À Brisbane, de quoi parlaient les leaders des vingt plus grands pays du monde, des pays comme l’Inde, le Brésil et la Chine, et non plus seulement les pays du G8 ? Ils parlaient de croissance plus forte, en pensant d’abord et avant tout à la zone euro. Ils nous disaient, d’une manière plus polie que celle que je vais utiliser : « Que faites-vous donc chez vous ? Que faites-vous dans cette zone euro qui, aujourd'hui, est à la traîne du monde ? N’y a-t-il pas une responsabilité à prendre ? N’y a-t-il pas quelque chose à faire, des corrections à apporter à la politique que, d’une manière générale, ensemble, vous portez au niveau de la zone euro ? »
La réponse est oui ! Nous devons apporter des corrections. Je ne dis pas que nous devons inverser toutes nos politiques, ni qu’il faut renverser la table. Il ne s’agit pas de créer de nouveau du déficit, en stimulant la demande à grand renfort de dépenses publiques. Nous avons connu cela dans les années 2008, 2009, 2010. La période actuelle exige que nous continuions à faire preuve de sérieux budgétaire, mais à un rythme compatible avec la croissance. Tel est le sujet dont nous débattons au niveau européen.
Aussi, il y a ceux qui ont le logiciel d’hier, celui qui était adapté aux années 2010, 2011, 2012. Ce logiciel était nécessaire à un moment où il fallait resserrer tous les budgets, parce que, sinon, on risquait l’éclatement de la zone euro. Mais aujourd'hui, faut-il appliquer ce logiciel exactement de la même manière, avec le même contenu, les mêmes hiérarchies, les mêmes dates, les mêmes contraintes ? La réponse est non. L’intelligence, c’est d’adapter les logiciels. Il ne s’agit pas d’en changer ; il faut adapter le logiciel à la situation actuelle.
La bonne réponse, que nous avons pu aborder ensemble, hier après-midi, au cours d’un débat extrêmement bienvenu sur ces sujets, et dont je remercie votre collègue Richard Yung d’avoir pris l’initiative, c’est celle de l’investissement.
Il faut défendre l’investissement – public, mais pas seulement. Quand vous défendez l’investissement public dans les collectivités territoriales, vous avez raison, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous pensons qu’il est possible, même si ce n’est pas simple, de mettre en œuvre une maîtrise des dépenses dans les collectivités territoriales, sans pour autant mettre en cause le niveau de l’investissement de ces dernières.
Nous ne vous proposons en aucune manière de diminuer l’effort d’investissement, nous le maintenons. Lorsque nous mettons en place le CICE, nous engageons une réforme qui permet d’encourager les entreprises à investir, en leur redonnant les moyens de le faire. C’est à la fois de l’investissement public et de l’investissement privé. De grâce, n’entrons pas dans une guerre entre investissement public et investissement privé !
Dans le monde d’aujourd'hui, et quels que soient les pays concernés – c’est vrai en Allemagne comme en France – il faut un peu d’investissement public pour provoquer beaucoup d’investissement privé. Il faut marier l’un avec l’autre au travers de dispositifs qui peuvent être différents.
Monsieur Gattolin, permettez-moi d’évoquer la question dite « de la transition énergétique », qui, j’en suis persuadé, est l’un des domaines où l’investissement est le plus décisif, parce qu’il permet d’obtenir très rapidement des résultats.
Être dans la transition énergétique, cela veut dire favoriser le transport local, l’augmentation de l’efficacité énergétique de son bâtiment, de sa maison d’habitation, de son appartement. C’est donc s’occuper de domaines où la stimulation de la demande, de l’activité, du travail est immédiate sur l’ensemble du territoire. La transition énergétique, voilà l’un des grands domaines où l’investissement est absolument nécessaire.
C’est d'ailleurs pourquoi le crédit d’impôt pour la transition énergétique, ainsi qu’il s’appelle désormais, vous en avez parlé, est bienvenu, parce qu’il permettra de stimuler l’investissement privé au service de l’activité sur l’ensemble de nos territoires. Bref, l’investissement est nécessaire, encore et toujours, l’investissement des collectivités territoriales, de l’État et au niveau européen, bien entendu, au travers des 300 milliards d'euros de projets promis par M. Juncker.
Tels sont les éléments que je voulais à ce stade apporter au débat qui nous rassemble, et qui est le vôtre. Quelle que soit l’orientation des uns ou des autres, que ce soit au sein du groupe communiste, du groupe UMP, du groupe UDI-UC et, bien sûr, des groupes de la majorité, nous avons tous la volonté de faire réussir notre pays, de le sortir de la situation qu’il connaît actuellement.
Je terminerai en exprimant une conviction, qui va au-delà de nos débats, au-delà des critiques qui sont indispensables à la vie de notre démocratie.
Nous connaissons la situation. Nous savons quel est le risque. Nul d’entre nous ne peut dire le contraire. En 2007, on pouvait dire : « Je n’étais pas sûr qu’il allait y avoir une crise financière ». Aujourd’hui, nous connaissons parfaitement le risque : trop faible croissance, trop faible inflation pendant trop longtemps. Et nous connaissons les outils à utiliser.
Il n’y a plus qu’une chose à faire, c’est de passer à la décision, que ce soit au travers du budget que nous vous proposons aujourd'hui, ou au niveau européen. J’espère que nous verrons se traduire cette décision au cours des semaines, peut-être même des jours qui viennent. Lundi prochain, déjà, la Commission européenne formulera un certain nombre de propositions, et les chefs d’État et de gouvernement auront, les 18 et 19 décembre, à porter, ensemble, ces projets globaux de la Commission, donc de l’Europe.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons la capacité de décider et nous décidons. À vous maintenant d’agir !