Intervention de Hael Al Fahoum

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 décembre 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Hael Al fahoum ambassadeur chef de la mission de palestine en france

Hael Al Fahoum, ambassadeur, chef de la mission de Palestine en France :

Oui, l'Etat palestinien est viable. Ce projet d'identité politique du peuple palestinien a un potentiel humain énorme, reconnu par tous. Je parle bien sûr d'un Etat continu, pas en morceaux ; c'est indispensable. Avec la colonisation, avec la condition posée par les Israéliens de maintenir leurs forces dans la vallée du Jourdain, dans les terres agricoles les plus riches représentant 40% de son territoire, que reste-t-il de la Palestine ? Je parle d'un Etat dans les frontières de 1967, moyennant quelques échanges de territoires. Alors, nous pourrons construire une coopération économique, comme ce que j'avais proposé dans les années 1980 - tout le monde se moquait de moi : un Benelux entre Jordanie, Palestine et Israël, avec une valeur ajoutée gigantesque, non seulement pour les trois pays, mais pour le monde entier. La Palestine peut devenir un centre de distribution régional, grâce à la qualité de ses ressources humaines.

Ce que vit le peuple palestinien le pousse au désespoir ; les désespérés, sans solution sur terre, la cherchent dans le ciel. Quoi de mieux pour isoler les positions violentes que de donner de l'espoir ? Comme l'a dit Mahmoud Darwich, il y a sur cette terre de quoi aimer la vie - il n'a pas dit : de quoi aimer la mort ! Ce n'est pas facile de continuer à aimer la vie dans les conditions où vivent nos familles. Si un espoir est permis, toute démarche extrémiste sera écartée par le peuple palestinien, pas par le gouvernement. Rappelez-vous Oslo : ce n'était pas un accord idéal, mais tout le peuple avait présenté des branches d'olivier à l'armée israélienne, qui l'avait pourtant opprimé pendant la première intifada.

C'est l'OLP, représentant politique du peuple palestinien, et non le Fatah, qui a reconnu Israël par un accord de reconnaissance mutuelle signé par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin - après la reconnaissance indirecte que constituait la proclamation de l'indépendance palestinienne dans les frontières de 1967 en 1988. Ce sont les Etats qui se reconnaissent, pas les partis politiques. Lorsque nous avons négocié la mise en place d'un gouvernement de réconciliation nationale, la première condition pour y participer était de respecter tous les engagements de l'OLP. J'ai ainsi le compte-rendu des contacts à Qatar entre Mahmoud Abbas et Khaled Mechaal, qui montre que le Hamas lui-même accepte la création de l'Etat palestinien dans les frontières de 1967. Il faudrait maintenant que le Hamas reconnaisse Israël... Allez donc voir la charte du Likoud : vous y trouverez la négation totale de toute identité palestinienne sur notre terre. L'OLP a annulé la charte proclamant l'Etat sur toute la Palestine historique, pendant la visite du Président Arafat à Paris, compromis historique oeuvre d'un chef historique.

Nous avons le courage de prendre ces décisions. Un homme d'Etat sait prendre des décisions courageuses, même au risque de perdre le soutien de son opinion publique, s'il agit pour les générations futures. Un haut responsable américain a parlé avec raison de la lâcheté de Benyamin Netanyahou, qui ne sait pas prendre de décision cruciale dans le sens de la paix, craignant la perte d'un peu de popularité. La société israélienne ne connaît pas le peuple palestinien, à cause d'une certaine forme de manipulation extrémiste. J'essaie de communiquer avec le peuple israélien pour qu'il découvre le peuple palestinien, intelligent, ayant soif de paix. Nous luttons contre la manipulation qui est aussi à l'oeuvre chez nous, en développant une stratégie d'action, qui préfère le réel au virtuel. Nous gagnons du terrain chez nous, ce qui n'est pas le cas en Israël, hélas, même si sept-cents personnalités israéliennes ont appelé publiquement les Palestiniens leurs frères ; je les appelle aussi nos frères ! Nous sommes condamnés à vivre ensemble.

La première condition posée par le Président Mahmoud Abbas au Hamas a été l'absence d'un quelconque droit de veto ou possibilité de dénoncer un accord signé. Nous avons condamné toute action violente des deux parties. C'est l'agression israélienne qui alimente les groupes extrémistes, pas nous. Au contraire, nous sommes en porte à faux vis-à-vis de notre opinion publique, qui nous dit : cela fait vingt ans que vous négociez, sans rien apporter aux Palestiniens ! Il faut lui apporter des preuves : les gens veulent sentir, toucher, goûter... Les paroles ne suffisent pas !

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