Vous avez souhaité m'entendre sur les grandes lignes du budget du ministère de l'intérieur pour 2015.
En préambule, je voudrais évoquer le contexte budgétaire global. Alors qu'entre 2002 et 2011, la dépense publique a crû à un rythme annuel moyen de 2 %, puis de 1,7 % par an entre 2007 et 2011. Elle a été stabilisée en 2014 avec une croissance en volume de + 0,9 %. Cette stabilisation est confirmée en 2015 à + 0,2 % en volume, soit un effort historique.
Alors que dans tous les ministères hors Justice, Éducation nationale et Intérieur pour sa mission de sécurité voient leur budget diminuer, l'effort de réduction de la dépense publique est majeur, et, dans ce contexte, le budget du ministère est stabilisé, les effectifs et les moyens de la police et de la gendarmerie sont renforcés, la baisse des effectifs de l'administration territoriale est fortement atténuée par rapport aux années précédentes, les effectifs dédiés aux traitement de la demande d'asile sont renforcés, la réforme destinée à réduire les délais d'instruction de la demande d'asile est engagée.
En premier lieu, j'ai souhaité préserver les crédits de la mission « Sécurités », définie comme une politique prioritaire par le Président de la République. Ainsi, les crédits de la mission sont stabilisés, en légère hausse, à 12,2 millions d'euros hors dépenses de pensions.
Cela traduit la volonté du Gouvernement de préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité à répondre aux missions régaliennes qui sont les leurs. L'État assume sa mission de protection, au coeur des préoccupations de nos concitoyens, dans un contexte de menaces sérieuses et multiformes.
En termes d'emplois, dès son arrivée aux responsabilités, la majorité actuelle a fait un choix très clair : elle a stoppé l'effondrement des effectifs des forces de sécurité subi entre 2007 et 2012, équivalent à -12 500 postes dans la police et la gendarmerie. Comme en 2013 et en 2014, nous créons des postes : en 2015, 405 postes sont créés, cet effort se poursuivra sur la durée du budget triennal. Les effectifs d'inspecteurs du permis de conduire sont stabilisés pour accompagner la réforme du permis de conduire.
S'agissant des conditions de rémunération et des conditions sociales des personnels de la mission « Sécurités », une enveloppe catégorielle de 21 millions d'euros dans la police, de 16 millions d'euros dans la gendarmerie est prévue, mais également un renforcement de 2,4 % de la masse salariale de la sécurité civile. Ces crédits permettront de mettre en oeuvre la dernière phase de revalorisation de différentes catégories d'agents, notamment des catégories B et C.
Ces mesures de renforcement net des effectifs et du pouvoir d'achat des personnels, n'auraient que peu de sens si les moyens de fonctionnement et l'investissement de la mission « Sécurités » n'étaient pas renforcés. Ces moyens ont trop longtemps été négligés et l'avenir n'a pas été préparé dans ce domaine. Pour mémoire, ces crédits ont dramatiquement diminué entre 2007 et 2012 avec une baisse de 17 %.
Nous avons donc décidé d'inverser la tendance et de fixer de nouvelles priorités. Pour la police, ce sont 34 millions d'euros supplémentaires dédiés au fonctionnement et à l'investissement, par rapport à la loi de finances pour 2014. Cela représente une hausse très nette de 3,7 % et par ailleurs une hausse très forte des crédits immobiliers, de 22 % en AE et 9,7 %. Cette tendance à la hausse sera poursuivie jusque la fin du quinquennat.
Pour la gendarmerie, les crédits de fonctionnement et d'investissement sont préservés en 2015. D'ici 2017, un renforcement de 24,5 millions d'euros est prévu. Au-delà de ce renforcement des moyens et des investissements courants, ce gouvernement répond à une attente forte et ancienne des gendarmes : un plan triennal de réhabilitation de l'immobilier domanial, doté en tout de 79 millions d'euros par an, est mis en oeuvre pour stopper la détérioration du logement et du lieu de travail des gendarmes.
Dès 2014, l'acquisition de quelque 2 000 véhicules supplémentaires a été permise pour chacune des forces de police et de gendarmerie et ces efforts se poursuivront en 2015 avec 40 millions d'euros par force, soit encore 2 000 nouveaux véhicules pour chacune des deux forces.
Concernant la sécurité civile, les moyens prévus en 2015 permettront de poursuivre le développement de son réseau de transmission ANTARES, intégré au réseau INPT, avec pour objectif d'achèvement en 2017, grâce à un effort de 36 millions d'euros. Par ailleurs, la sécurité civile se voit allouer les moyens de moderniser le système d'alerte aux populations à hauteur de 6 millions d'euros. Elle pourra ainsi poursuivre le déménagement de sa base d'avions à Nîmes.
Dans la même logique de préparation de l'avenir et afin de répondre aux menaces multiples auxquelles nous sommes confrontées, un plan d'investissement de modernisation technologique des forces (police, gendarmerie et sécurité civile) sera déployé à hauteur de 108 millions d'euros sur trois ans.
Nous devons poursuivre les mutualisations et les efforts de dématérialisation pour redonner des marges opérationnelles aux forces de sécurité, dans le respect de leurs spécificités. Nous rechercherons également des sources alternatives de financement, par exemple en mobilisant les saisies d'avoirs criminels. Nous souhaitons réaffecter une partie de ces sommes aux forces de sécurité.
Dans le cadre du budget pour 2015, j'ai également tenu à accompagner la réforme territoriale par la réforme des services de l'État qui sont sous mon autorité, les préfectures et sous-préfectures. Cette réforme de l'État est fondamentale pour réussir la réforme territoriale dans son ensemble. Elle est une condition du renforcement du service public sur les territoires, dans un contexte où aucune réforme importante de l'administration territoriale de l'État n'est intervenue depuis de nombreuses années. Cette réforme permettra d'assurer la pérennité des services publics, alors que ces derniers connu des déflations importantes avec la révision générale des politiques publiques.
Ainsi, je tiens à souligner que les effectifs de l'administration territoriale portés par le ministère de l'intérieur, qui, depuis plusieurs années, subissaient de fortes réductions, voient leur contribution à l'effort de redressement des finances publiques passer de -550 postes en 2014 à - 180 postes en 2015. J'ai d'ailleurs veillé à ce que ces 180 postes puissent être déflatés sans préjudice pour le fonctionnement des services de l'administration déconcentrée de l'État. Cette marge de manoeuvre est dégagée notamment par un effort de mutualisation, avec la mise en place par exemple de plates-formes interdépartementales de naturalisation. L'effort est donc en 2015 du tiers de celui effectué en 2014.
Il aurait en effet été incompréhensible pour les agents de lancer la réforme de l'administration territoriale de l'État qui est en cours en continuant d'absorber des réductions d'effectifs importantes.
Quelques mots sur la philosophie de cette réforme territoriale. Nous allons d'abord poursuivre la revue des missions, qui est conduite par le secrétariat d'État à la réforme de l'État, le ministère de l'intérieur et le secrétariat général du gouvernement, en association étroite avec les secrétariats généraux des administrations centrales, à faire, ministère par ministère, la part de ce qui doit être confiée à l'administration déconcentrée et ce qui reste entre les mains des administrations centrales. Aux termes de cette revue des missions, fin 2014, nous élaborerons début 2015 une charte de la déconcentration, qui définira les conditions de transfert des missions vers l'administration déconcentrée. L'objectif est aussi de donner plus de pouvoirs au préfet, dans un cadre interministérialisé, en matière budgétaire et en matière de gestion des personnels. Je tiens à rappeler ici que ce qui sera transféré vers les administrations territoriales de l'État ne fera pas par un processus de recentralisation au détriment des collectivités locales.
Nous allons également donné un mandat de négociation aux préfets de région, à l'instar de ce qui a été fait en Alsace et dans la Moselle, qui les conduira à engager avec les élus locaux et les organisations syndicales, pour déterminer les sous-préfectures à fermer, si elles doivent l'être, substituer à des sous-préfectures des Maisons de l'État et moderniser le réseau infra-départemental, avec comme objectif qu'il y ait plus de services publics et non pas moins. Il y a des territoires qui se sont désertifiés qui ont des sous-préfectures, des territoires qui se sont densifiés qui n'en ont pas assez. Je souhaite que ce travail de négociation fasse l'objet d'un rendu régulier devant les parlementaires.
Ainsi, en 2015, comme je l'ai précédemment indiqué, les agents bénéficieront des mesures transversales décidées par le Gouvernement au plan interministériel, en particulier pour ce qui concerne les personnels de catégories B et C.
Enfin, je veillerai à ce que, dans le cadre de la réforme de l'administration territoriale et des efforts d'optimisation et de mutualisation, les moyens de fonctionnement et d'investissement de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » soient protégés. Je souhaite atteindre ce résultat grâce au recentrage engagé par les préfectures et sous-préfectures sur les missions qui sont au coeur de leurs métiers, grâce à la rationalisation immobilière, pour dégager les marges nécessaires au financement des besoins de fonctionnement et d'investissement dont l'État a besoin au plan local.
S'agissant enfin de la mission « Immigration, asile, intégration », ce Gouvernement souhaite afficher des objectifs clairs : la lutte déterminée contre les filières et l'immigration irrégulière, le renforcement de notre attractivité pour les migrations de l'excellence, de la connaissance et du savoir, et l'harmonisation et la simplification des conditions d'accueil et de séjour pour une meilleure intégration des étrangers qui ont vocation à nous rejoindre.
Au plan global, les crédits de la mission progressent de 2,7 millions d'euros par rapport à la LFI 2014. Par ailleurs, les crédits du programme 303 portant sur la politique d'immigration et d'asile, qui représentent 91 % des crédits de la mission, sont globalement stabilisés par rapport à l'an dernier. Le projet de loi de réforme de l'asile répond à la nécessité de transposer les directives communautaires dites « paquet asile » et de refonder notre dispositif national de prise en charge des demandeurs d'asile. Cette réforme apporte des garanties nouvelles par la généralisation du recours suspensif, la présence d'un conseil juridique lors de l'entretien à l'OFPRA, et la détection des personnes vulnérables.
Le Gouvernement entend réduire les délais d'instruction des demandes d'asile, au bénéfice des demandeurs, dont l'attente est trop longue, et des services. Cet objectif sera atteint notamment en affectant 55 agents supplémentaires à l'OFPRA pour faciliter l'instruction des dossiers et en portant la subvention de l'Office à 46 millions d'euros. En outre, il est prévu d'étendre les procédures accélérées, d'encadrer les délais de jugement de la CNDA, de simplifier le régime de l'aide juridictionnelle et de prévoir le passage de certains dossiers en juge unique.
Une nouvelle allocation pour demandeur d'asile sera également mise en place. Le principe retenu est celui d'une unification des barèmes pour les demandeurs d'asile, compensée par un caractère plus directif et obligatoire de l'hébergement ainsi qu'une plus grande efficacité des sanctions, permettant des économies importantes. La baisse de la dotation de l'allocation temporaire d'attente est le reflet de la réforme de l'asile dont l'un des objectifs est de réduire les délais d'instruction et donc les coûts associés.
Enfin, la réforme s'appuie sur la poursuite de la création d'un nombre important de places de CADA, après la création de 4 000 places en deux ans, en 2013 et 2014. Si, comme le souhaite le Gouvernement, la réforme est votée d'ici mi-2015, nous ambitionnons de créer 5 000 places supplémentaires en CADA, par transformation de 1 000 places d'hébergement d'urgence et grâce à l'unification et à la simplification du système d'allocation.
Malgré un contexte de crise en Méditerranée, je tiens à rappeler que la France est moins touchée que ses voisins par la hausse des demandes d'asile : ces dernières devraient être stable en 2014 en France alors qu'elle augmente de plus de 50 % chez nombre de nos partenaires. Par ailleurs, nous agissons au niveau de l'Union européenne : à notre initiative, des réponses collectives sont désormais apportées au travers de l'action de Frontex ou du lancement de l'opération Triton. L'Union européenne va également intensifier le dialogue avec les pays source et de transit de la Corne de l'Afrique et veiller à ce que l'ensemble des États membres respectent leurs obligations, notamment d'identification. Je pense ici notamment à l'Italie. C'est le résultat de la démarche que j'ai faite à la fin du mois d'août et dont les propositions ont été reprises lors du dernier conseil des ministres Justice et affaires intérieures de l'Union européenne.
Au plan budgétaire, les crédits destinés à la lutte contre l'immigration irrégulière sont stabilisés en 2015. En particulier, l'investissement immobilier dans les centres de rétention administrative est préservé et servira notamment à terminer la construction du nouveau centre de rétention administrative de Mayotte, que j'ai récemment visité, constatant qu'il est d'une indignité totale.
Enfin je tiens à rappeler les résultats significatifs obtenus en matière de lutte contre les filières d'immigration clandestine : ils ont augmenté de 26 % entre 2013 et 2014. Nous avons vu ce qu'il s'est passé récemment en Libye. Les filières qui y opèrent sont de véritables filières de la traite des êtres humains, tenues par des acteurs du crime organisé. Ces derniers mettent un nombre de plus en plus important de migrants, qui sont de plus en plus vulnérables, sur des embarcations de plus en plus frêles, en leur faisant payer un impôt de plus en plus significatif, et les conduisent souvent vers la mort. L'opération « mare nostrum » conduite par les italiens, qui s'est tenue au plus près des côtes libyennes et a sauvé des vies, mais a conduit les passeurs à mettre de plus en plus de monde sur les embarcations. Cette opération a donc conduit, paradoxalement, à plus de sauvetages mais aussi plus de morts. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à ce que cette opération prenne fin, et que se substitue à cette opération une opération de contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne.
Je vous remercie et suis maintenant à votre disposition pour échanger.