Je vais m’exprimer non seulement sur l’amendement n° II-50 de la commission, mais aussi sur l’amendement n° II-271 – celui-ci, déposé par les membres du groupe UMP, sera présenté dans quelques instants –, qui ont tous deux pour objet de ralentir les effets du glissement vieillesse technicité.
Chers collègues de la nouvelle majorité sénatoriale, vous aviez annoncé la couleur la semaine dernière en indiquant que vous formuleriez de nombreuses propositions visant à réduire les dépenses publiques ; effectivement, vous faites preuve de beaucoup d’inventivité !
Cela étant, la lecture de l’exposé des motifs de ces amendements présente au moins un intérêt : nous apprendre que les dépenses de personnel constituent une dépense majeure de l’État ! Mais, mes chers collègues de l’UMP, c’est enfoncer une porte ouverte ! On sait parfaitement le poids des effectifs dans le budget de l’État, des collectivités locales ou des établissements hospitaliers. Il s’agirait même, selon les dires du premier signataire de l’amendement n° II-271, de l’« une des dépenses les plus coûteuses » du budget de l’État !
Rassurons-nous, ce constat manque, selon nous, d’une certaine logique élémentaire. Si, au total, l’État doit débourser chaque année un peu plus de 121 milliards d’euros pour rémunérer les agents des différents ministères - 61 milliards d’euros pour l’enseignement scolaire, 18, 7 milliards d’euros pour la défense nationale, etc. -, cette somme très élevée apparaît également sur le plan de la masse des recettes sociales, via les cotisations sociales correspondantes, et de l’assiette des recettes fiscales. En effet, au cas où vous l’auriez oublié, les fonctionnaires d’État, au nombre de 1, 9 million, les 400 000 agents mis à disposition des opérateurs, les fonctionnaires territoriaux comme les fonctionnaires hospitaliers sont aussi des contribuables, des salariés, des consommateurs, et, à ce titre, facteurs de croissance.
On est même en droit de penser que c’est une chance pour notre pays d’avoir des agents du secteur public en nombre suffisant pour que les comptes publics ne soient pas plus dégradés qu’ils ne le sont aujourd’hui !
On nous propose maintenant de réduire les effets du fameux GVT. Les agents de la fonction publique n’auraient-ils pas encore assez payé leurs « privilèges » avec le gel du point d’indice pour qu’il faille remettre en cause, de surcroît, l’une de leurs garanties essentielles, à savoir le déroulement de carrière et l’évolution du traitement en découlant ? Quel manque de reconnaissance du rôle et des qualités professionnelles de ces agents publics !
Mais surtout - question qui n’est pas secondaire dans notre esprit - « ralentir » le GVT, c’est tout simplement admettre que quelqu’un puisse être payé en dessous de sa valeur, sans tenir compte de son expérience, de ses compétences, de sa qualification professionnelle.
Je vous rappelle, mes chers collègues de l’UMP, vous qui êtes si souvent attentifs à l’équité entre les secteurs public et privé, que toutes les conventions collectives, y compris les plus timides en termes d’avancées sociales, prévoient expressément un reclassement régulier des salariés de la branche à un coefficient supérieur !
La mise en cause du GVT proposée par les auteurs des deux amendements en discussion correspondrait, selon le cas, à 550 millions d’euros ou à 775 millions d’euros d’économies… C’est donc une perte de pouvoir d’achat comprise entre 290 euros et 410 euros par an pour chaque agent public. Un bon outil pour la croissance, n’en doutons pas !
Si vous cherchez quelques millions d’euros à réintégrer dans le budget de l’État, il y a du grain à moudre ailleurs ! Mais il est vrai que, à partir du moment où l’on estime normal de réduire, sous les motifs les plus divers, l’impôt de solidarité sur la fortune de plus de un milliard d’euros, où l’on accepte que certains P-DG de nos grands groupes industriels disposent d’une confortable retraite chapeau servie sous forme de rente viagère, on a du mal à trouver d’autres solutions que les mauvaises propositions qui nous sont soumises !
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC sollicitent, à deux jours d’élections importantes pour la fonction publique, le rejet par scrutin public de ces deux amendements.