, je suis conscient de la limite de l’exercice auquel nous allons nous livrer durant vingt jours – tel est en effet notre délai d’examen du projet de loi de finances, rappelé ce matin par Mme la présidente de la commission –, puisqu’il est peu probable que la commission mixte paritaire qui clôturera ce cycle aboutisse à un accord.

De fait, notre mission est alors d’affirmer ce que peuvent être d’autres orientations budgétaires, tant sur les recettes et la fiscalité que sur les dépenses. Je suis, de ce point de vue, solidaire des amendements et modifications apportés au budget sur l’initiative de notre rapporteur général.

Toutefois, au-delà, j’ai aussi la conviction que notre mission, après quatre législatures passées à suivre le budget de la nation, est d’attirer l’attention du Gouvernement sur les limites de la technique dite « du rabot », voire « de la varlope », et de proposer des réformes structurelles et des méthodologies qui peuvent être, je l’espère, partagées entre majorité et opposition. Ce sont ces réformes structurelles auxquelles nous invite avec insistance le Premier président de la Cour des comptes.

Certes, des progrès ont été accomplis pour mieux appréhender la totalité du périmètre de l’État dans la maîtrise de la dépense publique, et certaines des démarches engagées par la précédente majorité n’ont pas été remises en cause, qu’il s’agisse de la mise sous plafond des emplois des opérateurs, de l’interdiction qui leur a été faite d’emprunter, ou du plafonnement de la dépense fiscale.

De même, la revue et l’encadrement de la fiscalité affectée, que j’ai longtemps appelés de mes vœux, dans le prolongement du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de juillet 2013, ont donné lieu à des premières mesures dont je vous donne volontiers acte, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, et que, d’une manière générale, je soutiens, tant il était urgent de remettre le Parlement au cœur des arbitrages pour une ressource représentant, exclusion faite des impôts sociaux et des recettes affectées aux collectivités territoriales, un produit de 28 milliards d’euros en 2013, dont près de 15 milliards d’euros au profit des opérateurs de l’État.

Faut-il rappeler, pour soutenir la légitimité du Parlement à s’intéresser de nouveau à ce dossier, que le produit de la fiscalité affectée s’est accru de 27, 6 % entre 2007 et 2011, soit quatre fois plus vite que l’évolution des prélèvements obligatoires sur cette même période ?

De fait, les dépenses des bénéficiaires des taxes affectées – dépenses d’intervention comme masse salariale – ont été plus dynamiques que celles des autres acteurs publics, en même temps qu’elles ont couvert des phénomènes de débudgétisation.

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