Intervention de Christian Eckert

Réunion du 21 novembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Article additionnel après l'article 3

Christian Eckert, secrétaire d'État :

Monsieur le sénateur, vous proposez de différer au 1er janvier 2013 l’entrée en vigueur du mécanisme de report d’imposition des plus-values réalisées par les contribuables lors d’une opération d’apport de titres à une société qu’ils contrôlent.

Vous cherchez ainsi à corriger les effets de l’entrée en vigueur d’une mesure anti-abus, à savoir le mécanisme dit d’apport-cession et la réforme des gains de cession des valeurs mobilières.

A priori, je ne suis pas favorable à votre proposition. J’ai été saisi, comme vous, du cas que vous évoquez. Peut-être certains autres de vos collègues l’ont-ils été également. Mes services ont été informés de cette situation, qui leur a été signalée au cours de la consultation publique sur l’instruction administrative relative à la récente réforme du régime des gains de cession de valeurs mobilières.

Cette situation résulte de l’application des textes adoptés par le Parlement. La manière dont vous la présentez la fait apparaître comme particulièrement choquante et portant atteinte au principe d’égalité devant l’impôt : je ne partage pas votre analyse.

Je voudrais tout d’abord revenir sur la réalité de l’ampleur de ce problème. Les opérations pouvant être traitées fiscalement de la manière telle que vous la décrivez sont les seules opérations d’apport à une société contrôlée par le contribuable ayant eu lieu entre le 14 novembre 2012 et le 1er janvier 2013, soit pendant un mois et demi.

Je rappelle également que les opérations de fusion de société donnant lieu à échanges de titres n’entrent pas dans le champ de la mesure anti-abus, mais donnent lieu à un sursis d’imposition.

Dès lors, les contribuables qui ont réalisé sur cette période ces opérations bien spécifiques savaient qu’ils entraient dans un dispositif particulier de taxation, qui aurait un impact sur les règles applicables à leur opération.

Je ne veux pas dire qu’ils pouvaient anticiper l’ensemble des règles qui leur seraient applicables, mais ils n’étaient pas non plus totalement démunis. Surtout, de combien de contribuables parlons-nous ? Je sais qu’il y a eu une certaine agitation autour de cette question, que des courriers types ont circulé. J’en ai reçu, mes services aussi. Toutefois, je ne voudrais pas que nous légiférions sur un cas particulier. Je ne suis en effet absolument pas convaincu de l’opportunité de décaler l’entrée en vigueur du dispositif dit d’apport-cession.

Je rappelle que ce dispositif s’applique aux opérations réalisées à partir du 14 novembre 2012, date de l’annonce de la mesure en conseil des ministres, afin, justement, d’éviter les comportements d’optimisation fiscale.

Cette entrée en vigueur anticipée, adoptée par la représentation nationale au regard de sa vocation anti-abus, comme l’ensemble des mesures de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale et sociale de la troisième loi de finances pour 2012, a été jugée conforme à la Constitution. Revenir sur ce choix serait contraire à l’objectif, à savoir mettre fin à des schémas d’optimisation.

Par ailleurs, je nourris quelques doutes, s’agissant d’une question très technique, sur le plan juridique. En effet, votre proposition revient à décaler rétroactivement l’entrée en vigueur d’un régime d’imposition, ce qui, vous en conviendrez, est plutôt original.

Au surplus, avant d’assouplir la loi, il faudrait à tout le moins que nous nous assurions que la mesure envisagée permet, d’un point de vue pratique, de répondre à la question posée.

Vous l’aurez compris, je serais plus à l’aise, mesdames, messieurs les sénateurs, si, plutôt que d’agir sur le seul fondement d’un sentiment diffus, nous nous donnions le temps de l’analyse et de la réflexion.

Si vous retiriez votre amendement, monsieur le sénateur, nous pourrions en discuter de nouveau, si cela est nécessaire, au cours de l’examen du collectif budgétaire.

En effet, la mesure proposée, très technique, nécessite une évaluation complémentaire, pour que nous puissions en mesurer complètement l’impact et la pertinence. Je le répète, je ne suis pas opposé à ce que nous y revenions dans le cadre du collectif budgétaire – il n’est d’ailleurs pas trop tard. Selon moi, l’adoption, aujourd'hui, de cette mesure reviendrait à nous faire courir un risque.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

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