Intervention de Michel Moggio

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 20 novembre 2014 : 1ère réunion
Stéréotypes masculins et féminins dans les jeux et les jouets — Audition de M. Michel Moggio directeur général de la fédération française des industries jouet - puériculture fjp

Michel Moggio, directeur général de la Fédération française des industries Jouet - Puériculture (FJP) :

Notre fédération représente les fabricants de jouets qui opèrent en France, qu'ils soient internationaux ou français, qu'ils fabriquent ou non en France. Notre marché couvre donc environ 80 % des ventes de jouets sur le territoire français et nous représentons des fabricants d'origines diverses, ce qui a son importance pour des sujets plus culturels.

Je souhaite revenir sur la manière dont les fabricants créent des jouets. Ce marché essaie en effet de correspondre à la demande des consommateurs et d'anticiper des tendances. Les jouets qui se trouvent sur les étagères sont le résultat de ces processus de développement. Le désir de l'enfant guide prioritairement les fabricants, car le marché est encombré : au Salon de Nuremberg, un million de jouets sont présentés. Dans ce vaste univers, les fabricants cherchent à capter l'attention des enfants. Les jouets essaient d'être le reflet des intérêts des enfants dans une société donnée. Cet intérêt se forge en fonction de la personnalité de l'enfant, de son environnement, des adultes, des pairs ou de l'école.

Nous considérons que les jouets sont les outils du jeu. L'importance du jeu dans le développement de l'enfant, psychologique ou cognitif, est reconnue. Les fabricants essaient donc d'apporter les meilleurs outils pour ce développement. En outre, le jeu dure toute la vie : l'âge moyen du joueur de jeux vidéo est 38 ans, ce qui dépasse largement la période de l'enfance. Les industries proposent donc une large gamme de produits qui couvrent une grande palette d'activités ludiques. La clef d'entrée pour les fabricants est la fonction du jeu et non le genre du joueur. Il existe des jouets d'usage, de création, d'imagination ou symboliques. La déclinaison s'effectue par le jeu en lui-même.

Par ailleurs, un quart du marché mondial est lié aux jouets sous licence. Les fabricants concluent des contrats avec des sociétés de divertissement comme Disney, qui en est l'exemple dominant. Ils proposent à l'enfant des produits et des personnages qui correspondent à des situations que celui-ci voit dans les produits culturels (films, livres, sériées télévisées), internationaux ou locaux, comme par exemple « Petit Ours brun ».

Les jouets communs à plusieurs générations font partie des « recettes » des fabricants à la création. En effet, le jouet est également un outil de transmission par lequel les parents passent des valeurs à leurs enfants. Certains jouets transcendent les modes, comme le Monopoly ou les Lego qui ont maintenant 50 ans. Quand des jeux sont appréciés par plusieurs générations, il est toujours possible pour les fabricants de les adapter pour les générations suivantes.

La technologie est aussi un aspect important des jouets et jeux. Les fabricants travaillent avec des équipes de développement internes, mais de nombreux inventeurs travaillent également sur des concepts intellectuels (jeux de société) ou technologiques (toupie customisée ou balle rebondissante), qui sont ensuite édités. Une communauté d'inventeurs professionnels ou amateurs sollicite les industriels du jouet pour leur proposer leurs concepts. Par tradition, le jouet a toujours intégré l'image de la technologie que les enfants voient dans les mains de leurs parents : par exemple, les tablettes jouets. Auparavant, les magnétophones à cassettes pour petits imitaient ceux des adultes. Le jouet est donc plutôt « low-tech ».

L'innovation joue un rôle très important dans ce marché - chaque année, un jouet sur deux est nouveau - avec un budget de recherche et développement de 4 % à 5 % dans les grandes sociétés. L'origine des jouets peut donc être très diverse.

Les fabricants utilisent aussi des grilles sur l'acquisition de compétences, surtout pour les jouets préscolaires, s'agissant notamment des jouets qui développent la motricité fine. Les équipes étudient par tranche d'âge l'acquisition des compétences intellectuelles et motrices et essaient de proposer des jouets qui peuvent contribuer à développer ces compétences.

Par ailleurs, nous savons grâce à des études comment fonctionnent les familles lorsqu'elles achètent des jouets. Pour près de 90 % des parents, le jouet est un outil de plaisir pour l'enfant. Ils recherchent donc la satisfaction de l'enfant en répondant à ses souhaits (la liste au Père Noël) ou en imaginant qu'un certain jouet lui fera plaisir. Au sujet des listes de Noël, les études montrent que l'enfant obtient environ la moitié des jouets qu'il a inscrits sur sa liste. Les parents ou les grands-parents complètent cette liste, de préférence avec des jouets qu'ils connaissent, par exemple un Monopoly. La société Hasbro vend donc encore 500 000 Monopoly par an, bien que tous les foyers en soient déjà équipés depuis longtemps. Les parents cherchent donc à faire plaisir à leur enfant, sans pour autant toutefois écouter tous ses souhaits.

Le prix est le deuxième facteur de choix. En dehors de Noël, les parents choisissent des jouets inférieurs à 10 euros pour récompenser leur enfant, par exemple à l'occasion d'une bonne note. Le prix est en revanche d'environ 30 euros à Noël.

Enfin, deux tiers des parents déclarent choisir des jouets en adéquation avec l'âge de l'enfant. Les fabricants sont fortement sollicités pour les rassurer sur ce point.

Les fabricants prennent donc en compte ces trois grands critères de choix.

La fédération encourage un « régime varié », car les jouets ont différentes fonctions. Un enfant qui adore les Lego doit également recevoir d'autres jouets, même si les Lego ont l'avantage de développer la rigueur et les techniques de construction. Les jeux de société permettent notamment à l'enfant d'appréhender les règles et de déterminer les gagnants et les perdants.

Depuis 2012, en partenariat avec le ministère de l'Éducation nationale, nous avons développé un programme dénommé « Les espaces ludiques en milieu scolaire » qui consiste en la création de kits de jouets, l'un destiné aux écoles élémentaires et l'autre aux écoles maternelles. Ces jouets ont pour objectif de couvrir les besoins en jouets symboliques, d'imitation, de rôle, d'imagination, de construction et de règles. Cette expérience est intéressante pour nous. Ces kits sont en effet utilisés dans le cadre périscolaire et les enfants sont libres d'utiliser la soixantaine de jouets mis à leur disposition. La frontière entre les jeux de filles et de garçons s'estompe complètement lorsque les enfants sont certains de ne pas être observés : des garçons jouent avec des poupées et des dînettes et les filles jouent avec des véhicules, par exemple. Ils jouent également dans la mixité, de manière naturelle. Ces kits répondent aux nouveaux rythmes scolaires de manière économique pour certaines communes. En outre, l'enseignant observe que les enfants sont plus disponibles pour l'étude après avoir joué et que les tensions entre les clans s'apaisent dans les classes.

S'agissant du genre, je ne partage pas l'idée qu'il existe désormais davantage de jouets « genrés ». En revanche, le choix de jouets est beaucoup plus vaste. Pour les industriels, un jouet mixte représente un courant d'affaires supérieur à un jouet « genré ». Le jouet mixte est la meilleure réponse d'un point de vue économique.

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