Intervention de Jean-Pierre Sueur

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « pouvoirs publics » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis :

Reçu par la directrice de cabinet du président de la République, j'ai constaté que la dotation de l'État à la présidence passait pour la première fois sous la barre symbolique des 100 millions d'euros : elle fait des économies notables. Ses effectifs ont été réduits de 21 % en six ans : de 1 051 agents en décembre 2007, ils sont passés à 836 équivalents temps plein (ETP) en décembre 2013, et cette tendance se poursuivra ; 83 % de ces personnels sont mis à disposition contre remboursement. Les charges de fonctionnement augmenteront de 4,4 % parce que le coût du pavillon de la Lanterne sera comptabilisé en année pleine. Les sommes affectées à la lutte contre les cyber-attaques progressent : la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (Disic) porte un ambitieux programme de rationalisation de l'offre de data centers pour l'État. Une part importante des infrastructures informatiques de la présidence sera hébergée dans un centre public hautement sécurisé qui couvrira également certaines prestations relevant de la défense nationale et de la gendarmerie, l'idée étant de mutualiser les dispositifs.

Des économies notables seront réalisées sur les déplacements présidentiels : le coût de leur préparation sera moindre, les délégations moins nombreuses et les dépenses liées aux réceptions, notamment dans le domaine audio-visuel, seront réduites, conformément à la recommandation de la Cour des comptes.

Les ressources propres de la présidence sont gérées rigoureusement : elle perçoit des loyers, notamment de logements situés quai Branly ; les usagers de la restauration à l'Élysée en acquittent le prix, et un grand nombre de personnes participant aux voyages présidentiels le font à leurs frais. De grands crûs conservés dans les caves de la présidence de la République ont été vendus aux enchères, et le produit de cette vente affecté à l'acquisition de vins de garde, moins onéreux : c'est un investissement sur dix ou quinze ans.

Les dépenses d'investissement de l'Assemblée nationale baissent, ses dépenses de fonctionnement stagnent. Sa dotation se montant à 518 millions d'euros, son budget pour 2015 s'équilibre à 537 millions : la différence est prise sur ses réserves. Les indemnités parlementaires diminuent grâce à la baisse structurelle du nombre de pensionnés traditionnellement constatée après chaque renouvellement sénatorial : certains députés ont rejoint nos bancs.

Le Sénat, après avoir reconduit entre 2008 et 2011 sa demande de dotation en euros constants, l'a réduite de 3 % en 2012. Les crédits qui lui sont alloués se stabiliseront en 2015 pour la troisième année consécutive, grâce à un prélèvement de 11,6 millions d'euros sur ses disponibilités.

Les crédits de la chaîne LCP-Assemblée nationale sont reconduits ; au sein de la mission « Pouvoirs publics », seuls ceux de Public Sénat augmentent, dans le cadre d'un plan triennal qui prévoit que la chaîne acquitte désormais un loyer pour les locaux qu'elle occupe dans nos murs, et que le Sénat ne mette plus de personnels à sa disposition. Il sera sage que cette augmentation ne se prolonge pas. Je pourrai, si vous le souhaitez, poser dans mon rapport la question rituelle de savoir si une seule chaîne ne suffirait pas. Je plaiderai en tout cas pour certaines mutualisations.

Le Conseil constitutionnel, où nous nous sommes rendus, est un gestionnaire particulièrement vertueux : sa dotation a baissé de 18,22 % en six ans, alors que son activité a triplé depuis l'instauration de la question prioritaire de constitutionnalité en mai 2010. Ses effectifs de catégorie A ont nécessairement crû, au détriment de ceux de catégorie B. Leur total est passé de 50 ETP en 2008 à 53,3 en 2015. Nous avons constaté sur place l'opportunité des investissements réalisés dans le souci de restaurer le patrimoine : le « salon vert » est magnifique. L'investissement informatique diminuera, le logiciel de jurisprudence ayant été mis en oeuvre en 2014. Une version mobile du site Internet du Conseil, destinée au smartphone, sera créée en 2015. Il a enfin diminué les frais d'entretien de ses bâtiments, restreint son parc automobile - seul le président continuant à disposer d'un chauffeur affecté - et réduit ses frais de représentation.

Si le président Jean-Louis Debré ne s'attend pas à une réduction du nombre des questions prioritaires de constitutionnalité - sur 2 211 soulevées devant les juridictions depuis la réforme constitutionnelle, 424 ont été renvoyées au Conseil -, elles devraient néanmoins concerner davantage, à l'avenir, des dispositions techniques que les libertés fondamentales. Il considère que leur multiplication influence le contrôle a priori. Il peut être utile que des décisions prennent effet après un certain temps, cela pouvant être problématique dans d'autres cas, comme on l'a vu au sujet du harcèlement sexuel ou de la garde à vue.

La Cour de justice de la République compte une commission des requêtes, composée de trois magistrats du siège de la Cour de cassation, de deux conseillers d'État et de deux conseillers maîtres de la Cour des comptes ; une commission d'instruction réunissant trois conseillers de la Cour de cassation, enfin une formation de jugement composée de douze parlementaires et de trois magistrats du siège de la Cour de cassation. Ses crédits baissent de 866 à 861,5 millions d'euros. Le rapport de Lionel Jospin proposait que les ministres soient jugés par des juridictions de droit commun. La commission d'instruction parvient à filtrer un certain nombre de requêtes.

La Cour a avantageusement renégocié son bail, arrivé à échéance en 2013 ; espérons que les projets du ministère de la justice l'autorisent à rejoindre l'île de la Cité, où elle pourrait être accueillie dans des conditions moins onéreuses.

La quasi-totalité de ces institutions consentant un effort d'économie, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits qui leurs sont destinés.

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