Intervention de Pierre-Yves Collombat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 26 novembre 2014 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « administration générale et territoriale de l'état » - examen du rapport pour avis

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis :

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprend trois programmes d'inégale importance.

- le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative » pour lequel je me limiterai à préciser que ses crédits sont affectés aux actions de « financement des partis » (58,3 M€) en baisse de 10% par rapport au précédent budget ; de financement des élections (236,4M€), en hausse compte tenu des échéances de mars et de décembre 2015 ; de financement de la vie associative et des cultes (quelque 2 millions d'euros). Au total 302,3 millions d'euros.

- le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », dont les crédits représentent 719 millions d'euros, et sont affectés aux fonctions support du ministère de l'intérieur (ressources humaines et moyens informatiques, affaires immobilières notamment) et à la gestion des affaires juridiques et contentieuses.

- le programme 307, « Administration territoriale », 1,718 millions d'euros en autorisation d'engagement et 1,717 millions d'euros en crédits de paiement sur lequel je m'arrêterai plus longuement.

Ces chiffres représentent une baisse de 0,5 % en autorisations d'engagement et de 0,4 % en crédits de paiements par rapport à 2014 soit 3,8 millions d'euros de moins en crédits de fonctionnement et une perte de 180 ETP.

Si l'on passe de la considération brute de chiffres à leur mise en perspective, force est de constater que depuis 2008, changements de majorité ou pas, l'administration territoriale de l'État vit sous le signe de la réforme permanente. Sous des noms différents, « RéATE » pour le gouvernement précédent, « MAP» pour le gouvernement actuel, l'objectif est le même : réorganiser, mutualiser, réduire les effectifs. Pour ce qui les concerne, en 8 ans, les services préfectoraux ont perdu 10 % de leurs effectifs, passant de 30 228 EPTP en 2007 à 27 143 prévus pour 2015.

Les objectifs de cette politique sont doublement ambigus selon moi :

- première ambigüité : optimiser l'affectation des crédits disponibles, améliorer l'efficacité du service public, souci de tout gestionnaire qui se respecte et, en même temps donner la priorité à la réduction des dépenses publiques, ce qui renvoie à un choix politique particulier : bien dépenser versus moins dépenser ;

- deuxième ambigüité : améliorer l'efficacité de l'État gestionnaire de services à la population et assurer la présence, de l'État républicain, des symboles et marques d'une République « une et indivisible » sur l'ensemble du territoire : « manager » versus gouverner. Ce qui pose la question d'une éventuelle redistribution des sous-préfets sur l'ensemble du territoire et de ses conséquences en termes politiques, la question aussi de l'éventuel remplacement du corps des préfets par un cadre d'emploi fonctionnel, ce que souhaite la cour des comptes.

Je vous renvoie au rapport pour plus de détails à moins que vos questions ne m'amènent à développer l'un ou l'autre sujet.

Ces objectifs contradictoires, la rhétorique officielle les présente un peu vite comme toujours conciliables, pourvu qu'on stimule le sens du service public et l'imagination des fonctionnaires, ce que les faits ne vérifient pas. Ainsi, malgré l'évidente bonne volonté des personnels, malgré leur capacité à s'adapter et à innover, le principe selon lequel réduire les crédits c'est mieux les employer, moins de fonctionnaires c'est plus d'efficacité du service public, atteint aujourd'hui ses limites. D'où la suspicion que ne peut pas ne pas susciter chaque réforme nouvelle. Ainsi en va-t-il de la récente création des « maisons de l'État ». Mesure de réorganisation de la localisation des services et regroupement des moyens, de bon sens, comme on a pu le constater lors d'un déplacement à Castellane, elle nourrit aussi la crainte de préparer discrètement la disparition des sous-préfets en secteur rural, remplacés par des chefs de bureau moins coûteux.

Force est aussi de constater que l'amélioration de la gestion des services au public dont le Gouvernement peut, à juste titre se prévaloir, par exemple la réduction de la durée d'obtention de titres, est parfois obtenue au prix de la mobilisation des moyens sur cet objectif au détriment d'autres. Les indicateurs de performance les ignorent, tel le conseil aux élus, ou sont formulés en termes tels qu'ils ne permettent aucun contrôle réel. Que signifie un taux de contrôle des actes dits prioritaires des collectivités en l'absence d'une définition stricte de la frontière entre ces actes prioritaires et les autres.

De réforme en réforme, réalisée ou annoncée, comme celle de la carte des sous-préfectures, de réduction des effectifs en redéploiements, les agents des services déconcentrés, qui se sont adaptés comme ils ont pu, touchent le seuil de saturation. Leur constat est celui de l'inadéquation grandissante entre les moyens alloués à l'administration territoriale au regard de ses missions, nombreuses et diverses puisqu'elles vont de l'appui aux collectivités locales et du conseil aux élus, au contrôle de légalité, en passant par la délivrance des titres ou la coordination des services déconcentrés de l'État sur un territoire. D'une manière générale, ceux qui gèrent au quotidien l'administration déconcentrée souhaiteraient avoir une vision claire de l'avenir, pouvoir s'appuyer sur le cadre pérenne leur permettant de gérer leurs moyens et leurs missions au moins sur le moyen terme.

Or cette instabilité a vocation à perdurer voire à s'amplifier, avec le lancement dès 2015 d'une nouvelle réforme de l'État, prévoyant notamment le transfert de nouvelles missions vers les administrations déconcentrées.

Côté élus cette fois, on peine aussi à voir le lien entre la réorganisation territoriale version « Mapam » puis « NOTRe » et les réformes successives de l'administration déconcentrée alors qu'une bonne articulation entre les deux est essentielle à la réussite de chacune, plus essentielle, en tous cas, que la taille des collectivités. L'impression qui domine est celle de réformes parallèles conduites selon leurs logiques propres, quand ce ne sont pas des logiques changeantes comme on a pu le constater s'agissant de la réforme territoriale. Que les parallèles soient appelées à se rejoindre à l'infini n'est pas spécialement rassurant.

Si je n'étais pas rapporteur je donnerai un avis négatif sur les propositions budgétaires relatives au programme 307. Etant rapporteur et pour une fois prudent, je m'en remets à la sagesse de notre commission.

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