Pour suivre les dossiers touristiques en région, l’État doit-il garder quelques agents, dont le rôle se limite à la surveillance du classement des hôtels ? Et quel sens donner à la présence de quelques survivants des administrations de la jeunesse et des sports ?
Surtout, ne sommes-nous pas allés trop loin dans une présence qui ne se justifie parfois seulement que par la mise en place de contrôles tatillons alimentant la machine à produire des normes et des règlements, source de surcoûts et de complexité ? La réduction de la réfaction de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, des collectivités, proposée par M. le rapporteur général, en constitue un exemple flagrant, avec un coût de plus d’un milliard d’euros pour les seules collectivités territoriales.
Et que dire par ailleurs des projets bloqués des entreprises en raison de la multiplication des études préalables, des études d’impact, des visas, des commissions de concertation multiples ? Oui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous attendons le choc de simplification promis par le Président de la République. Néanmoins, ce dernier n’est pas le premier à le promettre, et l’attente est de plus en plus longue.
Nous devons tirer, dans chaque administration, pour chaque mission, pour chaque opérateur, les conséquences des changements intervenus sur l’initiative du législateur ou des évolutions technologiques. Les marges de progrès sont considérables et répondent aux documentations d’économies attendues par la Commission européenne.
J’illustrerai mon propos par quelques exemples, monsieur le ministre. Avons-nous pris le temps un jour de nous interroger sur la fonction et la mission des trente chancelleries des universités, trente établissements publics administratifs dirigés par des recteurs, alors même que nous avons donné l’autonomie aux universités et, depuis lors, mis en place les communautés d’universités, ou COMU ? Et je ne parle pas à cet instant de la chancellerie des universités de Paris, dont la gestion du patrimoine immobilier, comme l’utilité, a conduit la Cour des comptes à en demander à plusieurs reprises la suppression.
Nous sommes-nous interrogés, en construisant le budget de l’enseignement scolaire, et alors qu’il existe un Centre national de documentation pédagogique qui a développé des produits accessibles sur Internet de qualité pour les enseignants, sur le réseau déficitaire des librairies du SCEREN, réparties au sein de trente et un centres régionaux de documentation pédagogique, tous établissements publics à caractère administratif, qui représentent un budget de 136 millions d’euros, dont 92 millions d’euros de subventions de charges de service public, et 1 886 emplois, alors que la loi sur l’école de 2013 aurait dû nous y conduire ?
Ces deux exemples au sein du budget de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur montrent qu’aucun ministère ne peut ignorer ce besoin de réformes structurelles. Certains regroupements et certaines réorganisations sont identifiés depuis des années.
Que dire par exemple des coûts de gestion de certains régimes de retraite, comme celui des marins, qui aurait pu bénéficier, comme cela a été fait en son temps pour la caisse des mines, d’un hébergement dans des structures plus importantes et des bénéfices d’une mutualisation ?
En l’absence de réformes de structure, de clarification des compétences et de mutualisation des moyens, c’est l’investissement public qui est la variable d’ajustement du budget.
Il en est ainsi de l’État aujourd’hui, il risque d’en être de même des collectivités locales demain. J’ai inlassablement plaidé, comme parlementaire, depuis des années, quelles qu’aient été les majorités, pour le maintien de l’investissement public, parce qu’il est nécessaire à la croissance, parce qu’il obéit à une logique de long terme que l’investissement privé ne peut pas toujours assumer, au regard des logiques de rentabilité immédiate ou à moyen terme qui le sous-tendent.
L’investissement public, c’est la recherche en amont, les infrastructures, le capital durable de la collectivité. Nous ne pouvons pas, au moment où la dette laissée aux générations futures s’accroît, en même temps ne pas investir. Et, comme le souligne M. le rapporteur général dans son rapport, la présente loi de finances marque un seuil d’investissement d’à peine 2 % des crédits : 18 milliards d’euros en autorisations d’engagement, 10 milliards d’euros en crédits de paiement, sur un total de dépenses de 396 milliards d’euros. Qu’en sera-t-il à l’heure de la loi de règlement, avec la mise en réserve de 8 % des crédits ?
Derrière ce montant, ce sont les crédits d’équipement de la défense, les besoins de la recherche, les infrastructures de transport qui sont menacés. C’est aussi le maintien du patrimoine monumental qui est compromis, et ce sont les contrats de projet État-régions, les CPER, qui verront leurs opérations décalées.
Nous ne pouvons pas, monsieur le ministre, ne pas exprimer notre inquiétude dans ce contexte, face au renoncement à certaines recettes légitimes, de surcroît financées en partie par ceux-là mêmes qui utilisent nos infrastructures, comme c’est le cas pour l’écotaxe. Certes, la responsabilité est partagée, puisque bien peu de ceux qui l’ont votée, dans la majorité comme dans l’opposition, se sont retrouvés pour en demander le maintien.
Autoriserez-vous les collectivités qui accepteraient de l’expérimenter à le faire, dès lors que la disposition du code général des douanes n’a pas été abrogée, comme l’a rappelé Marie-Hélène Des Esgaulx ?
Depuis des années, le financement des infrastructures n’est pas assuré. Je ne veux pas rappeler, car je dépasserai par trop mon temps de parole, madame la présidente, les épisodes du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN – de la taxe Pasqua d’aménagement du territoire aux taxes hydrauliques, jusqu’à la disparition pure et simple de ce fonds –, de la privatisation, un soir, de la société ESCOTA par le gouvernement Jospin, sans parler des promesses de recettes affectées sur le réseau autoroutier par le gouvernement Raffarin et de la privatisation du reste du réseau routier autoroutier par le gouvernement Villepin.
À chaque fois, on nous a dit que les sommes perçues seraient affectées au financement des infrastructures… Nous avons, là aussi, me semble-t-il, un devoir de vérité et de responsabilité qui amènera le Sénat, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, si vous le souhaitez, à trouver sa place dans la construction d’une recette durable pour les infrastructures, qui est attendue depuis plus de vingt ans.
De même, il faudrait aussi parler des dépenses fiscales, qui minent la recette et qui gagneraient à être couplées avec les dépenses budgétaires.