Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la première fois, le Sénat débat d’un amendement visant à changer le nom d’une mission. À cette occasion, il me semble nécessaire de préciser dans quelles conditions j’ai examiné la recevabilité financière de cette initiative des rapporteurs spéciaux.
En effet, un problème pourrait théoriquement se poser au vu du deuxième alinéa du I de l’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances, en vertu duquel « seule une disposition de loi de finances d’initiative gouvernementale peut créer une mission ».
La commission des finances de l’Assemblée nationale, dans un rapport de février 2012, en a déduit que « la transformation d’une mission en une autre, notamment par changement de son intitulé, serait assimilée à une création de mission, et donc irrecevable : un amendement en ce sens aurait pour effet de faire apparaître dans la nomenclature budgétaire une mission qui, antérieurement, n’y figurait pas ». S’appuyant sur cette analyse, le rapporteur spécial de l’Assemblée nationale, Michel Pajon, ne s’est pas cru autorisé à proposer lui-même un changement du nom de cette mission.
Je n’ai néanmoins pas conclu dans le même sens, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, la mission dont nous parlons ne saurait être créée ni par le Gouvernement ni par un amendement parlementaire, étant donné que son existence résulte des termes mêmes des alinéas 3 à 5 du I de l’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances, dont je vous donne lecture :
« […] Une mission regroupe les crédits des deux dotations suivantes :
« 1° Une dotation pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des calamités, et pour dépenses imprévisibles ;
« 2° Une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits. »
Dès lors que le nouvel intitulé respecte le cadre fixé par le législateur organique – de fait, il est plus précis que l’actuel intitulé –, il ne peut y avoir de problème de recevabilité.
En second lieu, dans le cas d’une mission « ordinaire », il me semble qu’il convient de distinguer deux situations.
D’une part, dans le cas où un amendement, sous couvert du changement de l’intitulé d’une mission, viserait à en modifier le périmètre, le changement d’intitulé serait considéré comme manifestant l’intention d’« aggraver une charge publique » et l’article 40 de la Constitution ainsi que les articles 7 et 47 de la loi organique relative aux lois de finances me conduiraient à les déclarer irrecevables.
D’autre part, dans le cas où des initiatives parlementaires n’auraient qu’une portée sémantique et ne prétendraient en rien modifier le champ de la mission créée par le Gouvernement, de tels amendements devraient être considérés comme recevables.
Dans ces conditions, j’ai déclaré que cet amendement était recevable, parce que de portée « sémantique ».