Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons cet après-midi vise, comme l'a indiqué M. le ministre, à transposer deux directives communautaires, qui traitent de deux sujets fort différents.
La première directive complète le statut de la société coopérative européenne afin d'organiser les modalités d'implication des travailleurs dans sa gestion, c'est-à-dire les procédures d'information et de consultation des salariés, mais aussi l'éventuelle participation de représentants des salariés aux organes dirigeants de la coopérative.
La seconde directive vise à mieux garantir le paiement aux salariés de leurs salaires et indemnités lorsque l'employeur, installé dans un autre État membre, est devenu insolvable.
Je signale que la France accuse un important retard de transposition pour ces deux textes, qui auraient dû être transposés, respectivement, le 18 août 2006 et le 8 octobre 2005.
Concernant le volet du texte consacré à la société coopérative européenne, je commencerai par rappeler que la création de ce nouveau statut a pour but de faciliter le développement des coopératives à l'échelle européenne, en leur permettant d'opérer partout sous une même forme juridique.
Le secteur coopératif a une importance non négligeable, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, dans l'économie nationale et européenne. On compte dans notre pays 21 000 sociétés coopératives, qui emploient 700 000 salariés et réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 100 milliards d'euros. Présentes dans tous les secteurs d'activité, elles rassemblent, selon les cas, des usagers, des entreprises ou des salariés. Les établissements de crédit à statut coopératif y sont particulièrement puissants : citons le Crédit Agricole, les Banques Populaires ou les caisses d'épargne et de prévoyance.
Les autres pays européens connaissent aussi la forme coopérative. On estime à 288 000 le nombre de coopératives en Europe ; elles comptent 60 millions de sociétaires et 5 millions de salariés.
Les sociétés coopératives sont cependant soumises à des règles juridiques très variées. Dans certains pays, aucune loi ne définit le statut coopératif, la nature coopérative d'une entreprise résultant alors seulement de ses règles de fonctionnement internes. En France, les coopératives sont régies par une loi de 1947, complétée par de nombreux textes d'application sectorielle.
La négociation de la directive relative au statut de la société coopérative européenne a été longue : entamée en 1991, elle ne s'est achevée qu'en 2003. La principale difficulté a justement résidé dans la définition des modalités d'implication des travailleurs : certains États, l'Irlande et le Royaume-Uni notamment, étaient hostiles à toute disposition contraignante ; l'Allemagne jugeait au contraire les propositions de la Commission européenne insuffisantes au regard de sa tradition nationale de cogestion.
Le compromis finalement obtenu, très proche de celui qui a été retenu pour la société européenne, donne la priorité au dialogue social, puisqu'il dispose que les dirigeants de la coopérative négocient avec les représentants des salariés les modalités de leur implication dans la société coopérative européenne.
C'est seulement en cas d'échec de ces discussions que s'appliquent les dispositions prévues, à titre subsidiaire, par la directive, à savoir la création d'un organe de représentation des salariés, qui est informé et consulté sur les questions intéressant la société coopérative européenne dans son ensemble ou qui présentent un caractère transnational.
Sous certaines conditions strictes de majorité, les représentants des salariés peuvent cependant décider de ne pas conclure d'accord et de « se fonder sur la réglementation relative à l'information et à la consultation qui est en vigueur dans les États membres où la société coopérative européenne emploie des salariés ».
Dans cette hypothèse, qui a vocation à être occasionnelle, les dispositions subsidiaires de la directive ne s'appliquent pas. L'information et la consultation des salariés ont alors seulement lieu au niveau de chaque État membre.
La directive prévoit des règles moins strictes pour les petites coopératives, en l'occurrence l'application du droit national, donc du code du travail.
La directive comporte des garde-fous destinés à éviter que la création d'une SCE n'aboutisse à faire disparaître, ou à affaiblir, les régimes d'implication des travailleurs en vigueur dans les entités participant à sa constitution.
Pour donner toutes ses chances à la négociation, si la société coopérative européenne a fait application des dispositions subsidiaires, les représentants des salariés doivent examiner, au bout de quatre ans, l'opportunité de rouvrir une négociation.
Je signale que le projet de loi tient compte, et c'est bien normal, de la publication de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative à la partie législative du nouveau code du travail, que nous avons d'ailleurs examinée voila trois semaines. Le code aujourd'hui en vigueur va en effet être remplacé, dans quelques mois, par une nouvelle version plus lisible et plus facile d'utilisation. Il est donc bien prévu de modifier ces deux versions du même code pour éviter tout vide juridique.
La commission des affaires sociales a porté une appréciation positive sur le projet de loi de transposition, sous réserve de deux observations.
En premier lieu, il est dommage que ce texte ne contienne que le volet social du statut de la société coopérative européenne. Les aspects de droit commercial étant manquants, le Parlement ne peut avoir une vision d'ensemble du statut de la société coopérative européenne. Cela retarde d'autant la création de la première SCE.
En second lieu, le Gouvernement a procédé à une transposition stricte de la directive, tellement stricte qu'elle a parfois conduit les rédacteurs du projet de loi à retranscrire mot pour mot le texte d'origine. Cela pose un problème lorsque la terminologie juridique européenne diffère de la nôtre. Plusieurs amendements visent donc à résoudre cette difficulté.
J'en viens maintenant à la présentation du second volet du texte, consacré à la garantie des créances salariales en cas de faillite transfrontalière. Ce volet vise à transposer une directive de 2002, qui a modifié une directive de 1980, par laquelle chaque État membre avait été conduit à mettre en place une institution qui garantisse aux travailleurs le paiement de leurs créances salariales en cas d'insolvabilité de l'employeur.
En France, l'institution chargée d'apporter cette garantie est l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l'AGS, que nous connaissons bien, créée dès 1974 par trois organisations patronales. Elle est financée par une cotisation de 0, 15 % assise sur les salaires et recouvrée par les ASSEDIC. Elle garantit le paiement aux salariés des rémunérations de toute nature qui leur sont dues, ainsi que des indemnités liées à la rupture du contrat de travail. L'AGS intervient à titre subsidiaire, lorsque les fonds disponibles dans l'entreprise sont insuffisants pour faire face à ces créances.
La directive de 2002 permet essentiellement de mieux protéger les travailleurs à temps partiel, en contrat à durée déterminée ou intérimaires, et de prévoir le cas de l'entreprise insolvable ayant des activités dans plusieurs États membres. Dans cette hypothèse, c'est l'institution de l'État membre où travaille le salarié qui sera compétente. La directive organise également l'échange d'informations entre les administrations publiques et les institutions de garantie.
Le projet de loi prévoit de modifier notre droit sur deux points afin de le mettre en conformité avec la directive.
Il indique, en premier lieu, que l'AGS garantit les créances des salariés employés en France par une entreprise installée dans un autre État membre devenue insolvable. Les sommes dues aux salariés leur sont versées, par l'intermédiaire du syndic de faillite situé à l'étranger, sur présentation de relevés de créances.
Il précise, en second lieu, les obligations de l'AGS en matière d'échange d'informations : il lui revient de communiquer aux parties intéressées toute information relative à la réglementation applicable en cas de mise en oeuvre d'une procédure d'insolvabilité, aux règles de licenciement en cas d'insolvabilité de l'employeur et à la nature des organismes à contacter pour le paiement des cotisations et des contributions sociales.
Toutefois, les montants financiers en jeu sont modestes : l'AGS a été saisie, entre janvier 2002 et décembre 2005, soit en quatre années pleines, de cent quatre procédures transfrontalières, qui ont concerné six cent trois salariés et donné lieu au versement d'avances d'un montant de 3, 8 millions d'euros, sur un total de 6, 9 milliards d'euros.
Le projet de loi procède à une transposition satisfaisante de la directive, ce qui explique que la commission ne propose qu'un petit nombre d'amendements sur ce second volet du texte, destinés surtout à simplifier les procédures et à corriger des défauts de rédaction.
En conclusion, je tiens à souligner que ce projet de loi, en dépit de son aspect très technique, comporte des dispositions utiles aux salariés de notre pays. Je vous propose donc de l'approuver, sous réserve des amendements que je vous présenterai.