Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 21 novembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Articles additionnels après l'article 2

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

« En proposant, monsieur Foucaud, de ramener de 40 % à 20 % le taux de l’abattement applicable au montant des dividendes perçus soumis à l’impôt sur le revenu, vous abordez encore un vrai sujet.

« Le Conseil des prélèvements obligatoires, auquel vous avez fait référence, justifie cet abattement par le souci d’éviter une double imposition, mais son rapport ne fait état d’aucune corrélation arithmétique entre le taux de cet avantage fiscal et celui de l’impôt sur les sociétés réellement acquitté. »

C’est en ces termes que, voilà environ trois ans, durant l’automne précédant la victoire de François Hollande à l’élection présidentielle et à la suite du changement de majorité au Sénat de septembre 2011, Nicole Bricq, alors rapporteur général du budget, avait commenté en séance publique la proposition que nous présentons de nouveau aujourd’hui et qui n’a rien perdu de sa pertinence. Le même jour, d’ailleurs, notre collègue François Marc, s’exprimant au nom du groupe socialiste, dont la composition était alors largement la même qu’aujourd’hui, avait tenu les propos suivants : « Nous voterons cet amendement, qui va dans le bon sens. Il conviendrait de le faire vivre jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire. Le taux proposé pour l’abattement pourra alors être ajusté le cas échéant. »

Depuis, nous avons eu quelques confirmations que la prétendue double imposition des dividendes était une forme de mythe errant dans les limbes d’une fiscalité désuète. Si l’abattement sur les dividendes est censé récompenser le courageux investisseur d’avoir mis une partie de ses moyens financiers au service d’une entreprise, le montant de ces dividendes n’a parfois qu’un rapport assez lointain avec la situation financière de cette dernière… En effet, une société bénéficiaire peut très bien ne pas verser le moindre dividende, tandis qu’une entreprise déficitaire au plan fiscal et comptable peut parfaitement le faire.

Pour ne citer qu’un exemple, la société Radiall, dont le président du directoire est Pierre Gattaz, par ailleurs président du MEDEF, verse des dividendes à ses actionnaires alors même que l’entreprise continue de voir les déficits antérieurs reportables imputés sur son résultat fiscal. Au titre de 2013, selon les éléments fournis par M. Gattaz lui-même, Radiall lui aura versé rien de moins que 389 000 euros de dividendes, alors que 21, 5 millions d’euros de déficits reportables sont encore imputables sur le résultat fiscal. M. Gattaz est dans une telle situation qu’il lui faudra probablement attendre 2017 pour commencer à mobiliser la créance CICE de 6 millions d’euros qui a commencé de se constituer depuis la création de la mesure l’an dernier.

Pour ce qui concerne la Banque nationale de Paris, malgré l’amende record infligée par la justice américaine, qui va absorber la quasi-totalité de ses résultats financiers de l’année, rien ne viendra remettre en question le versement d’un important dividende, offrant aux actionnaires un intéressant retour sur investissement.

Dans les faits, en l’état actuel des choses, les dividendes bénéficient d’un taux de prélèvements sociaux inférieur à celui qui est en général appliqué aux revenus salariaux.

Quant au taux de prélèvement libératoire de 21 %, qui tient lieu d’« acompte » sur l’impôt sur le revenu finalement exigible, il est assez éloigné du taux de 40 % pouvant frapper des revenus relativement élevés qui ne seraient que d’origine salariale…

Les 389 000 euros de dividendes perçus par M. Gattaz supportent certes 60 295 euros de prélèvements sociaux et 81 690 euros d’acompte au titre de l’impôt sur le revenu, mais ils bénéficient d’un abattement avant intégration dans le revenu global de 155 600 euros. Sachant qu’une partie des prélèvements sociaux est déductible au titre de la CSG, à un taux de 5, 1 %, ce sont encore près de 20 000 euros qui doivent être retranchés.

L’abattement, dans ce cas précis, permet tout de même une économie d’impôt assez importante, que l’on peut estimer à 62 240 euros, eu égard au taux d’imposition de ce type de revenus.

C’est donc pour des raisons assez évidentes de justice fiscale que je demande au Sénat de bien vouloir adopter cet amendement.

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