Intervention de François Pillet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 2 décembre 2014 : 1ère réunion
Protection de l'enfant — Examen du rapport pour avis, amendement 13

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur pour avis :

Nous en arrivons aux dispositions de ce texte concernant l'inceste. J'avoue que si ma première réaction allait à ne rien changer au droit en vigueur, qui permet de prendre en compte toutes les hypothèses, mes discussions au sein de la commission m'ont fait évoluer. Dans sa présentation du projet de nouveau code pénal, Robert Badinter rappelait que tout code pénal doit remplir une double fonction, l'une répressive, en défense de la société civile et de ses membres, l'autre, plus secrète, reposant sur des valeurs reconnues par la conscience collective, et qu'il qualifie de fonction expressive. Les citoyens, censés connaître la loi, parviennent à mieux l'appréhender s'ils retrouvent, dans une incrimination, un terme qui leur parle. Or, si l'inceste est sanctionné par le code pénal, le terme d'inceste n'apparaît jamais. Il n'est peut-être pas inutile de l'introduire. En revanche, je ne saurais suivre les auteurs de la proposition de loi, qui entendent en faire une circonstance aggravante : mon amendement n° 13 tend à supprimer cette disposition qui, en vertu des règles de la loi pénale plus sévère, ne pourrait s'appliquer, s'agissant des actes commis avant la promulgation de la loi, qu'à ceux perpétrés par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime. Ainsi, alors qu'un inceste peut être révélé jusque vingt ans après les faits, une victime s'apercevra que la violence qu'il a subie ne peut tomber que sous le coup des dispositions anciennes de la loi. Je vous proposerai plutôt de faire de l'inceste une surqualification pénale, ce qui, sans changer les conditions de sa répression, permettra aux cours d'assise de qualifier l'infraction d'« inceste » dès la promulgation de la loi.

Autre question : quelle est la portée de l'inceste ? Y voit-on une disposition civile qui, traduisant l'exigence de protection génétique de l'espèce, interdit un nombre limité de relations ou l'inscrit-on dans une dimension beaucoup plus subjective, pour estimer qu'il y a inceste dès lors qu'existe aux yeux de la victime une relation de parenté ? Auquel cas, ce serait laisser à la victime, en fonction de l'idée qu'elle se fait de sa relation avec quelqu'un, le soin de définir une infraction - ce qui me semble un peu problématique. Il convient donc à mon sens d'éviter, dès lors que l'on fait de l'inceste une surqualification pénale, de faire entrer dans son champ les anciens conjoints ou concubins des parents, ce qui pourrait conduire à qualifier d'inceste, par exemple, une relation entre un homme et l'enfant né de son ancienne compagne, alors qu'il l'a quittée avant que l'enfant ne soit conçu. Ce qu'il faut trancher, c'est le périmètre de l'inceste pénal. Je pense, pour ma part, qu'il faut exclure les cousins et cousines - d'autant que le mariage est autorisé entre eux - ainsi que quelques autres cas.

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