Je vais en effet vous présenter, pour la troisième année consécutive, les crédits de la MIRES.
Je me propose de vous exposer les grandes orientations du budget pour 2015, puis d'approfondir deux sujets sur lesquels j'ai fait porter mes auditions : le volet « recherche » du contrat de plan État-régions, et le crédit d'impôt recherche (CIR).
S'élevant à 25,9 milliards d'euros, le budget de la MIRES est en stagnation. À l'intérieur de cette enveloppe, les crédits consacrés à la recherche, qui nous intéressent, sont également en stagnation, à 7,8 milliards d'euros.
Cette reconduction est en réalité à nuancer fortement. D'une part, elle équivaut à une baisse en termes réels, c'est-à-dire en intégrant l'inflation. D'autre part, une deuxième délibération, à l'Assemblée nationale, a abouti, sur proposition du Gouvernement, à raboter de 135,5 millions d'euros les crédits de la MIRES. En cette période de montée inexorable du chômage, je comprends le réflexe de la majorité des députés de vouloir colmater l'hémorragie en finançant davantage d'emplois aidés ! Mais si en parallèle on prend des financements sur des projets de recherche et d'innovation, qui doivent permettre d'assurer le retour de la croissance, et donc d'éviter d'avoir à recourir demain à de tels emplois, il y a là une inconséquence sur laquelle le Gouvernement devra s'expliquer ...
Cette contraction générale des crédits se retrouve, logiquement, dans les dotations allouées aux grands organismes de recherche. Ceux que j'ai pu auditionner ou questionner m'ont fait part de la situation « limite » dans laquelle ils se trouvaient, et cela avant même ce rabotage de 135,5 millions d'euros : -0,1 % pour l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), -0,16 % pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), -0,54% pour le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), -0,69 % pour l'IFP-Énergies nouvelles ...
Si l'on rajoute à cela les obligations de mise en réserve, mais aussi les mesures de régulation budgétaire en cours d'exercice, on parvient à des situations d'impasse financière. Cela alors que les missions de ces organismes ne cessent de s'élargir. Ils sont aujourd'hui véritablement « à l'os », selon le terme employé par certains responsables auditionnés : l'IFP-EN a ainsi perdu 45 % de sa dotation budgétaire depuis 2002 !
Les organismes tentent de compenser ce désinvestissement de l'État en accroissant leurs ressources propres, lorsqu'ils le peuvent. Elles représentent désormais la première catégorie de ressources (53 %) pour l'IFP-EN, par exemple. Mais cela les place dans une situation de dépendance vis-à-vis des partenaires privés, qui peut remettre en cause leur autonomie et réduire leur liberté de recherche. De plus, elle présente, selon leurs responsables, un risque d'« aspiration vers l'aval », qui verrait ces organismes se rapprocher de centres d'ingénierie au détriment de la recherche.
Pour ceux qui ne peuvent pas valoriser leurs activités, pas d'autre solution que de tailler dans les moyens de fonctionnement, à commencer par la masse salariale : gel des embauches, suppression de contrats à durée déterminée (CDD), non remplacement de départs à la retraite ... En dernier lieu, et c'est le cas le plus grave, il leur faut arrêter ou renoncer à des programmes de recherche.
Nous sommes donc parvenus à une situation extrême, qui ne permet plus de préparer l'avenir de la recherche, et dont nous ferons les frais dans le futur. Dans une économie où la connaissance et l'innovation seront, demain plus que jamais, la source de toute valeur ajoutée, on mesure les conséquences désastreuses d'une telle évolution pour notre pays.
J'en viens à présent au thème principal du rapport pour avis : le volet « recherche » des contrats de plan État-région.
Un petit rappel : la cinquième génération de contrats de plan (2007-2014) s'achève cette année, et la sixième (2014-2020) est en cours de finalisation. L'enseignement supérieur et la recherche représentent la deuxième priorité de ces contrats, qui rassemblent des financements importants : un peu moins de 13 milliards d'euros de la part de l'État, et autant des régions. C'est donc un enjeu fort pour la territorialisation de programmes de recherche et d'innovation, en lien avec les collectivités et les acteurs du développement économique local.
Or, les perspectives avancées par le Gouvernement pour les contrats 2014-2020 sont préoccupantes. L'enveloppe globale serait en recul, à un peu moins de 10 milliards d'euros pour l'État. Cette contraction se constate également pour le volet « recherche », dont le mandat de négociation donné par le Gouvernement est très en retrait par rapport aux attentes.
Si je prends l'exemple de ma région, Nord-Pas de Calais, l'enveloppe de l'État serait divisée par dix, à 2,8 millions d'euros. Comment, avec des moyens aussi faibles, accompagner des projets de R&D structurants pour des filières d'avenir, en partenariat avec les organismes de recherche concernés et le tissu industriel ? Surtout que ces financements servent de base pour obtenir des cofinancements européens ...
Le Gouvernement semble décidé à accorder une enveloppe supplémentaire de 150 millions d'euros sur le volet « enseignement supérieur et recherche ». Mais même avec cette rallonge, le compte n'y serait toujours pas, et il manquerait encore 100 à 150 millions d'euros au minimum, aux dires des intéressés.
J'ai donc cherché à déposer un amendement transférant une centaine de millions d'euros de l'enveloppe allouée à l'Agence nationale de la recherche (ANR) vers le volet « recherche » des contrats de plan. Charge au programme d'investissements d'avenir (PIA) - doté de près de 47 milliards d'euros au total - de réallouer des financements à l'ANR. Pour des raisons de recevabilité financière, je n'ai pas pu déposer cet amendement.
Cependant, je compte interpeller en séance le Gouvernement sur ce dossier ; je veux obtenir l'engagement que soit inscrite une nouvelle action dans les programmes 172 et 192, finançant le volet « recherche » des contrats de plan. Ces financements proviendraient du PIA, qui poursuit bien les mêmes objectifs. Simplement, elle serait territorialisée et assurerait la pérennité des projets déjà lancés dans le cadre des contrats de plan, en rattrapant les inégalités existant entre les régions. À défaut, un coup d'arrêt risque fort d'être porté à cette dynamique, qui conditionne la compétitivité et l'emploi de demain dans nos territoires.
Je veux enfin dire quelques mots pour finir du CIR, élément incontournable du budget de la recherche. S'élevant à près de 6 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, en reconduction par rapport au dernier exercice, l'enveloppe qui y est consacrée représente toujours plus de 40 % de la part « recherche » des crédits de la MIRES !
Je ne reviens pas sur son historique, mais je vous rappelle que son enveloppe a été multipliée par plus de 13 depuis son instauration en 2003, au gré de ses diverses réformes, et qu'il représente désormais l'aide fiscale à la recherche et développement (R&D) la plus avantageuse des pays membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE).
L'efficacité du CIR, certes délicate à mesurer, semble cependant bien reconnue désormais. Deux rapports récents soulignent son impact positif sur la R&D des entreprises : pour un euro de CIR dépensé, 1,31 euro de recherche supplémentaire serait ainsi généré.
Dans ces conditions, la pérennisation du dispositif pour 2015 est une bonne chose. Mais il faut qu'il soit clarifié car, malgré les réformes de 2004 et 2008, son régime demeure encore trop incertain. Pas tant pour les grands groupes, qui ont les moyens d'instruire les dossiers ; en ce qui les concerne, il faudrait plutôt veiller à éviter les effets d'aubaine. Mais pour les petites et moyennes entreprises (PME), sa mise en oeuvre reste source de difficultés et d'incertitudes.
Le montage des dossiers s'est complexifié de façon considérable. Les entreprises doivent réunir des compétences pluridisciplinaires, tandis que la détermination de l'éligibilité des projets repose sur un jugement difficile à objectiver. L'administration s'appuie sur la réalisation d'états de l'art que les PME sont souvent peu armées pour réaliser.
Et la mise en oeuvre du crédit d'impôt innovation (CII), instauré en 2013, ne contribue pas à éclaircir les choses : la frontière entre les deux crédits d'impôt est ténue, et l'administration peut être facilement tentée de qualifier des dépenses d'innovation. En effet, le régime du CII est moins favorable pour les entreprises, et donc moins coûteux pour les finances publiques.
Aussi l'élaboration d'un référentiel clair et stable sur le périmètre des dépenses éligibles, pour le CIR comme pour le CII, permettrait aux entreprises de mieux affecter fiscalement leurs dépenses et d'en préparer la justification en amont.
Cela serait également de nature à réduire le recours aux cabinets de conseil, qui a explosé ces dernières années, avec la complexification du dispositif, et pose problème. Leur taux moyen de rémunération est en effet de 20 %, et peut atteindre jusqu'à 40 %. Or, leur intervention massive, notamment auprès des PME, n'a pas permis d'endiguer l'augmentation des rectifications depuis deux ans.
Plutôt qu'un agrément de ces cabinets, qui entérinerait leur existence et leur recours, il semblerait préférable de favoriser l'autonomie des entreprises. La labellisation des cabinets de conseil, qui leur laisserait davantage de libertés, pourrait être mise en place. Il faudrait par ailleurs davantage former et informer les responsables des comptes au maniement du CIR.
Enfin, dernière problématique relative au CIR, celle des procédures de contrôle. Elles sont en effet, elles aussi, très incertaines, car elles dépendent pour beaucoup de l'expert qui a été désigné par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour assister les services fiscaux. Souvent venu du monde académique, il n'est pas forcément au fait des contraintes et des réalités du monde de l'entreprise.
En outre, le dialogue contradictoire entre experts et entreprises est souvent inexistant ; il faudrait veiller qu'elles soient mieux tenues au courant de l'avancement du contrôle, qu'elles puissent davantage s'exprimer, et que ce contrôle soit réalisé en respectant des codes de bonnes pratiques qui en limitent les aléas.
Voilà, Monsieur le Président, mes chers collègues, les analyses et propositions que m'a inspirées cet avis « Recherche ». Pour conclure, il me reste à donner mon avis sur les crédits de la MIRES pour 2015. La coupe de plus de 135 millions d'euros opérée dans une mission à l'équilibre déjà précaire oriente certes mon choix. Et ce, dans un contexte où l'avenir de notre économie passe plus que jamais par l'excellence dans la recherche et l'innovation. Cependant, je souhaite laisser à la ministre la possibilité de nous faire des propositions qui permettraient de revenir sur le « coup de rabot » effectué par nos collègues députés. Aussi je m'en tiendrai à un avis de sagesse, quant au vote sur les crédits de cette mission.