Nous sommes fiers d'être les premiers auditionnés par votre délégation depuis son renouvellement, elle qui a toujours su être à l'écoute des producteurs d'outre-mer. Je remercie aussi la commission des affaires étrangères de s'être saisie de la question des répercussions pour les outre-mer de l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Amérique centrale.
Les accords commerciaux nous font subir des chocs de compétitivité massifs auxquels nous avons de plus en plus de mal à résister. Dans un accord commercial type, le pays tiers ouvre son marché aux industries européennes, en échange, le marché européen est ouvert aux productions agricoles de ce pays. Or, les seuls territoires français dont les productions agricoles sont en concurrence directe avec celles des pays tropicaux sont les départements français d'outre-mer. Les productions concernées sont la banane, le rhum, le sucre, ou encore le melon. Nous sommes mis en concurrence non seulement sur le marché continental de l'Union européenne mais aussi sur les marchés locaux. Ces accords sont parfois asymétriques, à l'image des accords de partenariat économique avec les pays du Cariforum : ils autorisent l'importation sur le marché européen des produits des pays tiers sans droits de douane, lesquels conservent le droit d'augmenter les leurs et de dresser des listes noires de produits pour protéger leurs productions locales, souvent agricoles. Au final, nous sommes ainsi doublement pénalisés à l'exportation et sur les marchés locaux. C'est pourquoi nous n'avons aucun complexe à défendre l'octroi de mer, seul véritable outil de protection.
Le mécanisme de négociation de ces accords de libre-échange est opaque. La direction générale Trade de la Commission européenne négocie seule, sans rendre de comptes, au prétexte qu'elle ne pourrait le faire efficacement si son mandat était public... Or, dans ces négociations, le poids des outre-mer est faible : avec une population de deux millions d'habitants, leurs intérêts pèsent peu par rapport à ceux de l'industrie européenne.
Nous ne connaissons le résultat des négociations que tardivement, ce qui nous contraint chaque fois à une mobilisation dans l'urgence. Lorsque le projet d'accord nous est soumis, il a déjà été accepté par le pays tiers et il est difficile de revenir dessus, d'autant plus que l'accord porte sur des secteurs stratégiques pour lui : exclure des accords certaines catégories de rhum ou de sucre semble secondaire à l'Europe, mais crucial pour les économies ultramarines en dépit de la modestie des volumes concernés. Ainsi, depuis quinze ans, notre exposition ne cesse de s'accroître à la concurrence de pays où les coûts de production et les normes sont bien moindres.
Nous souhaitons exclure de ces accords nos productions de sucre, de bananes et de rhum qui ne représentent qu'une part minime de la production mondiale. Mais la direction générale Trade refuse de façon quasi systématique au nom du dogme de la libre concurrence. Pourtant, l'Union européenne est seule à baisser ses protections douanières. Dans son onzième rapport sur les mesures susceptibles de porter atteinte à la libre concurrence, la direction générale Trade constate d'ailleurs avec étonnement la hausse des mesures protectionnistes dans le monde, y compris dans des pays du G20. Le rhum le plus subventionné du monde, par exemple, est le rhum américain. La seule concession que nous ayons obtenue, est l'engagement de réaliser une étude d'impact préalable. Inutile de dire que cela n'a jamais été fait.
Nous avons également obtenu des clauses de sauvegarde qui peuvent être activées lorsque le marché est déstabilisé et que les producteurs locaux sont menacés. Elles sont toutefois inopérantes parce que difficiles à mettre en oeuvre : le temps d'enquêter pour la Commission et les producteurs ont disparu.
Les seules mesures de protection des productions sont l'octroi de mer sur notre marché local, l'exclusion des accords des produits les plus sensibles du marché continental, et enfin une compensation par l'Union européenne du préjudice subi, comme l'a soutenu le Sénat dans sa résolution de mai 2011.
Cependant, il semble illusoire de penser obtenir de la direction générale Trade qu'elle revoie sa manière de négocier.