Intervention de Jean-François Bouvet

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 27 novembre 2014 : 1ère réunion
Stéréotypes masculins et féminins dans les jeux et les jouets — Table ronde

Jean-François Bouvet, docteur d'État ès Sciences (neurobiologie), auteur de « Le camion et la poupée. L'homme et la femme ont-ils un cerveau différent ? » :

Catherine Vidal minimise ces différences.

Nous disposons aujourd'hui d'un certain nombre de travaux en IRM qui portent sur de très grands échantillons. Aux États-Unis, le National Institute of Mental Health (NIMH) a étudié la maturation cérébrale chez les garçons et les filles, sur un échantillon de près de 300 personnes depuis l'âge de 9 ans jusqu'à l'adolescence et l'âge adulte. L'étude, publiée en 2010, souligne très clairement des différences.

Une étude publiée en 2014 et portant sur les faisceaux nerveux, met en avant une différence, en moyenne, entre hommes et femmes dans la connectivité intra ou inter-hémisphérique, c'est-à-dire dans l'importance du trafic sur les voies cérébrales.

Au-delà de ces études, j'indiquerai que nous ne pouvons pas être identiques sur le plan cérébral, pour la simple raison que nous ne sommes pas génétiquement identiques. Sur les 25 000 gènes environ que nous comptons, quelques dizaines diffèrent selon le sexe. Parmi ceux-ci, le gène SRY, gène de la masculinité, détermine la transformation des ébauches des gonades en testicules. Or il a récemment été découvert que ce gène s'exprime dans le cerveau.

Par ailleurs, une publication récente dans la revue « Nature » souligne que plus d'une centaine de gènes que les hommes et les femmes ont en commun présentent une différence d'expression selon le sexe de l'individu. Il s'agit en particulier de gènes liés à des pathologies cérébrales.

Au vu de ces dernières connaissances, nous ne pouvons plus affirmer qu'il n'existe pas de différences cérébrales, ou que celles-ci sont extrêmement minimes. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que nos gènes s'expriment de différentes manières, dans la mesure où de nombreux gènes sont sous contrôle des hormones sexuelles. Si nous disposons tous des mêmes hormones sexuelles, leur quantité diffère profondément selon notre sexe. Or les hormones sexuelles agissent sur l'expression des gènes, par l'intermédiaire de récepteurs extrêmement nombreux dans le cerveau. Dès lors, nous ne pouvons pas être strictement identiques.

Sachant que les hommes et les femmes ont des cerveaux différents, il me semblerait scientifiquement plausible que des facteurs biologiques puissent orienter les enfants vers différents types de jouets, selon leur sexe. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille que les stéréotypes de genres renforcent cela de manière massive.

Je ne saisis pas les raisons pour lesquelles il faudrait recourir sans cesse à l'argument des cerveaux identiques ou quasi-identiques entre les hommes et les femmes. Dans les prochaines années, je suis certain que la science démontrera de manière encore plus radicale que ce n'est pas le cas. Il me paraît donc dangereux de fonder l'égalité des sexes sur ce postulat, le risque de cette approche étant qu'un tel fondement de l'égalité s'effondre avec l'avancée des connaissances scientifiques. Je ne pense absolument pas que le fait d'être identiques soit indispensable à l'égalité entre les hommes et les femmes et à la lutte contre les stéréotypes de genres. Il convient d'admettre que nous sommes différents. Encore une fois, différence ne signifie pas complémentarité.

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