Intervention de Sylvie Lemaire

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 27 novembre 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Ruelle directeur général de l'union des groupements de producteurs de bananes de guadeloupe et martinique ugpban de Mme Sylvie Lemaire déléguée générale du syndicat du sucre de la réunion et de M. Benoît Lombrière délégué général adjoint d'eurodom accompagné de Mme Laetitia de la Maisonneuve chargée des relations avec le parlement et de M. Emmanuel deTter consultant

Sylvie Lemaire, déléguée générale du Syndicat du sucre de La Réunion :

Le marché du sucre est confronté à des défis nouveaux. En 2017, les quotas sucriers seront abolis. Les producteurs d'outre-mer risquent d'être privés de leurs débouchés. Ils produisent du sucre destiné à être raffiné, et sont spécialisés dans des sucres roux de canne que l'Europe ne peut produire avec la betterave. Mais nous devons faire face à la concurrence des pays avec lesquels l'Union européenne passe des accords.

Le marché européen du sucre raffiné s'élève à 18 millions de tonnes, l'Europe produit 13 à 14 millions de sucre de betterave. Le reste est constitué de sucre brut importé des pays ACP ou de nos DOM, et destiné à être raffiné, ainsi que de sucres spéciaux, du sucre de canne destiné à la consommation de table ou incorporé à des produits alimentaires diététiques, à des confitures. Dans ce cas, la mention produit sucré au sucre roux de canne figure sur l'emballage. D'un volume de 250 000 à 300 000 tonnes, ce marché de niche est à forte valeur ajoutée. L'outre-mer en produit la moitié, le reste provient des pays ACP qui bénéficient déjà de l'accord « Tout sauf les armes » et sont exemptés de droits de douanes. Nos principaux concurrents sur ce marché de niche sont Maurice, le Malawi, le Swaziland et la Zambie. Le marché est équilibré, mais l'arrivée de l'Amérique centrale représente un risque de déstabilisation.

Les négociations ont été opaques. De plus, la Commission, lorsqu'elle négocie les concessions tarifaires, a en tête les grandes données du marché européen : que représentent 150 000 tonnes au vu des 18 millions de tonnes du marché global ? Rien, et pourtant 100 % de notre marché, s'il s'agit de 150 000 tonnes de sucres spéciaux. Les territoires d'outre-mer, historiquement spécialisés dans la production de sucre destiné au raffinage, se sont en effet tournés vers la production de sucres spéciaux à plus forte valeur ajoutée. Les DOM produisent 270 000 tonnes de sucre, La Réunion 200 000 tonnes, dont 100 000 tonnes de sucres spéciaux. La Guadeloupe produit 20 000 tonnes de sucres spéciaux. Nous sommes leaders sur le marché européen des sucres spéciaux, dont nous représentons la moitié.

Les accords étant mis en oeuvre depuis 2013, nous manquons encore de recul mais c'est l'équilibre même de la filière qui est en jeu. Comme ils ne reprennent pas les distinctions de code douanier, les pays sont libres de choisir le sucre qu'ils souhaitent exporter vers l'Europe. Il est à craindre qu'ils privilégient ceux à plus forte valeur ajoutée. Nous avons alerté les plus hautes autorités, reçu des engagements sur l'exclusion des sucres spéciaux de l'accord en préparation avec l'Afrique du Sud dont la production s'élève à 2 millions de tonnes ! Mais il s'agit pour nous d'un combat de tous les instants. Viendront bientôt le Vietnam, le Brésil, l'Argentine, le Guatemala, l'Inde, la Thaïlande, pays producteurs de volumes bien supérieurs de sucre de canne à des coûts inférieurs et avec un cadre normatif incomparablement moins exigeant.

Une fois que le mal est fait, il est difficile d'agir et nous n'avons plus d'autre solution que de demander des compensations. L'économie de La Réunion est fortement dépendante du sucre qui représente la moitié de la valeur de ses exportations. La filière sucre compte 3 500 exploitations, 12 000 emplois directs dans la filière canne-sucre, 30 000 dans l'ensemble des DOM, soit l'équivalent, à l'échelle hexagonale, de 4 millions d'emplois. C'est aussi 13 % de l'emploi marchand à La Réunion.

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