Le présent amendement, comme le précédent, permet d’aborder une question majeure : la gestion des ressources humaines de l’État. Vous avez en effet évoqué les différentes fonctions publiques, madame la ministre. Or nous n’avons l’ambition, en cet instant, que de vous obliger à vous exprimer sur la gestion des ressources humaines de la fonction publique d’État.
Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, la décentralisation et la dissémination de milliers d’employeurs sur le territoire rendent possible une approche plus immédiate, plus directe, de l’optimisation des moyens des administrations locales, ainsi que de la mobilisation des meilleures compétences, au bénéfice du service public.
La remise en cause du caractère automatique du GVT revient à obliger les directions des ressources humaines des grandes administrations civiles et militaires à réfléchir à la meilleure utilisation de la masse financière dont elles disposent, au service des administrés.
Par conséquent, nous n’attaquons pas les fonctionnaires ; nous posons seulement la question de la responsabilité, de l’imagination, de la faculté d’innover des patrons des ressources humaines de ces grandes administrations, et donc de leur ministre.
Je prendrai l’exemple du ministère de la défense, où le GVT pose problème, effectivement. Une forme de réponse a néanmoins été adoptée lors de la professionnalisation des armées. Il a été décidé que les hommes du rang seraient engagés sur la base d’un contrat, lequel n’est pas sans perspective, puisque la moitié des sous-officiers viennent du rang, et la moitié des officiers sont issus du corps des sous-officiers. Le système contractuel n’est donc pas un système fermé ; il est adapté à une forme particulièrement noble, mais aussi singulière, du service public.
Par la remise en cause du caractère automatique du GVT, nous nous tournons donc vers les ressources humaines, voire vers la direction générale de la fonction publique – mais peut-elle faire quoi que ce soit, compte tenu des masses en jeu ? Je pense que c’est au sein de ces APU, dont vous parliez, madame la ministre, que l’exigence d’imagination peut être formulée. Il convient en effet de séparer les différents types de fonction publique qui n’obéissent pas nécessairement aux mêmes règles. Ainsi, l’organisation des corps n’est pas la même : certains d’entre eux répondent à une forme de pyramide forte ou de pyramide aplatie ; d’autres systèmes sont tronconiques ou tubulaires. En un mot, tous ces modèles sont profondément différents.
Par une loi inévitable, la loi des grands nombres, le système s’aligne sur les avantages obtenus par les catégories de fonctionnaires qui obéissent à des contraintes très particulières. Je ne prendrai qu’un seul exemple, qui relève de l’anecdote ; depuis que la gendarmerie est sous l’autorité du ministre de l’intérieur, un phénomène de ricochet est à l’œuvre : les policiers, des fonctionnaires civils syndiqués, parlent aux gendarmes, des fonctionnaires militaires non syndiqués, qui exercent pourtant les mêmes missions qu’eux. Ces gendarmes, quant à eux, échangent avec les militaires, qui n’ont pas le même statut. De proche en proche, les règles particulières s’étendent à tous ces corps, alors que leurs conditions d’activité ne sont pas les mêmes.
Je terminerai mon intervention en réagissant à votre propos sur le ratio entre le nombre de fonctionnaires de l’État et la population totale de la France, madame la ministre. Je ne conteste nullement ces chiffres : c’est M. Gerondeau, libéral passionné, polytechnicien bien connu, qui les a rendus publics. Notre pays a en effet à peu près le même nombre de fonctionnaires de l’État rapporté à la population totale que le Canada, dont vous avez cité l’exemple. Le seul ennui, c’est qu’il faut rapporter ce nombre à la population active ! Lorsque vous faites ce calcul, vous réalisez que le taux d’encadrement dans le secteur public de l’État est de 20 % à 25 % supérieur à celui du Canada ; la France ne compte en effet que 40 % d’actifs sur la population totale, quand le Canada en a plus de 52 %.
Comparez des chiffres comparables, madame la ministre, et vous comprendrez que cet effort, qui pèse sur l’ensemble de la société civile, est particulièrement lourd lorsque le ratio se dégrade, ce qui est le cas en France.