Intervention de Élisabeth Lamure

Commission des affaires économiques — Réunion du 26 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « économie » - examen du rapport pour avis

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, rapporteur pour avis :

La mission « Économie » est historiquement constituée par de trois programmes : le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », le programme 220 « Statistiques et études » et le programme 305 « Pilotage de l'économie française ».

Sur le programme 134, sont retracés les crédits permettant de faire fonctionner un certain nombre de dispositifs d'appui aux entreprises, notamment des PME, dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et de l'industrie : il s'agit de dispositifs d'information, de formation, de soutien dans l'accès aux financements ou encore d'accompagnement dans la projection à l'exportation.

Le programme 134 porte aussi les crédits de certaines autorités administratives indépendantes chargées de la régulation économique : Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), Commission de régulation de l'énergie et Autorité de la concurrence.

Enfin, le programme 134 retrace les moyens de la direction générale de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes dans les trois volets de son action : régulation concurrentielle des marchés, sécurité du consommateur et protection économique du consommateur.

S'agissant des programmes 220 et 305, ils retracent les moyens de deux administrations d'état-major (la direction du Trésor et celle de la Législation fiscale), ainsi que de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

À ce noyau historique de la mission « Économie », viennent s'agréger, depuis deux ans, des programmes nouveaux, qui modifient considérablement le périmètre de la mission et qui rendent l'analyse globale de ses crédits peu significative. En 2014, il y avait ainsi trois programmes temporaires destinés à mettre en oeuvre certains aspects du nouveau Programme d'investissements d'avenir (PIA). En 2015, ces trois programmes ont disparu mais est apparu un nouveau programme 343 intitulé « Plan France très haut débit », qui porte pour 1,4 milliard d'euros d'autorisations d'engagements (AE) et sur lequel reviendra Philippe Leroy dans quelques minutes.

Il est évident que comparer globalement les crédits de la mission d'une année sur l'autre n'a pas grand sens compte tenu de l'instabilité des programmes qui la composent. J'ai donc choisi de me concentrer sur les crédits de ses trois programmes pérennes.

Les crédits de la mission pour 2015 s'élèvent à 1,79 milliard d'euros contre 1,92 milliard d'euros en 2014, en baisse apparente de 124 millions d'euros. En réalité, les moyens de l'opérateur Atout France (soit 34,2 millions d'euros en 2015) ont été transférés vers le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » et la subvention versée au laboratoire national de métrologie et d'essai, soit 10,2 millions d'euros, figure désormais sur le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ». À périmètre constant, la baisse des crédits de la mission économie est donc en réalité de 79 millions d'euros, c'est-à-dire -4 %.

C'est un effort significatif, qui vient après le recul de 73 millions d'euros intervenu en 2014 par rapport à 2013. Sur deux ans, la baisse atteint 7,5 %.

Le tiers de la baisse des crédits de la mission, soit 25 millions d'euros, concerne les programmes 305 et 220 relatifs aux directions générales du Trésor, de la législation fiscale et de l'INSEE. Le plafond d'emplois s'établit à 5 598 ETP pour le programme 220, en baisse de 1,9 % par rapport à 2013. Celui du programme 305 atteint 1704 ETP, soit -1,5 %. En deux ans, ces deux programmes ont perdu respectivement 4 % et 10,8 % de leurs emplois.

Le reste de la baisse des crédits de la mission, soit 54 millions d'euros, concerne le programme 134.

L'action 2 « Commerce, artisanat, service » perd 21 millions d'euros.

Le FISAC était annoncé dans la version initiale du texte à 9 millions d'euros, contre 20 millions l'année dernière, 25 l'année précédente et 36 en 2012. À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a cependant adopté un amendement majorant de 8 millions d'euros les crédits du FISAC -dont le budget s'établit maintenant à 17 millions.

En réalité, comme vous le savez, les crédits du Comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC) sont supprimés en 2015 et c'est désormais le FISAC, comme l'a indiqué la ministre Carole Delga lors de son audition devant notre commission, qui prendra en charge les dépenses de mise aux normes des stations-service. Cette ligne de dépenses, de 3 millions d'euros en 2014, viendra donc amputer d'autant les moyens du FISAC, qui ne disposera en fait que de 14 millions d'euros.

Je crois que cela appelle plusieurs commentaires.

Sur le ciblage des économies budgétaires d'abord. Le FISAC et le CPDC sont des dispositifs à fort effet de levier. L'impact économique et social d'un euro d'argent public investi dans ces outils est important pour les territoires ruraux et les zones urbaines défavorisées. Si nous sommes tous conscients de la nécessité de réaliser des économies dans la dépense publique, j'estime qu'il y a un coût d'opportunité important à concentrer les économies sur des dispositifs d'intervention dont l'efficacité est avérée.

Deuxième commentaire, sur la méthode. La responsabilité de la baisse des crédits du FISAC entre 2010 et 2014 est assez équitablement partagée, je n'y reviens pas. Cette année cependant, le FISAC a été réformé dans le cadre de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Par ailleurs, en fin d'année dernière, la ministre, Mme Pinel, avait annoncé une rallonge de 70 millions d'euros sur deux ans pour apurer le stock des dossiers en souffrance. Je pensais donc qu'il y avait une volonté politique forte de remettre le FISAC sur les rails, d'en faire un outil certes redimensionné à la baisse mais néanmoins pérennisé. Or, en affichant cette année encore des crédits en très fort recul, le Gouvernement brouille le message. Veut-il le réformer pour le pérenniser ou au contraire l'euthanasier ? Quel sens cela a-t-il de maintenir un dispositif d'intervention d'ampleur nationale tel que le FISAC s'il est doté de seulement 15 millions d'euros ? Nous allons sans le dire vers son extinction. Tout cela est peu lisible et peu favorable à la consolidation de la confiance.

Un autre motif d'inquiétude concernant le petit commerce est la suppression de l'indemnité de départ en retraite instituée en 1982 en faveur de certains artisans et commerçants. Cette mesure figure à l'article 51 rattaché à la mission « Économie ». Depuis 2003, cette aide au départ est financée par l'État au sein du programme 134. Pour 2015, 5 millions d'euros ont été budgétés à cette fin. En 2013, l'aide au départ a bénéficié à 1 330 indépendants, soit 2 % des artisans et des commerçants liquidant leur retraite. Il s'agit des plus modestes, des travailleurs indépendants pauvres. Je suis opposée à l'extinction de cette aide, qui frappe une population économiquement très fragile. L'aide au départ a peut-être des défauts. Soit. Alors réformons les conditions de sa distribution. Cela peut se faire par décret. Mais ne la supprimons pas.

Parmi les autres baisses importantes de crédits, je signalerai le recul des crédits d'intervention en direction des entreprises industrielles (-17 millions d'euros à périmètre constant) et celui de l'enveloppe destinée à compenser le coût de la mission de service public de La Poste dans le transport de la presse (-20 millions d'euros).

On note à l'inverse que les crédits de certaines actions sont stables, voire même en légère hausse :

- les moyens des autorités administratives indépendantes (ARCEP, CRE et Autorités de la concurrence) sont stabilisés ;

- ceux de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes sont en progression de 4,9 millions d'euros, soit +2 %. Cela correspond à l'élargissement important des missions de cette direction avec la loi consommation ;

- enfin, les crédits de l'action 7 relatifs au développement international des territoires sont en hausse de 10 millions d'euros. On peut se féliciter que l'effort financier dans ce domaine ne soit pas abandonné.

Au final, on voit à travers le budget de la mission « Économie » un recentrage de l'intervention de l'État sur ses missions économiques régaliennes (régulation des marchés, protection des consommateurs) et un désengagement de certains actions d'intervention. En elle-même, cette démarche peut se justifier dans le contexte financier difficile que nous connaissons. L'important est simplement de bien cibler le désengagement et de le faire de manière lisible pour les opérateurs économiques.

Cela m'amène à une dernière remarque, qui concerne les chambres de commerce et d'industrie. L'année 2015 est marquée par une nouvelle mise à contribution du réseau consulaire. Les CCI voient le plafond de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TACVAE) baisser de 213 millions d'euros. Les chambres sont soumises par ailleurs à un prélèvement de 500 millions d'euros sur leur fonds de roulement.

Que les CCI participent à l'effort collectif de réduction des dépenses et de la fiscalité, il n'y a rien de plus normal. Mais ce que je désapprouve, c'est la méthode. Le prélèvement exceptionnel de 500 millions d'euros de cette année fait suite au prélèvement exceptionnel de 170 millions l'année dernière. Idem pour l'abaissement du plafond de la TCVAE.

La réduction de la recette fiscale des CCI pourrait être un levier efficace pour inciter les CCI à se réformer, mais comment se réformer sans visibilité pluriannuelle des ressources ? Qu'on baisse les recettes des CCI soit, mais qu'on le fasse de façon programmée pour qu'elles puissent s'organiser et qu'on le fasse de façon modulée pour que celles des chambres qui ont engagé des efforts de réorganisation importants puissent conduire leur réorganisation de façon rationnelle.

Au final, je m'en remets à la sagesse de la commission concernant l'adoption des crédits de la mission. On peut y lire un effort réel de maîtrise de la dépense, une préservation des missions régaliennes de l'État et de la priorité à l'export. En même temps, les dispositions relatives au FISAC et aux CCI constituent de vrais motifs d'inquiétude, qui font que l'approbation des crédits de cette mission ne peut se faire à mon sens que du bout des lèvres.

Par ailleurs, je vous proposerai de ne pas adopter l'article 51 rattaché qui supprime l'aide au départ pour les commerçants.

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