Intervention de Mona Zegaï

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 20 novembre 2014 : 1ère réunion
Stéréotypes masculins et féminins dans les jeux et les jouets — Audition de Mme Mona Zegaï doctorante en sociologie au centre de recherches sociologiques et politiques de paris - cultures et sociétés urbaines cresppa-csu à l'université paris viii vincennes-saint-denis et Mme Astrid Leray fondatrice du cabinet trezego

Mona Zegaï :

Dans la famille, 80 % des tâches domestiques sont accomplies par les femmes, comme je le disais. L'organisation du travail domestique au foyer est un observatoire de l'inégalité des genres pour l'enfant. Lors d'un entretien avec deux enfants hors de la présence de leurs parents, je leur ai montré des catalogues de jouets. Les garçons n'ont pas aimé les jouets ménagers, disant qu'ils étaient réservés aux filles, non pas parce que les jouets et les pages étaient roses, mais parce qu'ils ont constaté que leur mère passait l'aspirateur ou faisait la vaisselle, et que leur grand-mère faisait des travaux de couture. Les enfants assignent ainsi un genre aux jouets lorsque ceux-ci imitent la réalité sociale qu'ils observent. Les parents peuvent donc contribuer involontairement à développer des stéréotypes chez leurs enfants. Si leur mère fait la cuisine, les enfants intègrent que la cuisine relève des femmes.

Au cours d'une autre expérience, j'ai proposé des jouets à des enfants, à répartir sur trois tables : garçons, filles et mixtes. Parmi une quinzaine de groupes de quinze collégiens, la plupart ont placé la cuisine rouge, grise et noire sur la table des jouets mixtes. Ils ont justifié cette décision par le fait que le père faisait aussi à manger le week-end ; même si la confection du repas n'est pas quotidienne, ils ont observé que la cuisine n'était pas que pour les femmes. En outre, ils ont cité les émissions de téléréalité qui montrent des hommes et des femmes qui cuisinent. Ces émissions ont une influence sur les enfants.

Les parents peuvent également « corriger » certains aspects, notamment des parents très diplômés avec un fort capital culturel. La fille de huit ans d'une femme très diplômée, chercheuse en sciences de l'éducation et spécialisée dans les questions de genre, n'avait aucun goût pour le rose et les poupées, mais aimait les dragons. Il s'est avéré que ses parents étaient adeptes des jeux de rôles ; la petite fille savait qu'elle aurait des sujets de conversation avec ses parents en s'intéressant aux dragons. Le père voulait lui interdire les poupées Barbie pour des raisons de sexualisation, mais la mère a jugé que l'interdit pourrait, au contraire, exercer un effet attractif sur elle. Ils ont donc suscité un rejet de ces poupées en les qualifiant par exemple de « cruches », ce que la petite fille a repris dans son discours en s'appropriant ces goûts transmis par les parents. Les parents ont donc un rôle non négligeable sur l'ouverture du champ des possibles de leurs enfants.

L'étude d'une sociologue sur les mangas montre que la lecture de mangas n'est pas interdite par les parents des classes favorisées, mais qu'ils recommandent également d'autres lectures par ailleurs. Ces parents ont des stratégies pour ouvrir le champ des possibles de leurs enfants, notamment au moment de Noël.

Les parents sélectionnent par exemple dans la liste de Noël les jouets qui correspondent à leurs valeurs. Les autres membres de la famille, notamment les grands-parents, jouent également un rôle. Les parents leur demanderont d'acheter des vêtements plutôt que des jouets, ou répartiront les jouets entre les membres de la famille, pour éviter des achats de jouets qui ne leur plaisent pas. En revanche, les parents des catégories sociales moins favorisées veulent surtout faire plaisir à leur enfant. L'objectif est qu'il ne manque de rien.

Les enfants développent parfois aussi des stratégies : ils s'adressent aux grands-parents pour obtenir des jouets que les parents leur refusent, par exemple un jouet en forme d'arme ou un déguisement de « Monster High ». Bien que les grands-parents soient choqués par ces jouets, qu'ils peuvent juger violents ou vulgaires, ils les achètent pour faire plaisir à leurs petits-enfants.

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