Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 21 novembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Article 2

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Je souhaite dire un mot de l’appréciation que notre groupe porte sur l’amendement proposé par la commission des finances et présenté par notre rapporteur général.

Cet amendement nous semble loin de répondre à la question et d’épuiser les problématiques qui nous sont posées dans ce débat.

L’impôt sur le revenu est notre principal impôt progressif après avoir été, des dizaines d’années durant, l’objet d’une considérable controverse politique. Notre collègue Jean-Claude Requier évoquait l’histoire fiscale de ce pays, ce n’est pas inutile.

Créé il a cent ans, juste avant le début de la Première Guerre mondiale, il a connu une première réforme importante après la Libération, quand fut inventée la surtaxe progressive, avant la grande fusion des années soixante-dix en un seul et même barème.

Depuis cette date, l’impôt sur le revenu a continué d’alimenter la controverse politique. Certains, dans le débat public, mènent une véritable guerre à l’impôt et cherchent à le délégitimer en le combattant pied à pied.

Au stade où nous en sommes parvenus, deux événements majeurs ont mis en question l’impôt sur le revenu et posent donc encore question aujourd’hui.

Le premier, c’est la naissance de la contribution sociale généralisée, la CSG, resucée de l’impôt général sur les revenus, marginale à l’origine, mais qui occupe maintenant une place majeure dans notre paysage fiscal, ainsi que le prouvent les chiffres cités par M. le secrétaire d’État. Il s’agit désormais du principal impôt direct payé par les ménages, avec un rendement approchant les 100 milliards d’euros si l’on y ajoute son appendice, la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

Qu’on le veuille ou non, la CSG est aujourd’hui le premier étage d’un impôt sur le revenu dont le caractère progressif est de plus en plus contestable, et de plus en plus contesté.

La seconde attaque contre l’impôt sur le revenu a pris la forme de la réforme de 2006, qui a réduit le nombre de tranches et qui a fait bénéficier les plus hauts revenus de l’essentiel d’une baisse du rendement de l’impôt très inégalement partagée.

Nous avons aujourd’hui sous les yeux le résultat de ces attaques : pour maintenir un rendement minimal de l’impôt, les gouvernements successifs ont fait des choix plus ou moins acceptables de remise en cause de certaines des niches fiscales ou des conditions de calcul de l’impôt.

Je pense, par exemple, à la suppression de la demi-part supplémentaire des veufs et divorcés. Le gouvernement actuel n’en est certes pas responsable, mais il est responsable de ne pas en corriger les effets, alors que la possibilité existe, avec le dépôt d’un amendement en ce sens. Il en va de même du plafonnement des crédits et des réductions d’impôt, ou du quotient familial. Ces dispositions ont été prises sans résoudre le problème principal, celui de l’inégalité de traitement entre revenus du capital et revenus du travail ou assimilés, malgré quelques petites avancées il y a quelque temps.

Les débats qui nous attendent sur les articles à venir de cette loi de finances sont d’ailleurs toujours marqués par cette inégalité de traitement.

Le régime de taxation des plus-values n’a ainsi pas grand-chose à voir avec la justice fiscale et demeure assez éloigné d’une stricte application du barème de l’impôt, dans toute sa sécheresse.

La proposition de la commission - une petite majoration du plafond du quotient familial profitant a priori aux ménages dont le revenu rentre dans la vaste tranche d’imposition à 30 %, cœur du barème, et gagée sur une minoration des effets de la décote dont tirent parti les revenus les plus modestes -, reste d’ailleurs engoncée dans cette logique.

Les vrais sujets, nous les connaissons !

Il faut rendre le barème plus progressif et plus juste – l’extension de franchise, présente dans le texte du gouvernement, ne suffit pas – et il faut que l’assiette de l’impôt – j’y reviens - soit plus large. Nous ne voterons donc évidemment pas l’amendement de la commission, qui ne poursuit aucun de ces deux objectifs.

Il n’y a pas de surprise ici : la controverse entre la commission et le Gouvernement sur ce point n’est que cosmétique, les deux parties s’y entendant pour ne rien changer aux équilibres actuels de la fiscalité dans notre pays. Il est vrai qu’il est toujours plus facile de boucher les trous et de combler les déficits avec une TVA prétendument indolore, payée par le plus grand nombre, que de mener le combat incertain de la justice fiscale !

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