Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 2 décembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales inaugure une nouvelle ère de l’histoire du financement des politiques publiques locales.

La DGF a été construite en suivant la progression constante de la croissance économique, même modérée. Cette période est désormais révolue et il nous faut tourner la page en nous efforçant désormais de faire preuve de toujours plus d’ingéniosité face à la rareté de l’argent public local.

Il s’agit d’une nouvelle ère financière, mais également d’un nouvel acte administratif puisque, après avoir procédé à une réforme de la carte cantonale, le Gouvernement s’est attaqué à un redécoupage régional, certes hasardeux, mais qui a néanmoins été définitivement adopté. Il va bientôt composer une nouvelle carte intercommunale et effectuer une nouvelle répartition des compétences entre collectivités.

Ces bouleversements appelaient une réflexion sur les finances locales. Le Gouvernement a donc annoncé, dès l’automne 2013, une importante réforme de la DGF. Celle-ci devra prendre en compte à la fois la nouvelle carte administrative de notre pays, les dispositions qui seront votées dans le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, et les économies que l’État impose aux collectivités via ce pilotage de fait par la baisse de ses dotations.

Je ne reviendrai pas en détail sur cette baisse, mes collègues l’ayant déjà évoquée à cette tribune à l’instant et, en première partie, lors du débat sur les articles 9 et suivants du projet de loi de finances.

Un équilibre a été défini par le rapporteur général et la nouvelle majorité sénatoriale. Nous avons minoré la baisse de la DGF de 1, 4 milliard d’euros, non pas de manière arbitraire, mais afin de compenser les transferts de charges et les coûts induits par les normes édictées par l’administration depuis deux ans, y compris la réforme des rythmes scolaires.

La majorité sénatoriale ne conteste pas que les collectivités doivent participer à l’effort de redressement des comptes public et, à ce titre, accepter des baisses de leurs dotations. Il est naturel qu’elles y participent, mais dans une juste mesure. Ces baisses pourraient entraîner deux risques : un risque pour les taux – je pense aux taux d’imposition – et un risque pour l’investissement, ce qui aurait des conséquences malheureusement prévisibles, et attendues, sur l’économie et sur l’emploi.

Les sénateurs centristes estiment toutefois que les efforts fournis par les collectivités doivent être réalisés avec l’équité comme principe directeur.

Cette équité, incontournable pour que la réforme soit juste, bien comprise et donc efficace, vaut pour les relations entre l’État et les collectivités comme pour les relations entre les territoires entre eux. Ce point fera sans nul doute l’objet d’un important débat tout à l’heure.

À cet égard, l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » nous permet d’avoir aujourd'hui en séance publique un débat approfondi sur les modalités de la péréquation horizontale, soit la péréquation entre les collectivités, après le débat que nous avons eu lundi dernier sur la péréquation verticale.

Le groupe UDI-UC est favorable à la péréquation. Toutefois, la nouvelle ère introduite par la baisse de 1, 5 milliard d’euros des dotations l’an passé, puis de 3, 7 milliards cette année, dans la version du Gouvernement, a nécessairement un effet sur les équilibres définis jusqu’alors en matière de péréquation des richesses.

Pour dire les choses simplement, malgré le caractère technique de la matière, un certain nombre de collectivités craignent un effet de ciseaux, avec, d’un côté, la baisse de leurs dotations et, de l’autre, l’augmentation de leurs contributions aux fonds de péréquation. C’est, me direz-vous, la quadrature du cercle, et il nous faut composer avec cela.

Nous savons que ce phénomène est avéré pour toutes sortes de collectivités à tous les échelons. Nous savons aussi que les collectivités qui bénéficient des dotations sont celles qui ont a priori le moins de recettes, donc celles qui vivent le plus durement la baisse des dotations. On a donc ce double phénomène de contributeurs qui vivent plus difficilement leur contribution du fait de la baisse de leurs recettes et de bénéficiaires qui vivent d’autant plus difficilement la baisse de leurs dotations qu’ils ont besoin de cette ressource.

Le Sénat va devoir tenter de résoudre cette équation particulièrement difficile. Nous savons que c’est le bloc communal qui fournit l’exemple le plus éclairant de ces difficultés.

Nous faisons donc face à une véritable aporie financière : la péréquation est un outil de justice et d’équité territoriale, mais sa mise en œuvre effective, dans le contexte actuel d’incertitude financière, tend à bouleverser la manière dont de nombreuses collectivités la perçoivent.

La péréquation doit rester une contribution, elle ne doit pas devenir une sanction, comme c’est le cas pour un certain nombre de collectivités. Telle est la difficulté que pose un système de péréquation dans lequel les contributeurs et les bénéficiaires rencontrent parfois les mêmes difficultés.

Nous connaissons tous dans nos départements des communes qui sont à la fois contributeurs et bénéficiaires du FPIC. D’une année sur l’autre, les dispositions adoptées au cours de la navette parlementaire ont parfois d’importantes conséquences financières pour elles. Les dotations s’effondrent parfois quand la contribution au FPIC s’élève, alors que l’accès à la péréquation s’éloigne.

En tout état de cause, et c’est le message que je tenais à vous adresser, madame la ministre, il faudra mener parallèlement à la réforme de la DGF une réflexion sur les critères d’éligibilité aux différents fonds de péréquation. L’une ne va pas sans l’autre ; l’une ne peut pas aller sans l’autre.

Cette réforme, on le sait, prendra du temps. Nous savons tous ici à quel point il est difficile de mesurer l’impact d’une modification de la décimale d’un indice inscrit dans une formule de calcul du montant de la dotation de péréquation. Nous aboutissons parfois au résultat inverse de celui qui était escompté. Nous avons donc besoin de temps pour expertiser les voies possibles de réforme et c’est, je pense, la direction dans laquelle ont travaillé nos rapporteurs spéciaux, ainsi que Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail effectué par nos deux commissions.

Leurs positions divergent sur les crédits de la mission, mais un terrain d’entente pourrait être trouvé si nous convenions tous dans cet hémicycle que notre intérêt collectif est de ne pas brusquer les dynamiques actuellement engagées et de gagner du temps. Nous mesurons trop mal les effets qu’aura sur la composition des budgets locaux d’ici à la fin du mois de mars prochain la baisse de 3, 7 milliards d’euros des dotations – baisse réduite à 2, 4 milliards d’euros par le Sénat –, laquelle vient s’ajouter à la diminution de 1, 5 milliard d’euros que nous avons connue depuis 2013.

J’espère donc, mes chers collègues, que nous parviendrons à dépasser les clivages traditionnels qui opposent les groupes parlementaires entre eux, les élus des petites et des grandes communes, les représentants des collectivités prospères et ceux de celles qui le sont moins. De même, j’espère que nous saurons dépasser le clivage entre Paris et la province. Je rappelle volontiers ici que l’Ile-de-France connaît des situations très contrastées. Le maire d’une ville de banlieue bénéficiaire que je suis peut en témoigner.

J’espère également que nous parviendrons à trouver un consensus équilibré autour de la position de nos rapporteurs spéciaux, qui proposent de lisser la montée en charge du FPIC prévue l’année prochaine en modérant sa hausse, sans revenir sur les principes et les structures votés au Sénat en décembre 2011. Je pense que c’est une position de prudence qui nous permettrait de définir un calendrier de travail pour les prochains mois, et ce en respectant l’équité qui doit prévaloir entre nos territoires.

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