En effet, le PIB français a progressé de 0, 3 % au cours du troisième trimestre, soit trois fois plus que l’Allemagne, preuve que la difficulté est commune à beaucoup d’autres pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez l’occasion cette année de vous interroger point par point sur le financement de tous les services publics. Toutefois, au fond, qu’est-ce qu’un budget, au-delà du financement de telle ou telle action publique, si ce n’est d’abord et avant tout une arme économique au service de notre pays ? En quoi ce projet de loi de finances favorisera-t-il une croissance supérieure à celle que nous connaissons actuellement ? Permettez-moi d’apporter quelques éléments de réponse à cette question légitime que beaucoup d’entre vous se posent.
Partons de la situation française, qui doit être replacée dans le contexte européen. Notre pays – est-ce un bien, est-ce un mal ? – est exactement dans la moyenne de la zone euro : même niveau de croissance – trop peu élevée –, même niveau d’inflation – trop faible – et quasiment même niveau de chômage, puisque nous sommes fort heureusement un peu en dessous de la moyenne – trop forte !
En 2008, nous avons fait face à une crise financière et bancaire, qui venait en grande partie de l’extérieur, mais qui a frappé davantage le continent européen qu’elle n’a touché le pays où elle est née, à savoir les États-Unis. En effet, en raison des fragilités inhérentes à l’Europe et à la France dans ces secteurs, le choc a été pour nous très puissant. Puis, nous avons dû affronter une deuxième perturbation, une sorte de contrecoup, si je puis dire : la crise de la dette publique, en particulier celle de certains États de la zone euro.
Fallait-il accepter que la zone euro régresse, que l’euro soit mis en cause et que, éventuellement, au bout du compte, toutes les avancées de la construction européenne soient réduites à zéro ? Nous avons réagi au cours des années 2011, 2012 et 2013 en « serrant les boulons » sur le plan budgétaire pour éviter que la catastrophe des dettes publiques de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie, du Portugal et de l’Irlande n’emporte avec elle la totalité de la zone euro.
Nous connaissons maintenant une troisième phase. Il ne s’agit pas d’une période de récession, comme celle qui a touché la France en 2008, ou comme celle que certains pays ont traversée en 2011, 2012 ou 2013, contrairement à nous, car nous sommes passés juste à côté. Certains d’entre vous l’ont dit, notamment M. le rapporteur général, nous courrons le risque d’une situation appelée, peut-être un peu facilement d'ailleurs, « à la japonaise » : croissance et inflation beaucoup trop faibles, chômage beaucoup trop fort, le tout pendant beaucoup trop longtemps.
Traverser une crise quand elle dure un an ou dix-huit mois, c’est toujours douloureux. Mais vivre pendant deux, trois ans – nous y sommes –, voire quatre ou cinq ans si l’on ne fait rien, avec une croissance et une inflation très faibles, c’est insupportable ! D’autant que le tissu économique lui-même est déjà extrêmement meurtri, ainsi que le tissu social frappé par le chômage.
Comment nous attaquons-nous à cette difficulté ? Tout d’abord, en inscrivant dans la continuité un certain nombre de nos décisions.
Premièrement, nous voulons faire en sorte que nos entreprises retrouvent, par le biais des baisses cumulées, année après année, les capacités d’investissement et d’emplois qui étaient les leurs avant la crise, soit en 2007.
Vous avez tous en tête le chiffre gigantesque de 41 milliards d’euros de diminutions de cotisations pesant sur les entreprises en quatre ans, soit un peu plus de 10 milliards d’euros par an. Jamais un effort de cette nature n’a été consenti au cours des dernières années. Cette année, la baisse sera d’un peu plus de 10 milliards d’euros avec le CICE. Elle s’élèvera à 12 milliards d’euros l’année prochaine, et ainsi jusqu’en 2017.
Comment le Gouvernement a-t-il calculé que les aides devaient s’élever à 41 milliards d’euros ? Ce chiffre n’est pas tombé du ciel, il n’a pas été trouvé « au doigt mouillé ». Il s’agit très exactement du nombre de milliards d’euros manquant entre les marges des entreprises de 2007 et celles de 2013, voire de 2012, si je voulais polémiquer un peu ! Une telle chute en cinq ans est l’effet non seulement de la crise, mais également des hausses d’impôts décidées bien avant 2012. Nous rendons cette marge aux entreprises, afin qu’elles retrouvent leurs capacités d’investissement et d’emplois.
Ces mesures seront mises en place dans la continuité. Il y a eu le CICE, mais il y aura aussi bientôt les baisses de cotisations sociales votées avant l’été. Ces dispositifs doivent être financés d’une façon ou d’une autre. L’année prochaine, nous injecterons 12 milliards d’euros. Ce ne sera pas une chose aisée ! J’aimerais que cela soit plus dit, plus reconnu, plus commenté, plus pris en compte et que les contreparties de la part des entreprises soient plus visibles, car celles-ci ont aujourd'hui obtenu plus de sécurité.
À la continuité dans la mise en œuvre de la politique choisie en faveur des entreprises, qui leur offre à la fois visibilité, anticipation et sécurité, s’ajoute la continuité dans la mise en place du pacte de responsabilité et de solidarité. Nous avions pris l’engagement de diminuer un peu en 2014, davantage en 2015, l’impôt sur le revenu, en particulier pour les plus modestes. Promesse tenue ! La baisse pour les contribuables se chiffrera à un peu plus de 3 milliards d’euros l’année prochaine. Plus de 9 millions de ménages seront concernés. Pour tout cela aussi, il convient de trouver des financements.
Deuxièmement, pour faire face à la situation de faible croissance, il est indispensable de ne pas compenser par des prélèvements obligatoires supplémentaires, primo les baisses de cotisations ou de charges, secundo la petite diminution du déficit public. Vous le savez, celui-ci atteindra 4, 4 % du PIB en 2014. Nous envisageons de le réduire à 4, 3 %, voire plus à la faveur de l’émergence d’une situation nouvelle.
Il nous sera ainsi possible de financer les priorités que sont la recherche, l’éducation ou la défense. En effet, dans le contexte actuel, il est plus que jamais indispensable de maintenir l’effort de 31, 4 milliards d’euros annuels prévu dans la loi de programmation militaire. Nous respecterons cet engagement. Rien de tout cela ne sera financé par des augmentations d’impôts.