Intervention de Didier Mandelli

Réunion du 2 décembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

Photo de Didier MandelliDidier Mandelli :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en cette fin d’année, quels constats faisons-nous ? En 2014, l’investissement des collectivités locales a chuté de 7, 4 %, alors que, en 2013, on observait une hausse de 4, 8 %. Cette diminution est la plus significative depuis trente ans. On note, pour les communes dont la population est inférieure à 5 000 habitants, une baisse de 20 % des demandes de prêt par rapport à 2013. On a également constaté la plus importante chute de l’épargne brute des collectivités depuis 1982.

Le projet de loi de finances prévoit une baisse de 11 milliards d’euros en trois ans de la dotation de l’État aux collectivités territoriales. Dès 2015, les collectivités seront privées de 3, 7 milliards d’euros. De nombreuses voix s’élèvent parmi les élus pour dénoncer ce nouveau coup de rabot. Notre collègue François Baroin, président de l’Association des maires de France, a souligné qu’il existait un danger réel, à terme, pour les collectivités locales : « À l’horizon 2017, le risque est majeur pour beaucoup de communes de ne plus pouvoir s’autofinancer. » L’Association des régions de France estime quant à elle qu’il y a deux poids, deux mesures dans le traitement des collectivités locales : « Le Gouvernement en ne traitant pas la problématique financière des régions fait peser un risque global sur l’économie. » Enfin, l’Assemblée des communautés de France s’interroge sur la « soutenabilité » des efforts demandés aux exécutifs locaux et réitère son appel à une grande vigilance face aux risques d’effets récessifs causés par un effondrement de l’investissement public local.

Toutes sensibilités confondues, les acteurs sont unanimes pour dire que la baisse des dotations fragilise l’investissement public. Une étude du cabinet Klopfer estime que de 10 % à 15 % des communes et des départements seront dans une situation très difficile l’année prochaine. Or, nous le savons, si les collectivités ne sont plus en mesure d’investir, c’est la relance de l’économie qui est directement menacée.

Cette situation inquiétante aura rapidement des conséquences désastreuses pour l’emploi local. Les collectivités font souvent appel aux entreprises de leur territoire, pour lesquelles la commande publique représente une part importante du chiffre d'affaires. En conséquence, le secteur du bâtiment et des travaux publics va énormément souffrir. Dans mon département, la Vendée, 750 emplois sont menacés de disparition, en plus des 450 emplois déjà supprimés.

La baisse d’activité qui affectera tout le pays va également entraîner une réduction des recettes au titre des impôts sur l’activité économique et sur le revenu. Cette spirale négative a un effet anxiogène. Monsieur le secrétaire d'État, entendez-vous l’angoisse et l’incompréhension des élus locaux ?

Il est indéniable que les collectivités locales peuvent et doivent participer à l’effort de redressement des comptes publics, mais vous n’ignorez pas qu’elles font face à des charges nouvelles : la mise en place de la réforme des rythmes scolaires, les mises aux normes, la revalorisation récente des personnels de catégorie C…. À ce rythme, elles se trouveront bientôt dans l’obligation de réduire leur offre de services aux administrés et leurs investissements.

Quels sont les leviers dont disposent les collectivités pour compenser leurs pertes de recettes ? En matière de hausse de la fiscalité locale, on est arrivé à saturation. Seules les collectivités dont la population augmente – peu de communes rurales sont dans ce cas – pourront éventuellement accroître leurs ressources fiscales. L’autre levier est la mutualisation, mais ses effets sont limités : on évalue les économies potentielles à 2 % par an.

À cela s’ajoute l’impréparation de la réforme territoriale, qui crée un problème de lisibilité. Comment les départements pourraient-ils verser des subventions aux collectivités alors que leurs champs de compétence ne sont toujours pas clairement définis ?

Je souhaiterais enfin partager avec vous l’avis de Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental : il estime qu’il est temps que les dotations récompensent les comportements budgétaires vertueux.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, les 36 000 maires de France, les présidents d’exécutif local, les 500 000 élus qui sont les fantassins de la République sont ébranlés et doutent. Ils auraient pu, dans un esprit de responsabilité, être vos alliés objectifs ; c’est une occasion manquée. §

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