Intervention de Peter Friedrich

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 novembre 2014 : 2ème réunion
Nouvelle organisation territoriale de la république — Regards croisés franco-allemands sur l'organisation territoriale avec mme annegret kramp-karrenbauer ministre-présidente du land de sarre et m. peter friedrich ministre du land-de bade wurtemberg chargé du bundesrat des affaires européennes et internationales

Peter Friedrich, chargé du Bundesrat, des Affaires européennes et internationales :

ministre du Land de Bade-Wurtemberg, chargé du Bundesrat, des Affaires européennes et internationales. - Merci pour votre invitation.

Le Bade-Wurtemberg et la France ont une frontière très perméable de 184 kilomètres. Ma région n'aurait jamais existé sans Napoléon et divers Länder ont dû leur création à la France. A contrario, Montbéliard était la résidence du duc de Wurtemberg au XIVème siècle. Nous avons donc des liens étroits depuis très longtemps. Les Allemands se rappelleront toujours du discours de Charles de Gaulle en 1963 sur le traité d'amitié franco-allemand... Le Bade-Wurtemberg est proche de l'Alsace et il s'agit du premier foyer de coopération européenne. Nous avons un euro-campus avec Fribourg, Strasbourg, Karlsruhe et Bâle. Notre région accueille plusieurs dizaine de milliers de frontaliers chaque jour. Il s'agit d'un exemple vraiment réussi d'intégration européenne. N'oublions pas les 400 jumelages entre nos villes

Nous voulons développer la formation en alternance avec l'accord-cadre sur la formation professionnelle ainsi que la transition énergétique bien que nous n'ayons pas les mêmes intérêts de part et d'autre. Pour les déchets, nos initiatives mutuelles pourraient déboucher sur des projets de coopération à l'exportation.

Votre réforme territoriale sera certainement décisive pour votre pays mais aussi pour la coopération transfrontalière. Le maire de Kehl, lors de son départ, a dit que pendant ses seize ans de mandat, il avait travaillé en bonne intelligence avec Strasbourg, mais qu'il n'avait toujours pas compris comment la mairie fonctionnait. Et M. Ries peut en dire de même pour la mairie de Kehl. Mais ces incompréhensions n'empêchent pas de travailler ensemble.

Votre réforme territoriale ne peut aboutir à une parfaite homogénéité entre nos institutions. En revanche, nos relations doivent être parfaites. Notre système fédéral tient au fait que l'État allemand est né très tard et que les Länder, les communes et les villes ont toujours joué un rôle de premier plan. Leur autonomie en matière de recettes n'est pas totale. En revanche, elle l'est pour les dépenses. Notre système fiscal nous permet de collecter directement certaines taxes. Le Bade-Wurtemberg compte 10,5 millions d'habitants et son budget annuel s'élève à 40 milliards d'euros.

L'échelon national est compétent en matière de défense et d'emploi, mais la plupart des organes d'exécution sont aux mains des Länder et des communes.

La loi accorde aux Länder des dotations financières et un pouvoir de décision. Ils jouent un rôle national très important : le Bundesrat est la seule chambre parlementaire au monde qui est constituée de gouvernements. En matière de droit européen, le Bundesrat a quasiment le même rôle que l'État fédéral. Bien qu'ils n'aient pas de pouvoir en matière de politique étrangère, ils mènent des politiques d'accompagnement, notamment en matière transfrontalière. Dans le domaine éducatif et culturel, le Bundesrat représente la République fédérale d'Allemagne et il dispose d'une représentation à Bruxelles. Enfin, il a conclu des partenariats régionaux, notamment avec l'Alsace et la région Rhône-Alpes.

Nous avons constamment des débats sur l'évolution du fédéralisme, en particulier sur la répartition des moyens financiers entre l'État fédéral et les Länder. Nos compétences sont réparties entre les différents échelons et, parfois, nos marges de manoeuvre sont un peu limitées, surtout en matière européenne.

Je ne vais pas vous donner de conseils sur le découpage de vos régions mais nous espérons que nous pourrons continuer à travailler ensemble. Je crains que nous nous retrouvions avec des régions immenses ce qui diluerait l'intérêt des projets transfrontaliers.

Nous avons mis en place un certain nombre de structures transfrontalières, comme les eurodistricts ou la conférence franco-germano-suisse du Rhin supérieur. Si nous arrivons à tirer profit de notre potentiel géographique, nous aurons sans doute plus d'écoles et d'universités que d'autres régions plus centrales, à condition de travailler de façon transfrontalière. Avec la France, nous avons affaire à des trinités de compétences : le département, la région et l'État. Nous espérons que la réforme dira qui est compétent et dans quel domaine. La répartition des compétences est plus importante que le découpage des régions.

Comme l'a dit Mme Kramp-Karrenbauer, vive l'amitié franco-allemande !

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