Intervention de Emmanuel Detter

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 27 novembre 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Ruelle directeur général de l'union des groupements de producteurs de bananes de guadeloupe et martinique ugpban de Mme Sylvie Lemaire déléguée générale du syndicat du sucre de la réunion et de M. Benoît Lombrière délégué général adjoint d'eurodom accompagné de Mme Laetitia de la Maisonneuve chargée des relations avec le parlement et de M. Emmanuel deTter consultant

Emmanuel Detter, consultant :

Les accords commerciaux sont source d'une inquiétude ancienne au sein de la filière canne-sucre, qui représente 20 000 emplois directs dans les DOM et 30 000 emplois au total. Chez nous, on trouve des champs de canne à perte de vue, des industries modernes mais de taille modeste par rapport aux grands champions mondiaux ; à Sainte-Lucie, à 40 kilomètres de là, pas de champs de canne, mais un terminal de mélasse et une distillerie gigantesque. Le rhum importé en Europe continentale peut être commercialisé à partir de 37,5 degrés, alors que le rhum traditionnel doit être supérieur à 40 degrés et distillé à moins de 96 degrés. Cette contrainte garantit la spécificité de nos rhums, mais elle a un coût.

Le nouvel accord de libre-échange introduit un contingent à droits nuls de 7 000 plus 1 000 hectolitres d'alcool pur qui augmentera chaque année sans limite de taille. Presque 10 % des ventes de rhum traditionnel du contingent à fiscalité réduite sont menacés. Dans le cadre de l'accord cover over en vigueur depuis 2009 pour trente ans, le Trésor américain reverse aux Îles Vierges et à Porto Rico 97 % des droits d'accise acquittés par les consommateurs américains, y compris pour les rhums importés, c'est-à-dire les nôtres. Le marché américain du rhum représente 40 % de la consommation mondiale. Ce reversement, pendant trente ans, équivaut à une subvention de 2,7 milliards de dollars pour Baccardi et Diageo. En 2012, les producteurs américains ont ainsi bénéficié de 580 millions de subventions.

L'inquiétude la profession est justifiée. S'il est illusoire de croire à une modification de la politique commerciale à court terme, la survivance du rhum traditionnel est liée à la réduction de la fiscalité du rhum autorisée par une décision du Conseil. Elle concerne un contingent, fixé à 120 000 hectolitres d'alcool pur. Dans un marché métropolitain dynamique, où les ventes progressent de 3 à 5 % par an, la progression de la part de marché des pays tiers va de 8 à 33 %, selon les marques, là où le rhum des DOM ne progresse que de 2 ou 3 % par an. La profession souhaite que la Commission respecte son engagement de procéder à une étude d'impact avant la signature des futurs accords, et qu'elle garantisse la pérennité des dispositifs de réduction fiscale du rhum, dernier instrument pour préserver l'accès au marché métropolitain du rhum traditionnel.

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