Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission que nous examinons ne recouvre qu’une infime partie des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Son examen nous permet cependant de débattre de l’ensemble de cette problématique, qui est particulièrement sensible.
Le budget de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente en effet que 2, 7 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit moins de 3 % des 101 milliards d’euros de transferts financiers de l’État en faveur des collectivités territoriales.
Aussi chacun comprend-il bien que l’enjeu n’est pas sur cette ligne budgétaire, même si celle-ci a son importance.
En effet, la modicité de cette mission ne lui aura pas évité de connaître une baisse de ses crédits, comme beaucoup d’autres missions, une baisse, certes, modeste, de 1 %, mais une baisse tout de même, surtout si l’on prend en compte les évolutions du périmètre des actions qu’elle représente.
N’oublions pas de surcroît que, depuis près de cinq ans, cette mission subit, comme tant d’autres, le gel de ses autorisations de dépenses, parfois même des diminutions drastiques.
J’ai encore en mémoire nos débats sur cette mission lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, sous le gouvernement Fillon, alors que je venais d’être élu sénateur. Je dénonçais alors une baisse très sensible des interventions touchant le programme des concours spécifiques. Cette restriction était même spectaculaire – 80 % ! – et concernait les aides aux collectivités locales fragilisées par des circonstances exceptionnelles, telles que les calamités naturelles, inondation ou sécheresse.
Ces événements météorologiques sont malheureusement toujours d’actualité et, comme en 2012, nous constatons que la diminution des crédits de cette mission est pour l’essentiel imputable à la baisse des crédits du programme 122 « Concours spécifiques et administration », dont l’action n° 1, Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales, est une nouvelle fois en forte diminution.
Depuis 2012, les gouvernements ont changé, mais les budgets n’ont pas progressé. Ils ont au contraire poursuivi leur baisse, y compris pour ces actions qui relèvent de la solidarité nationale.
Ainsi, depuis cette date, après deux années de gel des dotations et des concours financiers en direction des collectivités territoriales, nous vivons, en 2014, une première année de baisse de 1, 5 milliard d'euros. Celle-ci sera suivie, dès 2015 et pour trois ans, d’une baisse de 3, 7 milliards d'euros par an. Au total, ce seront près de 28 milliards d'euros de dotations que nos collectivités territoriales auront perdus d’ici à 2017.
Ces mesures s’ajouteront à toutes celles qui ont été prises depuis des décennies et qui n’ont fait que contraindre toujours plus les ressources financières de nos collectivités locales.
En effet, ce n’est pas d’aujourd’hui que des départements et des communes sont en difficultés. Les diverses mesures prises depuis plus de dix ans ont plongé de nouvelles collectivités dans la tourmente. Transferts de compétences insuffisamment compensés – revenu de solidarité active, prestation de compensation du handicap, allocation personnalisée d’autonomie, routes, personnel des lycées et collèges – et obligations nouvelles auxquels s’ajoute la réduction de leur autonomie fiscale, la tâche des élus n’a jamais été aussi difficile.
Dans leur immense majorité, les collectivités locales rencontrent des difficultés croissantes pour exercer leurs missions, dans une situation économique et sociale dégradée.
En effet, le chômage et la précarité, doublés du ralentissement économique et de désindustrialisation de nos territoires, ont particulièrement affecté les capacités d’interventions de nos institutions locales, en réduisant leurs ressources, alors que, partout, la demande sociale explose. Dans ce paysage dégradé, les élus locaux font le maximum pour tenter de répondre, malgré tout, aux attentes de leur population et aux besoins de leur territoire.
Aussi, je tiens à saluer leur engagement, alors que des médias, encouragés par certaines institutions financières, choisissent de dénigrer leur gestion, notamment en véhiculant les thèses les plus populistes. Ainsi, pour justifier l’ensemble des réformes appelées à bouleverser nos institutions locales et leur capacité d’interventions, il est aujourd’hui de bon ton de critiquer l’action des collectivités locales et de leurs élus, qui dépenseraient sans compter et refuseraient de réduire leurs dépenses, alors que, depuis des années, ils font ces efforts de maîtrise financière et ne sont en rien responsables de l’endettement de notre pays.
Quand les élus empruntent, c’est pour investir. Ils n’ont pas le droit de le faire pour payer les factures de fonctionnement. Quant aux efforts de maîtrise de la dépense – permettez-moi de le rappeler au Gouvernement –, les départements, depuis qu’ils sont chargés des allocations nationales de solidarité comme le RSA, ont dégagé sur leur propre budget près de 50 milliards d'euros pour faire face à des dépenses en forte progression, que les gouvernements successifs n’ont pas prises en charge.
Dans le même temps, ces différents gouvernements ont préféré réduire la pression fiscale sur les foyers les plus riches et sur les entreprises, en particulier les plus grosses. Ils ont réduit les ressources publiques au service de l’intérêt général, au profit de niches fiscales de toutes sortes pour satisfaire quelques appétits particuliers et réduire leur impôt.
Alors, oui, il faut le dire ici, les collectivités territoriales, leurs élus, n’ont pas de leçon à recevoir concernant la façon de gérer l’argent public. Toutefois, les restrictions que les élus vont devoir affronter les contraindront à réduire les investissements, à baisser les services à la population, tout en étant poussés à augmenter les impôts et les tarifs des services publics locaux. Les élus communistes refusent de s’engager dans cette voie désespérante et sans perspective.
Comme nous l’avons fait hier face à la droite, nous combattrons ces choix mortifères que vous nous proposez et qui ont conduit à accélérer la spirale du déclin partout où ils ont été mis en œuvre.
Aussi, pour toutes les raisons que je viens de rappeler, condamnant le désengagement renforcé de l’État au détriment des collectivités locales, le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission.