Intervention de Annie David

Réunion du 16 octobre 2007 à 16h15
Société coopérative européenne et protection des travailleurs salariés — Article 3

Photo de Annie DavidAnnie David :

Je l'ai annoncé lors de la discussion générale, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne voteront pas contre un texte qui a vocation à mieux protéger les salariés, en particulier face à une situation que vivent trop souvent des milliers d'entre eux : la perte d'un emploi et l'insolvabilité de l'employeur.

Il n'en demeure pas moins que nous sommes perplexes, pour ne pas dire sceptiques. En effet, monsieur le ministre, ce projet de loi prévoit que l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l'AGS, association créée en 1974 pour pallier la carence de certains employeurs, aura désormais pour mission de garantir la créance due aux salariés européens exerçant leur activité en France.

À n'en pas douter, monsieur le ministre, ce projet de loi se limite à une lecture administrative et à une transposition technique des directives européennes, alors que cette question aurait pour le moins mérité un traitement politique et aurait dû placer la solidarité au coeur des priorités.

Vous vous déclarez favorable à une Europe sociale, monsieur le ministre. Pourtant, vous refusez de la constituer, alors qu'elle seule placerait les solidarités au coeur des politiques. Vous lui préférez une Europe technique, fondée sur la finance et la mise en concurrence des salariés entre eux.

Le gouvernement auquel vous appartenez n'a pas entendu les millions de Français qui ont dit « non » au projet de constitution européenne. Il le prouve en voulant imposer au peuple un mini-traité constitutionnel européen, et, aujourd'hui encore, en ne prenant pas toute la mesure de cette question, puisqu'il ne prévoit pas le degré de solidarité que ce sujet exige.

En effet, que nous proposez-vous, sinon de faire peser cette nouvelle charge sur l'AGS, et ce à périmètre constant ? Or l'AGS est déficitaire. Si ses comptes sont dans le rouge, c'est parce François Fillon a décidé, en 2003, par voie réglementaire, de diminuer de moitié le taux de cotisation. Ainsi, le taux de cotisation des employeurs, basé sur la rémunération donnant lieu aux contributions d'assurance chômage, servant au financement de cette association est passé de 0, 35 au 1er janvier 2003 à 0, 15 aujourd'hui. On en trouve la confirmation sur le site internet de l'AGS : « Le cumul des cotisations du 1er janvier au 31 août 2007 s'élève à 415 millions d'euros, soit - 39, 3 % comparé au cumul des cotisations du 1er janvier au 31 août 2006. »

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous auriez pu profiter de ce texte pour engager une réforme d'ampleur de cette association, qui est uniquement gérée par les organisations patronales et fait donc fi du dialogue social que vous dites pourtant vouloir instaurer comme mode de gouvernance. Ne pensez-vous pas que les organisations syndicales doivent elles aussi avoir voix au chapitre lorsqu'il s'agit de la gestion de fonds intéressant particulièrement les travailleurs, et ce d'autant plus que, vous le savez, certains « patrons voyous » n'hésitent plus à organiser leur insolvabilité afin de faire peser leurs obligations légales sur la collectivité ?

Monsieur le ministre, nous regrettons que vous n'ayez pas pris la pleine mesure de la situation et que vous n'ayez pas profité de ce projet de loi pour repenser et réformer l'AGS. Nous regrettons également l'absence de création d'une association européenne garantissant à tous les salariés les mêmes droits, indépendamment du lieu où ils exercent leur activité.

Toutefois, nous ne voterons pas contre cette nouvelle mission confiée à l'AGS, même si, pour les salariés qui seront à l'avenir confrontés à l'insolvabilité de leur employeur, elle soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponse.

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