Intervention de Marylise Lebranchu

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 25 novembre 2014 : 1ère réunion
Audition de Mme Marylise Lebranchu ministre de la réforme de l'état de la décentralisation et de la fonction publique et de M. André Vallini secrétaire d'état chargé de la réforme territoriale

Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Fonction publique :

Je vous remercie, Monsieur le Président. André Vallini va tout faire pour nous rejoindre le plus rapidement possible. J'ai été préalablement entendue avec lui par la commission des Lois pour présenter les axes majeurs du projet de loi NOTRe. Je ne reviens pas sur l'expérience du premier projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM), même si nous pourrons en parler en abordant le dossier du Grand Paris, qui est extrêmement intéressant pour l'ensemble des 36 000 communes de France. En effet, les maires de toutes ces communes sont naturellement intéressés par la métropole du Grand Paris.

Nous avons créé, avec l'aide du Sénat, la conférence territoriale de l'action publique. Je la cite de nouveau car elle signifie la reconnaissance par l'État de la diversité des territoires et la confiance que nous faisons aux élus, y compris pour opérer des délégations expérimentales de compétence. Cet outil doit permettre aux différentes strates de collectivités territoriales d'interagir.

Par exemple, les collèges, qui relèvent actuellement de la compétence des départements, pourraient être transférés aux régions, comme nous l'avons écrit dans le texte. Une région qui aurait la compétence sur les collèges pourrait subdéléguer la gestion des lycées et collèges à un département ou une métropole. La situation peut différer selon les territoires à condition de passer par la conférence territoriale de l'action publique qui permet d'assurer la transparence des situations. Forts de cette conférence territoriale de l'action publique, nous proposons - ce qui a fait débat - de supprimer la clause générale de compétence pour les départements et les régions dans la mesure où la conférence territoriale permet de rechercher la coordination des compétences. L'objectif consiste à clarifier l'ensemble des compétences de chaque niveau, le bloc communal conservant seul la clause générale.

Le contenu majeur du projet de loi NOTRe porte sur le renforcement des compétences des régions. Vous avez assisté au débat organisé le 8 janvier 2014 au Sénat sur le rapport Krattinger-Raffarin. Ce document présentait un certain nombre d'hypothèses, notamment la possibilité de limiter le nombre des régions à sept ou huit et d'envisager l'éventualité d'une évolution des départements. Nous évoluons aujourd'hui dans ce cadre. Avant d'en venir à la question récurrente des départements, l'essentiel est bien la compétence économique et le redressement du pays. Ce sujet est lié à ceux de l'enseignement supérieur et de la formation permanente. Les régions renforcées seront les seules en droit de porter les aides directes aux entreprises, à pouvoir entrer au capital d'entreprises en difficulté ou en croissance, et à porter des garanties avec la Banque publique d'investissement (BPI), la Banque européenne d'investissement (BEI) ou un système bancaire plus complexe, par exemple à partir d'OSEO.

Les régions deviennent ainsi responsables en matière de développement économique, d'enseignement supérieur, de recherche, d'innovation et d'internationalisation des entreprises ; elles élaborent en outre le schéma régional d'aménagement du territoire, des mobilités et du développement durable. Nous avons constaté, en interrogeant de nombreux élus lors de la préparation de ces textes, que les régions étaient mobilisées sur un grand nombre de schémas peu utilisés du fait qu'ils ne sont pas opposables. Il est important que le schéma d'aménagement du territoire et des infrastructures soit opposable au schéma de cohérence territoriale (SCOT). Il faudra naturellement discuter des régimes transitoires. Le schéma sera opposable au SCOT, mais il devrait aussi l'être de manière plus positive. Le schéma régional des infrastructures dans le cadre de l'aménagement du territoire devra comporter par exemple un pôle Gares, du fait qu'un train à grande vitesse implique l'intermodalité.

Nous avons proposé que la compétence transport, interurbain et scolaire revienne à la région pour qu'il y ait une seule autorité organisatrice des transports. Les régions expriment leur intérêt pour une cohérence totale entre tous les modes de transport. J'ai la chance d'aller demain en Normandie pour prendre connaissance d'une innovation de politique publique territoriale où le bus, le train et le tramway seront sur un ticket unique de transport pour l'usager. Il convient d'éviter autant que possible le doublon entre une ligne de TER et une ligne de car, et d'engager des discussions porteuses de simplification, d'efficacité et d'économie d'échelle.

De la même manière, les cités scolaires s'interrogent beaucoup parce que les personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) ou non enseignants dépendent de trois niveaux : la région, le département et l'État, ce qui soulève un certain nombre de difficultés. Il serait bon de rattacher ces cités à une seule collectivité territoriale. Cette compétence peut être subdéléguée ou non à un autre échelon, département, intercommunalité ou métropole, puisque nous sommes essentiellement attachés à l'efficacité et à une simplification de la gestion du personnel, notamment sur la question du remplacement.

L'animation des pôles de compétitivité est confiée aux métropoles. Je discute actuellement avec le Premier ministre pour donner une mission à un ancien élu sur le sujet. Cette mission pragmatique viserait à clarifier la relation entre régions et métropoles sur les pôles de compétitivité et les transferts de technologie. Ce ne serait pas de l'ordre de la loi, mais du code de bonne conduite.

Les pouvoirs réglementaires figureront dans le projet de loi à l'aune de ce que nous avons connu avec la Corse. Quarante-deux demandes d'adaptation locale ont été formulées auprès de l'État. Aucune n'a reçu de réponse positive. Nous en avons identifié deux aujourd'hui. M. Bizet a lancé le sujet de l'adaptation de l'urbanisme du littoral. Nous sommes favorables à la densification des bourgs ruraux, littoraux et des petites villes pour éviter de livrer chaque année à l'urbanisation de très vastes surfaces. Il est fondamental de protéger les surfaces agricoles et l'environnement.

Le renforcement des intercommunalités suppose de rationaliser les syndicats de communes. Leur budget s'élève à 17 milliards d'euros de budget, pour 9 milliards d'euros de frais de fonctionnement. Des économies importantes doivent être réalisées en termes de gestion. Ces syndicats sont essentiellement appelés à un rôle d'investissement, même si le ramassage des ordures ménagères fait souvent partie aussi de leurs compétences.

Nous voulons diminuer le nombre de syndicats intercommunaux, même si la réalisation de cette ambition ne passera pas par une prescription législative. Nous fixerons un délai pour cette évolution. Le texte reste indicatif et non opposable.

Pour les intercommunalités, l'objectif est un seuil maximal de 20 000 habitants, avec des dérogations fondées sur la densité démographique et la distance entre le « chef-lieu » de l'intercommunalité et les points extérieurs. En effet, la durée de transport au sein de l'intercommunalité ne doit pas être excessive. Pour cette raison, le temps de déplacement serait un critère plus pertinent que le kilométrage.

Nous ne nous interdisons pas d'adopter une approche nouvelle plus qualitative, fondée sur les services et les équipements de proximité. Nous répondons en cela à une demande des citoyens. Nous encouragerons également les groupements qui dépassent le seuil de 20 000 habitants, en soutenant le travail des commissions départementales et des préfets.

Nous voulons également parler dans cette loi d'équité territoriale. Ce sujet est abordé à travers l'aspect des finances locales. Nous trouverons de nombreux accords sur ce point sur les bancs du Sénat.

Enfin, le Premier ministre a été très précis lorsqu'il est venu au Sénat sur la nécessaire évolution des départements, en insistant sur le fait que cette évolution ne devait pas être accélérée. Le ministère a reçu un mandat pour étudier la façon dont les départements doivent évoluer. Les compétences sociales et de solidarité envers les personnes et les territoires sont essentielles. Notre pays a eu moins de difficultés que d'autres à traverser une crise extrêmement grave grâce à ses collectivités territoriales. Nous allons créer une compétence de solidarité territoriale en vue de soutenir les communes les plus fragiles, étant donné que les citoyens n'ont pas beaucoup d'encadrement pour répondre à des appels à projets ou des manifestations d'intérêt des collectivités et de l'État, ce qui constitue une injustice.

L'évolution des départements n'est pas abordé dans la loi NOTRe, qui porte sur les compétences. Les compétences sociales devront être situées au coeur du débat public. La compétence économique est facile à exercer, alors que la compétence sociale est beaucoup plus complexe. Il faut un médiateur entre l'élu et les populations concernées, ainsi que du personnel ayant une connaissance de ces populations. On ne s'improvise pas gestionnaire de l'action sociale.

La généralisation des mutualisations de SDIS peut constituer un sujet de discussion. J'ai parlé de l'adaptation de la loi sur le littoral de Jean Bizet. La question de la décentralisation des ports reste en suspens.

Quelques demandes portent sur l'expérimentation en matière d'emploi. La fusion de l'ANPE et des ASSEDIC a donné à ce dossier un caractère très national qui implique les partenaires sociaux, ce qui rend une décentralisation extrêmement compliquée. En effet, il est difficile d'imaginer comment les partenaires sociaux pourraient nous accompagner dans la décentralisation. Il serait absurde de chercher à distinguer de nouveau l'ANPE des ASSEDIC, du fait des efforts accomplis par le personnel après la fusion. Le Premier ministre envisage de mettre en place une expérimentation dans ce domaine, de même qu'il est preneur de tout projet de fusion de communes, de nouveaux départements ou de nouvelles régions.

Notre réforme est structurelle, mais nous assumons avec André Vallini qu'elle donne lieu à débat avec les métropoles. Il convient désormais de se demander quel niveau de compétence ne fait plus quoi. C'est une manière plus simple d'aborder le sujet. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

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