Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous dire que le projet de loi de finances pour 2015 présenté par le Gouvernement est trop optimiste. Le Premier président de la Cour des comptes, M. Migaud, vous l’a déjà dit, d’ailleurs, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État. Vous n’obtiendrez ni une croissance de 1 % ni les recettes fiscales que vous espérez, ce que je regrette d'ailleurs.
Le FMI prévoit en effet une croissance de 0, 7 % pour 2015, ce qui signifie une diminution de 4 milliards d’euros, au moins, de recettes pour l’État. Je ne parle même pas des 3, 5 milliards d’euros de réductions d’impôts, sans économies correspondantes, que vous avez décidées pour les faibles revenus !
Je vous rappelle que vous aviez prévu, en novembre 2013, dans le projet de loi de finances pour 2014, un déficit de 3, 6 % ; il sera en réalité cette année de 4, 4 %, si ce n’est plus. Avec des économies totalement hypothétiques, le déficit pour 2015 sera certainement plus élevé que prévu. Vous prévoyez aujourd’hui qu’il se monte à 4, 3 % l’année prochaine. Nous ne sommes qu’en novembre 2014 : il pourrait donc très bien se situer autour de 5 % dans un an, ce qui serait catastrophique !
Je vous l’ai déjà indiqué, il serait plus judicieux de faire des hypothèses basses pour la croissance et hautes pour le déficit ; vous seriez ainsi plus près de la réalité.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la réduction de nos déficits et le retour de la croissance sont une urgence absolue. Ces deux objectifs ne sont pas incompatibles ; il faut les réaliser en même temps. De toute façon, ce n’est pas en augmentant les impôts que vous obtiendrez la croissance ; c’est au contraire en les diminuant, tout en réduisant de façon équivalente, bien sûr, les dépenses de fonctionnement. C’est d’ailleurs ce que demande la Cour des comptes, que vous ne voulez pourtant pas écouter. Au lieu de cela, en effet, vous continuez à augmenter les dépenses, en embauchant 60 000 fonctionnaires de plus.
Vous prévoyez un effort d’une ampleur inédite, selon vous, de 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans. Toutefois, la seule économie réelle passera par la réduction de 11 milliards d’euros des dotations aux collectivités territoriales ; vous semblez oublier que vous leur avez imposé une dépense importante supplémentaire avec la réforme des rythmes scolaires, dont elles ne voulaient pas, d’ailleurs. Tout cela les mettra en grande difficulté.
Les 9, 6 milliards d’euros d’économies sur la protection sociale pour 2015 sont des réductions espérées de dépenses. Elles concerneront surtout les hôpitaux et passeront par l’optimisation de la dépense hospitalière, avec notamment le développement de la chirurgie ambulatoire et une action sur le prix des médicaments, qui sont pourtant loin d’être encore réalisés. Quant à la réduction des dépenses de l’État, d’un montant de sept milliards d’euros, elle n’est pas véritablement documentée.
Depuis maintenant trop longtemps, la France vit au-dessus de ses moyens. Il y a quarante et un ans que les gouvernements de gauche comme de droite n’ont pas voté un budget en équilibre, considérant que les emprunts étaient une ressource illimitée de financement ! C’est très pratique, bien sûr, mais c’est catastrophique. Ils sont tous responsables de notre situation financière dramatique. Vous n’êtes donc pas les seuls responsables, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État ; il y en a beaucoup d’autres !
Alors qu’elle était de 110 milliards d’euros en 1981, notre dette atteindra un montant supérieur à 2 000 milliards d’euros en 2015, soit près de 97 % du PIB. Où va-t-on ? Elle continuera à augmenter à raison de 70 à 90 milliards d’euros par an en raison de nos déficits successifs. Nous entrons dans un cercle infernal, qui paralysera toute notre économie. Pour 2015, la charge de la dette réduira nos recettes fiscales de 44 milliards d’euros, et peut-être de beaucoup plus si les taux d’intérêt augmentent.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous et vos prédécesseurs, de gauche comme de droite, avez passé votre temps à expliquer aux Français que, grâce à vous, tout allait s’arranger bientôt. Vous dites qu’il y a des frémissements, que la croissance va augmenter et le chômage diminuer grâce au pacte de responsabilité, au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, ou à d’autres mesures ronflantes, mais sans aucune efficacité – pardonnez-moi de vous le dire –, comme les emplois d’avenir et les contrats aidés, qui coûtent tout de même très cher.
La France doit faire plutôt comme le Canada, qui était dans la même situation que la nôtre il y a quinze ans, et qui s’en est sorti. Les ministres canadiens ont compris qu’il fallait totalement changer de politique financière et ont largement informé leur opinion publique des dangers qu’ils couraient, au lieu de les bercer d’illusions. La réalité est ce qu’elle est, et rien ne pourra la changer ; il faut s’y conformer.
Concernant le chômage, il faudrait que nos responsables politiques et nos syndicats comprennent que, si les entreprises ne peuvent pas licencier lorsqu’elles auront moins de travail, elles n’embaucheront pas et sous-traiteront à l’étranger. Le chômage continuera alors à augmenter en France. Les emplois à vie, qu’il faudrait d’ailleurs supprimer, n’existent que pour les fonctionnaires.
Il faudrait également que les entreprises puissent recourir à des contrats de mission, comme aux États-Unis, où les embauches ne sont soumises à aucun délai et dépendent du travail à réaliser. Sans travail, pas d’embauche ! Cette flexibilité indispensable a permis, entre autres, de sauver General Motors de la faillite, ce qui l’a autorisé par la suite à réembaucher.
La croissance, quant à elle, ne viendra pas tant que l’on n’aura pas supprimé les impôts sur les patrimoines – l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune – et baissé le taux des impôts sur le revenu et les dividendes, qui continuent à faire partir à la fois nos investisseurs et nos jeunes diplômés. Il n’y aura bientôt plus en France que des fonctionnaires, des chômeurs et des retraités.