Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 2 décembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l'état

Photo de Michel BouvardMichel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme Thierry Carcenac, je m’interroge sur l’indemnisation d’Ecomouv’, ainsi que sur les coûts liés au service de Metz ou à la reconversion des portiques. Je regrette par ailleurs que les parlementaires aient manqué de courage collectif dans la défense d’une taxe votée à une large majorité…

Cela étant, afin de réaliser des économies, la commission des finances, sur l’initiative du rapporteur général, a adopté trois amendements tendant à ralentir l’avancement et à instaurer trois jours de carence dans la fonction publique. Ces amendements, dans un souci de clarté et de lisibilité, concernent la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », mais ils ont en réalité une portée générale, puisqu’ils intéressent les trois fonctions publiques : la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

Quant à la mission « Provisions », il s’agit d’une mission spécifique, dont les deux programmes sont destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances. La demande initiale de 165, 3 millions d’euros en crédits de paiement a été minorée de 12, 5 millions d’euros en seconde délibération par l’Assemblée nationale, dans le cadre de la garantie du respect de la norme de dépense en valeur de l’État.

La dotation du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » assure, notamment, les dépenses urgentes rendues nécessaires par des catastrophes naturelles qui pourraient survenir en France ou à l’étranger. Pour 2015, sont demandés sur cette dotation 452, 8 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 152, 8 millions d’euros de crédits de paiement.

La différence correspond, comme les années précédentes, à la constitution d’une provision destinée à financer les éventuelles prises à bail privées des administrations qui pourraient survenir dans l’année.

Mes chers collègues, les rapporteurs spéciaux suggèrent de préciser une doctrine d’emploi de cette dotation, afin d’en circonscrire le recours au seul critère accidentel.

Par ailleurs, afin d’éviter toute confusion, le terme « provisions » étant emprunté à la comptabilité générale et répondant à une tout autre définition, la commission a adopté un amendement visant à modifier la dénomination de la mission au profit de l’intitulé « Crédits non répartis », ainsi que le suggérait d'ailleurs la Cour des comptes.

J’en viens maintenant à la politique immobilière de l’État. Outre les budgets ministériels, celle-ci repose sur deux outils principaux.

Le premier d’entre eux est le programme 309 « Entretien des bâtiments de l’État », rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », et qui finance les travaux d’entretien lourd de l’État propriétaire. Il est doté de 166 millions d’euros en 2015, en légère baisse. La stratégie adoptée pour l’année prochaine est celle d’une diminution de la maintenance corrective, au profit de la maintenance préventive, mais surtout des contrôles, audits et diagnostics qui la précèdent.

Le second outil est le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », qui finance les travaux structurants de reconversion.

Ce compte est alimenté par les produits de cession des immeubles de l’État, évalués à 521 millions d’euros pour 2015. L’objectif affiché est certes ambitieux, comparé, notamment, aux 470 millions d’euros prévus pour 2014, mais réaliste selon les services de France Domaine. On peut toutefois regretter que le Parlement n’ait à sa disposition que très peu d’éléments pour juger du bien-fondé d’un prix de cession, et donc pour s’assurer, en particulier, qu’un bel immeuble n’est pas cédé à vil prix pour produire des recettes immédiates.

Une partie des dépenses du compte d’affectation spéciale susvisé est consacrée au désendettement de l’État. Théoriquement, le taux de contribution au désendettement devrait atteindre 30 % du montant des cessions, mais il ne sera, l’année prochaine, que de 16 %, du fait, singulièrement, des exonérations, prorogées par le biais de l’article 22 du présent projet de loi de finances, au profit du ministère des affaires étrangères et du développement international et relatives aux biens situés à l’étranger, et surtout du ministère de la défense. Compte tenu des efforts par ailleurs demandés à ce dernier, cette dérogation a paru justifiée à la commission des finances dans les circonstances actuelles. Au total, la contribution au désendettement ne sera donc que de 108 millions d’euros en 2015.

Le reste des dépenses du compte d’affectation spéciale, soit 413 millions d’euros, vise à financer les travaux de restructuration immobilière. Les crédits sont en baisse de 5, 3 %, mais de fortes variations ne doivent pas surprendre, la plupart des projets concernés ayant un caractère pluriannuel.

Je terminerai mon intervention par trois remarques.

Premièrement, certains arbitrages à l’égard de la stratégie en matière de politique immobilière n’ont jamais été vraiment faits, et ce n’est pas une nouveauté, puisque ce problème est pendant depuis trois ans. Je pense, notamment, à la question de la valorisation locative du patrimoine de l’État qui, dans de nombreux cas, pourrait être plus avantageuse qu’une cession en une fois. La stratégie de France Domaine est trop souvent guidée par des objectifs de court terme.

Je pense également, madame la ministre, au cas de la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, sur laquelle l’État se décharge de certaines opérations, parfois au prix fort. Ces critiques, maintes fois formulées, me conduisent à vous proposer, à titre personnel, un amendement tendant à dissoudre la SOVAFIM. Je rappelle d'ailleurs que sa création avait donné lieu à des questions, qu’elle a fait l’objet de deux rapports de la Cour des comptes et d’une condamnation par la Cour de discipline budgétaire et financière.

Deuxièmement, le pilotage de la politique immobilière des opérateurs reste défaillant. Dès 2009, le Parlement avait demandé que le patrimoine immobilier des opérateurs soit évalué ; aucune vision d’ensemble fiable n’est disponible à ce jour. La nouvelle génération de schémas pluriannuels de stratégie immobilière et le suivi renforcé de trente et un opérateurs seront peut-être l’occasion d’améliorer les choses. Le minimum serait que les documents budgétaires mis à notre disposition, que ce soient les jaunes budgétaires ou les documents orange, soient au moins remplis pour ce qui concerne les volets « opérateurs ». Des progrès restent à faire, mais ils ne dépendent pas que de vous, madame la ministre.

Enfin, le pilotage du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » est soumis à des objectifs contradictoires. Ainsi, la loi Duflot du 18 janvier 2013 autorise l’État à céder des terrains de son domaine privé avec une forte décote – elle peut atteindre jusqu’à 100 % – lorsque ces terrains sont destinés à la construction de logements sociaux. La commission des finances a adopté un amendement tendant à faire assumer par le budget général, et non par le compte d’affectation spéciale, la politique menée en faveur du logement social, dans un souci de cohérence.

Compte tenu de toutes ces remarques, la commission vous propose d’adopter les projets de budget concernés.

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