Intervention de Arnaud Martrenchar

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 27 novembre 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Arnaud Martrenchar chef du bureau des politiques agricoles rurales et maritimes à la sous-direction des politiques publiques direction générale des outre-mer et de M. Grégoire Cayé chargé de mission

Arnaud Martrenchar, chef du bureau des politiques agricoles, rurales et maritimes à la Direction générale des outre-mer :

L'Union ayant une compétence exclusive en matière de politique commerciale, l'accord est entré en vigueur et le restera, que le Sénat le ratifie ou non. Si certains secteurs ont intérêt à ce type d'accords, d'autres filières, en premier lieu agricoles, en craignent les effets. Nous ne connaissons pas leurs répercussions avant leur entrée en vigueur. C'est pourquoi nous demandons, le plus souvent en vain, que l'Union européenne finance des études d'impact ex ante et in itinere, c'est-à-dire en cours d'application.

Nous demandons ensuite des clauses de sauvegarde qui soient opérationnelles, et non si lourdes que leur mise en oeuvre arrive toujours trop tard. Trois États membres seulement (la France, l'Espagne et le Portugal) étant concernés, obtenir l'accord de tous les autres est difficile.

Nous demandons également à classer comme produits sensibles des produits comme la banane, le sucre, le rhum. Nous avons pu classer ainsi une production de Saint-Pierre-et-Miquelon dans l'accord avec le Canada. Dans l'idéal, ces produits sensibles sont exclus des accords, mais l'exclusion est très rarement obtenue. Le cas des sucres spéciaux dans l'accord, encore à signer, avec l'Afrique du Sud est une exception.

La baisse des tarifs douaniers peut aussi être combinée avec un contingent ou avec un délai.

Enfin, nous pouvons demander des compensations financières : si le tarif douanier baisse pour la tonne de bananes de 170 euros à 110, l'aide demandée est de 60 euros multipliés par le tonnage de production, soit 250 000 tonnes. La Commission répond ne pas être sûre de l'évolution du marché, mais les professionnels expliquent qu'une intervention a posteriori arriverait trop tard.

Les bananiers ont entamé des démarches pour obtenir des compensations financières à l'accord avec l'Amérique centrale. La France, l'Espagne et le Portugal demandaient 40 millions d'euros par an. La Commission a accepté mais pour une seule fois, la France obtenant 18,5 millions d'euros. Les services de la Commission, estimant ce one shot injustifié, ont décidé comme mesure de rétorsion la révision du Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), avec comme préconisation phare une dégressivité des aides. L'enveloppe des aides à la filière de la banane s'établit actuellement à 129 millions d'euros par an, calculées à partir de la production de 2006, qui était de 315 000 tonnes contre 250 000 aujourd'hui. La Commission voudrait diminuer les aides et prendre en compte le paramètre de l'emploi. Nous avons demandé à la Commission une étude d'impact de ce nouveau POSEI qui interviendra en 2015.

Deux ans après l'entrée en vigueur de l'accord, il n'y a pas d'impact sur les revenus des producteurs. La lutte contre l'obésité aux États-Unis a créé un appel d'air sur les fruits, dont le moins cher est la banane : toute la production de l'Amérique centrale a ainsi été déversée sur le marché nord-américain. Les accords prévoient cependant une baisse progressive des tarifs douaniers et les producteurs ultramarins pâtissent des surcoûts, ceux de la main-d'oeuvre, mais aussi ceux liés à la fin du traitement aérien, bien moins coûteux que le traitement terrestre. Le retrait de certains produits phytosanitaires, des herbicides notamment, affectera le coût de production de la canne. La dérogation que nous avons obtenue pour La Réunion n'aura qu'un temps. Les méthodes alternatives - vitroplants, couverture des cultures ou désherbage mécanique - génèrent des surcoûts et donc des différentiels de compétitivité au détriment des DOM par rapport aux pays tiers.

Le plus logique serait d'établir un observatoire du revenu des planteurs, et de prévoir en cas de baisse de revenu une compensation financière ou une hausse des tarifs douaniers. Malheureusement, la Commission ne veut pas financer un tel observatoire. Aussi nous trouvons-nous dans une situation peu rationnelle et donc fragile : nous prévoyons une compensation financière sans connaître l'impact réel des accords. Cela concerne la banane, avec des accords qui courent jusqu'en 2020. Quant au sucre, il est essentiel de continuer à exclure les sucres spéciaux. Le rhum, lui, jouit de protections fiscales que la Commission a avalisées au début de l'année, nous avons enfin demandé le classement du rhum traditionnel dans la liste des produits sensibles de l'accord transatlantique.

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