Intervention de Éliane Assassi

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 décembre 2014 : 1ère réunion
Expression des auteurs des propositions de résolution

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Le groupe CRC a déposé une proposition de résolution sur la reconnaissance par la France d'un Etat palestinien, qui a été inscrite par la conférence des présidents du 5 novembre dernier à l'ordre du jour du 11 décembre prochain. Constatant l'échec du processus d'Oslo et des négociations bilatérales, nous proposons une démarche nouvelle pour résoudre ce conflit vieux de soixante-dix ans : le statu quo n'est plus acceptable et nous devons sortir les Israéliens et Palestiniens du face-à-face sans issue dans lequel ils sont confinés. Cela requiert une intervention ferme de la communauté internationale. Nous souhaitons la reconnaissance d'un Etat palestinien depuis des décennies.

En adoptant notre résolution, le Sénat affirmerait « solennellement son attachement au principe d'un Etat palestinien viable, vivant en paix et en sécurité aux côtés de l'Etat d'Israël » et exprimerait « le souhait que la France reconnaisse l'Etat palestinien souverain et démocratique sur la base des lignes de 1967, avec Jérusalem comme capitale des deux Etats. » Il inviterait la France « à tout mettre en oeuvre pour faire aboutir sur le terrain la solution négociée de deux Etats indépendants contigus. »

Le processus d'Oslo était trop complexe et il y manquait un contrôle international. Le fossé était déjà trop profond. Il faut à présent imposer fortement une contrainte extérieure. La guerre qu'a menée au mois de juillet le gouvernement israélien contre la population de Gaza et les tensions provoquées à Jérusalem-Est par la poursuite de la colonisation rendent encore plus urgente la nécessité de trouver enfin une solution politique et diplomatique.

La répartition actuelle des territoires est le résultat de guerres antérieures entre Israël et trois pays arabes. Mais la situation actuelle découle de l'occupation par Israël d'une grande partie des territoires palestiniens et de la provocation permanente que constitue la poursuite d'une politique d'implantation de colonies sur ces territoires. Cette politique est l'un des principaux obstacles à la mise en oeuvre de la solution à deux Etats, puisqu'elle ampute et morcelle le territoire d'un futur Etat palestinien, dont la viabilité devient de plus en plus aléatoire. C'est parce qu'il est opposé à la solution à deux Etats que l'actuel gouvernement israélien multiplie les implantations dans les territoires palestiniens. Les dirigeants israéliens ne cherchent pas à préserver un quelconque statu quo territorial, ils le modifient par la force pour décourager par avance toute tentative de négociation.

Si une solution politique n'était pas rapidement élaborée, ces deux peuples se dirigeraient inéluctablement vers une autre guerre à Gaza et vers une nouvelle Intifada dans les territoires occupés. Une explosion de violence incontrôlée n'est dans l'intérêt de personne.

La solution existe : c'est la coexistence de deux Etats dans les frontières résultant de la guerre de 1967, avec Jérusalem comme capitale partagée. Il revient à la communauté internationale de prendre ses responsabilités pour faire respecter les nombreuses résolutions de l'ONU. La première d'entre elles date de 1947 : il s'agissait d'un plan de partage de la Palestine, alors sous mandat britannique, qui prévoyait expressément la création de deux Etats. Sans une pression politique extérieure, il ne pourra pas y avoir de paix entre les Israéliens et les Palestiniens. Le principal instrument de pression, c'est la reconnaissance symbolique, pays après pays, du principe et de la nécessité d'un Etat palestinien coexistant avec Israël. Les conditions fixées pour cela par le droit international sont largement réunies : un peuple, un territoire et un gouvernement, même s'il est faible et contesté par une partie de la population. Si un Etat palestinien était internationalement reconnu, les négociations pourraient reprendre sur ses frontières, sur sa configuration, sur son caractère même.

Cette reconnaissance changerait la nature des négociations, puisqu'elle rendrait illégale l'occupation de portions de territoires d'un Etat qui serait souverain. Je ne pense pas que cette proposition de résolution puisse gêner les initiatives diplomatiques du gouvernement. Nous approuvons d'ailleurs la proposition de tenir une conférence internationale chargée d'encadrer la reprise des négociations de paix. Mais l'engagement pris par le ministre des affaires étrangères de ne reconnaître un Etat palestinien que dans le cas où les négociations n'aboutiraient pas nous semble de nature à repousser encore cette reconnaissance, quand il faut, au contraire, presser le pas. Nous nous félicitons du vote historique des députés. Il revient à présent au Sénat de consacrer l'engagement du Parlement français tout entier pour la reconnaissance d'un Etat palestinien. Cela viendrait en soutien à la résolution que déposera Mahmoud Abbas devant le Conseil de sécurité des Nations unies, appelant à un retrait israélien complet des territoires palestiniens occupés depuis 1967.

Reconnaître l'Etat palestinien n'est ni une faveur ni un instrument politique. C'est faire valoir un droit et réparer une injustice. Cela redonnerait espoir à la jeunesse palestinienne, qui n'aurait plus comme seul avenir que les frustrations, les humiliations, la pauvreté qu'impose la vie dans un pays occupé par une armée étrangère. Cela soutiendrait, en Israël, ceux qui veulent vivre en paix et en sécurité et qui ont compris que, sans l'Etat palestinien, c'est l'avenir même de leur pays qui est compromis.

Ce qui fut un rêve pendant des décennies peut devenir réalité. Donnons une chance à la paix ! Nous ne sommes pas les seuls à porter cette exigence : nombre de nos concitoyens la partagent et se mobilisent pour la reconnaissance d'un Etat palestinien. Et, s'il faut nous rassembler pour adopter cette proposition de résolution, nous y sommes favorables.

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