Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’indispensable redressement des comptes publics de notre nation et le pacte de stabilité, qui prévoit 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans, exigent de l’ensemble des acteurs publics – État, collectivités locales et organismes de sécurité sociale – un effort de maîtrise de leurs dépenses.
Dans ce cadre, très contraignant il est vrai, le niveau des dotations de l’État aux collectivités locales baissera de 11 milliards d'euros en trois ans, à raison de 3, 67 milliards d’euros par an. Pour l’année 2015, la baisse est répartie entre les différents niveaux de collectivités selon leur poids dans les recettes totales : 2, 07 milliards d'euros pour le bloc communal, 1, 1 milliard d'euros pour les départements et 451 millions d'euros pour les régions.
L’effort de 11 milliards d'euros que nous demandons aux collectivités est très important – personne ne songe à le sous-estimer, pas plus au Gouvernement qu’au Sénat –, mais il est équitable, au regard des autres acteurs publics, car il est à la hauteur de leur part dans la dépense publique globale, à savoir 21 %, soit 250 milliards d'euros sur 1 250 milliards d'euros.
Cet effort représente en moyenne 1, 6 % des recettes totales des collectivités en 2013. Certes, ce n’est pas neutre, je viens de le dire, mais ce n’est pas non plus l’étranglement que certains veulent bien décrire.
J’ajoute que les collectivités les plus fragiles seront préservées grâce au renforcement de la péréquation, c'est-à-dire de la solidarité. Le Gouvernement propose de doubler la hausse de l’effort de péréquation en 2015 par rapport à 2014. Cela représente un surcroît de péréquation verticale de 208 millions d'euros pour le bloc communal et de 20 millions d'euros pour les départements.
Les recettes globales des collectivités devraient continuer à croître en 2015 malgré la baisse des dotations de l’État, du fait notamment de la revalorisation de 0, 9 % des bases fiscales. Cela représente 1 milliard d'euros supplémentaires. Il faut aussi tenir compte de l’augmentation du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, qui, selon les derniers chiffres disponibles, devrait atteindre 2, 7 % ; le bloc communal perçoit un quart de ce produit.
Les mesures relatives au Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, à savoir la suppression de la réfaction de 0, 905 point et surtout la sortie de l’augmentation du FCTVA de l’enveloppe normée en 2015, représentent, quant à elles, respectivement 26 millions d'euros et 166 millions d'euros, soit 192 millions d'euros au total.
Nous proposons également de pérenniser la possibilité, pour les départements, d’augmenter les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, ce qui devrait engendrer 130 millions d'euros de recettes supplémentaires. La revalorisation du barème de la taxe de séjour pourrait quant à elle rapporter 150 millions d'euros supplémentaires aux communes.
J’ai souhaité non pas relativiser la baisse des dotations de l’État, mais la resituer dans un contexte plus général, en rappelant de nouveau que le Gouvernement est bien conscient des efforts qu’il demande aux collectivités.
Quelle sera l’incidence de la baisse des dotations sur l’investissement ? La grande question est là. Certains redoutent une chute des investissements publics locaux, qui représentent environ 70 % de l’investissement public en France.
Selon le rapport de 2014 de l’Observatoire des finances locales, les dépenses d’investissement des collectivités locales, hors remboursement de dettes, se sont établies à 58 milliards d'euros en 2013, en progression de 5, 4 % par rapport à 2012. Après avoir chuté en 2010 à la suite de la crise, le niveau des dépenses d’équipement poursuit ainsi sa tendance à la hausse amorcée en 2011.
Cet effort d’investissement est largement porté par le secteur communal, qui représente de 65 % à 70 % de l’investissement local, en partie du fait du cycle électoral. Ce cycle, que l’on observe depuis des décennies, pourrait conduire à une baisse de l’investissement communal de 9 % en 2014 et de 4 % en 2015. En effet, de nombreuses équipes municipales reconduites par les électeurs avaient beaucoup investi au cours de l’année précédant les élections, et ont donc moins besoin d’investir aujourd'hui. Quant aux équipes nouvellement élues, elles doivent se mettre en place avant de lancer leurs plans d’investissement.
Le Gouvernement a inscrit dans ce projet de loi de finances plusieurs mesures en faveur de l’investissement local.
Il s’agit d’abord de la suppression de la réfaction de 0, 905 point appliquée depuis de nombreuses années dans le calcul du remboursement du FCTVA : le taux passe donc de 15, 482 % à 16, 404 %, ce qui représentera 26 millions d'euros supplémentaires en 2015 et plus de 300 millions d'euros par an à compter de 2016.
Il s’agit ensuite de la prise en charge hors enveloppe normée de l’évolution spontanée du FCTVA en 2015 ; cela signifie que 166 millions d'euros ne seront pas compensés par une baisse de même montant des concours financiers de l’État.
Enfin, le Premier ministre a annoncé la semaine dernière, devant le congrès de l’Association des maires de France, l’augmentation de 200 millions d'euros de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, et de 100 millions d'euros de l’aide aux maires bâtisseurs, ce qui représente 2 000 euros de plus par logement construit. Deux amendements du Gouvernement permettront d’intégrer ces mesures au projet de loi de finances.
S'agissant de la réforme des rythmes scolaires, le Premier ministre a annoncé, toujours devant le congrès de l’Association des maires de France, la pérennisation de l’aide de 400 millions d'euros visant à faciliter la prise en charge des nouvelles activités périscolaires au-delà de l’année 2015-2016, sous réserve de la signature d’un plan éducatif territorial. Cette aide de l’État représente 50 euros par élève, et même 90 euros dans les communes défavorisées.
La réforme de la dotation globale de fonctionnement devrait intervenir dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. Il nous reste donc un peu moins d’un an pour la préparer. Dès 2015, le Gouvernement propose de consolider les différentes composantes de la dotation forfaitaire des communes et de celle des départements. Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une réforme de la DGF, mais d’une mesure de simplification, qui répond aux deux objectifs suivants.
Le premier objectif est de clarifier la répartition de la dotation entre les collectivités, en limitant le nombre d’étapes de calcul et en utilisant des critères simples et objectifs : pour les communes, l’accroissement de la population, le potentiel fiscal et les recettes réelles de fonctionnement ; pour les départements, le revenu par habitant et le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Le second objectif est d’améliorer l’équité de la répartition de la dotation. Pour les communes, les nouveaux emplois de la DGF étaient financés jusque-là par un écrêtement interne à cette dotation portant sur deux composantes, le complément de garantie et la dotation de compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle. À compter de 2015, la consolidation de la dotation forfaitaire, qui sera écrêtée pour financer les emplois internes à la DGF, permettra d’élargir l’assiette de la contribution, indépendamment du poids de telle ou telle composante historique de la dotation forfaitaire. Toutefois, la contribution de chaque commune sera plafonnée à 3 % de sa dotation forfaitaire, aux termes du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, de façon à éviter un prélèvement trop élevé. Pour les départements, le fait de réaliser l’écrêtement sur une assiette plus large, à savoir la dotation dans son ensemble, permettra à la fois de mieux répartir l’effort entre collectivités et d’en diminuer le taux.
La réforme de la DGF, qui s’inscrira dans le projet de loi de finances pour 2016, sera préparée tout au long de l’année 2015. Elle s’appuiera notamment sur les travaux d’une mission parlementaire. Mme Pires-Beaune a été désignée par l’Assemblée nationale ; nous attendons la nomination d’un sénateur. Nous devrons proposer ensemble une réforme qui soit cohérente avec nos grands objectifs : davantage de péréquation, c'est-à-dire de solidarité, une meilleure incitation à la mutualisation des moyens, une lisibilité et une prévisibilité des attributions maintenues pour les collectivités locales.
Monsieur Patient, vous vous êtes exprimé sur la réforme de la DGF. Pourquoi ne pas étudier, par exemple au sein d’un groupe du Comité des finances locales, le CFL, dédié à cette réforme, l’idée d’introduire de la péréquation dans la répartition de la quote-part DSU-DSR outre-mer ? Cette quote-part, la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer, la DACOM, est actuellement répartie en fonction du nombre d’habitants, et non en fonction de critères de ressources et de charges, comme c’est normalement le cas pour les dotations de péréquation.
J’ajoute que le projet de loi de finances prévoit que le Gouvernement rendra l’an prochain un rapport sur le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC. La préparation de ce rapport sera l’occasion d’examiner la répartition de la quote-part et de comparer ses effets à ceux qu’aurait l’application du droit commun dans les outre-mer.
La proposition de modifier la redevance des mines pour aller vers un taux variable en fonction des cours de l’or mérite quant à elle un examen approfondi, en lien avec le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
S'agissant toujours de l’outre-mer, je veux vous rappeler, monsieur Patient, que la baisse de la DGF votée par l’Assemblée nationale est ramenée à 0, 61 % des recettes totales pour les régions d’outre-mer, contre 1, 91 % pour les régions de métropole ; elle représente 4, 6 euros par habitant dans les outre-mer, contre 7 euros par habitant en métropole.
Concernant la majoration de 200 millions d’euros de la DETR, elle pourrait profiter à l’outre-mer à hauteur de 3, 6 millions d’euros, contre 2 millions d’euros cette année.
Enfin, le budget du ministère des outre-mer augmente de 7, 6 % sur le triennal, le taux du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, est majoré outre-mer et les crédits alloués par l’État au titre des contrats de plan État-région, qui atteindront 980 millions d’euros sur la période 2015-2020, progressent de 180 millions d’euros.
Nous le mesurons tous, l’effort demandé aux collectivités locales est important. Je sais que vous êtes, sur toutes les travées, en alerte, car sollicités par les maires et les conseillers généraux, les inquiétudes étant un peu moins fortes au sein des exécutifs régionaux. J’espère vous avoir démontré que le Gouvernement est attentif à vos préoccupations.
Des mesures nouvelles ont été annoncées par le Premier ministre la semaine dernière lors du congrès des maires. L’effort de redressement qui s’impose à tous – collectivités locales, État et organismes de sécurité sociale – exige la maîtrise des dépenses publiques, notamment en matière de fonctionnement. Comme vous, je relève que les choses bougent beaucoup sur nos territoires et que les élus sont capables d’une grande créativité. Les mutualisations se multiplient, par exemple entre le département du Loiret, monsieur Doligé, et ceux d’Eure-et-Loir et du Loir-et-Cher, ou entre le département de la Drôme, monsieur Guillaume, et celui de l’Ardèche. Au titre des initiatives prises par les intercommunalités et les communes, j’évoquerai aussi les communes nouvelles, chères au sénateur Mercier.
Au nom du Gouvernement, je salue les efforts considérables de rigueur et de maîtrise des dépenses consentis par les élus locaux.