Merci de me donner l'opportunité de traiter d'une question aussi importante pour Israël, pour la France et pour le futur du Moyen-Orient, comme pour nos relations bilatérales. J'ai toujours apprécié la manière pleinement responsable avec laquelle nos deux démocraties ont mené leurs relations, comme j'apprécie qu'avant de prendre votre décision, vous ayez convié les parties concernées, afin de connaître leurs positions à la source - j'aurais aimé qu'il en ait été de même à l'Assemblée nationale.
Je ne suis pas venu lancer une polémique, ni même débattre avec qui que ce soit, mais pour faire appel à votre sagesse, à votre sens des responsabilités. J'ai le plus profond respect pour vos points de vue, même critiques : les divergences d'opinion sont naturelles entre alliés. Il en existe même parmi les partis représentés ici. Je viens le coeur lourd de préoccupations pour l'impact négatif d'une telle résolution. Je suis venu au nom de la raison et de la modération, au nom des valeurs communes à toutes les démocraties.
Quel Etat palestinien vous demande-t-on de reconnaître ? Celui du Hamas, qui appelle à un Etat selon les frontières de 1948 en lieu et place de l'Etat d'Israël ? Ce Hamas, qui est reconnu en France comme une organisation terroriste, qui promet l'extermination des Juifs. Est-ce celui des Hooligans qui crient « Mort aux Juifs ! » dans les rues de votre capitale ? Celui d'Abou Mazen, qui contrôle à peine la moitié du peuple palestinien dans les frontières de 1967 ? Ou celui qui résulterait de négociations directes entre les deux parties ?
Quelle est la sagesse d'un acte unilatéral ? Le Quartet, dont la France fait partie en sa qualité de membre de l'Union européenne, a déclaré : « tout acte unilatéral ne préjugera en rien du résultat des négociations et ne sera pas reconnu par la communauté internationale ». La France doit-elle jouer ainsi une partie d'échecs contre elle-même ? Pourra-t-elle ensuite jouer un rôle de médiateur ?
Le moment est-il propice ? Le Moyen-Orient tout entier est en flammes, Israël est sous l'emprise d'une vague de terreur - et je remercie celles et ceux qui ont partagé avec nous leur chagrin après le massacre barbare perpétré dans la synagogue de Jérusalem.
Alors qu'il n'a aucun rapport avec le conflit israélo-palestinien, le tremblement de terre qui secoue le Moyen-Orient est largement orienté contre Israël, les Juifs et nos valeurs communes. L'Iran poursuit sa course à l'armement nucléaire, il continue à financer le terrorisme international et appelle ouvertement à la destruction d'Israël. La Syrie continue à assassiner sans relâche ses citoyens : plus de 200 000 Syriens innocents ont été massacrés, et des millions de réfugiés affluent vers la Jordanie et le Liban. Contre ce carnage, je n'ai vu aucune manifestation de masse à Paris... Daech défie le monde, poursuit ses exécutions horribles et occupe de plus en plus de territoires en Irak et en Syrie. La terreur réapparaît partout ; en Israël, en quelques semaines, onze personnes ont été victimes d'attaques terroristes : c'est plus qu'au cours des deux dernières années. Al-Qaïda et le djihad mondial s'amassent tout au long de notre frontière nord et tentent de nous impliquer dans le bourbier syrien. De jeunes Européens se précipitent en masse dans les organisations terroristes. Que se passe-t-il lorsqu'ils reviennent en Europe ? Nous avons vu ce qui s'est produit à Bruxelles, une attaque terroriste contre le musée juif. Nous l'avions déjà vu à Montauban et à Toulouse : les incidents antisémites se multiplient sur le sol français. Le Hezbollah continue à développer son arsenal militaire : cent mille missiles sont à présent pointés sur Israël. Alors qu'il est reconnu par la France comme une organisation terroriste, il a annoncé avoir reçu de l'Iran des missiles à longue portée. Le Hamas ne renonce pas à son rêve de détruire Israël et poursuit la construction de son « Hamastan », qui est un mélange d'Iran et d'Etat islamique aux portes de mon pays. Le chef de l'Autorité palestinienne a rendu hommage sans sourciller à l'auteur de l'attentat terroriste du 29 octobre à Jérusalem, Mouataz Hijazy, le qualifiant de héros dans une lettre à sa famille publiée par la presse officielle palestinienne. Il l'y appelle même martyr et qualifie Israël d'Etat terroriste ! Les terroristes d'Ansar Beït Al-Maqdess, très actif dans le Sinaï, ont rallié Daech, ce qui rapproche encore ce monstre de nous : ils ont déclaré qu'Israël et l'Egypte étaient leurs ennemis.
Dans ce contexte, vous paraît-il juste de faire porter toute la pression sur nous et de donner carte blanche à l'autre côté ? Croyez-vous que ce vote aura un effet positif ? Ne compliquera-t-il pas, plutôt, la situation ? Nous rapprochera-t-il de la paix ou en éloignera-t-il la possibilité ? La réponse est claire : cette initiative est irresponsable. Le moment est mal choisi, le message est erroné et n'a aucun rapport avec la solution à deux Etats.
Comme le vote d'hier, cette initiative en faveur d'une reconnaissance unilatérale de l'Etat palestinien sans négociations, sans conditions, est mauvaise pour la diplomatie de la France, pour Israël, pour les citoyens de confession juive vivant en France et pour la communauté musulmane modérée qui y vit. Elle est surtout contreproductive pour les intérêts palestiniens et pour la paix au Proche-Orient.
La France est à la fois l'amie d'Israël et des Palestiniens. Jusqu'à présent, elle a réussi à obtenir l'écoute et la confiance des deux parties pour peser favorablement sur les modalités d'une résolution juste, négociée et acceptée par les deux acteurs. Elle est aussi confrontée, comme Israël, à la menace terroriste. Elle devrait rester impartiale dans la résolution de ce conflit. Lorsque la Suède a engagé cette initiative, Israël a rappelé son ambassadeur pour une durée indéterminée. Cette mesure diplomatique importante montre combien le sujet sensible chez nous. Le ministre des affaires étrangères, M. Fabius, a rappelé l'ambition de la France de jouer un rôle dans la région. Allez-vous vous opposer aux projets de votre propre gouvernement ?
Une telle reconnaissance ne ferait qu'exacerber les tensions et risquerait d'encourager un nouveau cycle de violence en Israël et en France. Dans notre région, le risque d'une explosion incontrôlée de la violence existe. Déjà, nous déplorons de très nombreux attentats, commis par des moyens barbares, à la hache, au couteau ou à la voiture-bélier, et que le Hamas salue. Je remercie votre Président de la République et votre Premier ministre pour leurs déclarations si fortes après le carnage que nous avons connu à Jérusalem. Une reconnaissance unilatérale de l'Etat palestinien ne résoudra aucun des dossiers actuels : la question de Jérusalem, celle des frontières, des implantations, la sécurité... Alors que les Palestiniens sont divisés politiquement entre une moitié régie par les terroristes du Hamas et l'autre sous l'Autorité palestinienne qui n'hésite pas à rendre hommage aux terroristes, une reconnaissance théorique par les élus français ne fera que compliquer le processus diplomatique.
Ne faisons pas croire aux Français que les Israéliens ne souhaitent pas la paix. Nous souhaitons une paix juste et durable qui nous apporte la sécurité, à nous comme à nos voisins. Les terroristes du Hamas, qui font partie de la coalition gouvernementale palestinienne, ont salué en des termes abjects, et même revendiqué, des attentats perpétrés chez nous. Cette résolution aura l'effet contraire à celui que souhaitent tous ceux qui sont attachés à la paix : au lieu d'encourager un retour aux négociations, elle ôtera toute bonne foi aux acteurs en encourageant les Palestiniens à adopter des positions plus dures. Elle ne fera pas évoluer la situation sur le terrain et mettra en péril la coopération israélo-palestinienne en matière d'économie et de sécurité, grâce à laquelle la Cisjordanie a connu une croissance sans précédent et les territoires placés sous le contrôle de l'Autorité palestinienne, un calme relatif.
Il est clair que cette initiative serait contre-productive, irresponsable. Elle découragerait les partisans de la paix en éloignant la possibilité de parvenir à un accord. La seule solution au conflit est d'instaurer des pourparlers directs et honnêtes entre les deux parties. Le porte-parole du ministère français des affaires étrangères l'a dit lui-même : « Seule une solution négociée permettra de mettre un terme au conflit. » Nous devons donc nous mobiliser pour faire redémarrer le processus de paix. Le Premier ministre israélien a déclaré à l'ONU en 2012 que les Palestiniens devraient d'abord faire la paix avec Israël avant d'obtenir un Etat. Dès qu'un tel accord aura été signé, Israël sera le premier à accueillir un Etat palestinien à l'ONU.
Vous devriez plutôt utiliser votre voix pour convaincre l'Autorité palestinienne de renoncer à son alliance avec le terrorisme du Hamas et de reprendre le chemin des négociations. Rassemblons le peuple qui aime la paix, juif, musulman et chrétien ; travaillons avec le camp modéré (Egypte, Arabie Saoudite, Jordanie et Etats du Golfe) à réduire le fanatisme qui envahit notre région. Il n'y a pas d'alternative aux négociations directes, à une paix réelle et négociée, à la lutte contre la terreur.