Intervention de Anne Dafflon Novelle

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 27 novembre 2014 : 1ère réunion
Stéréotypes masculins et féminins dans les jeux et les jouets — Table ronde

Anne Dafflon Novelle, docteure en psychologie sociale :

Cette piste me semble excellente. Ayant moi-même réalisé des ateliers dans différents milieux, j'ai pu constater à quel point, suivant le milieu socioculturel, les réactions des enfants pouvaient différer. Dans les milieux éduqués, les enfants perçoivent « l'arnaque » des jouets « genrés », ce qui n'est pas le cas dans les milieux plus défavorisés. J'insiste encore une fois sur la fenêtre, entre 7 et 12 ans, où les enfants sont très réceptifs aux réflexions sur les stéréotypes et où les ateliers fonctionnent extrêmement bien, avant une nouvelle phase de rigidité par rapport aux codes sexués à l'adolescence. Il est fondamental que les adultes aient été formés à ces questions.

La socialisation différenciée concerne tous les secteurs de la vie de l'enfant. Comme l'a souligné Brigitte Grésy, il extrêmement difficile de toucher le monde des parents. Or les recherches réalisées dans le monde de la famille montrent bien que, malgré une volonté de neutralité, les parents n'agissent pas de la même manière avec leurs filles et leurs garçons. Ces différences, qui peuvent paraître minimes, sont absorbées par les enfants pour se construire comme fille ou garçon.

Je préconise d'informer les parents, ne serait-ce que sur le fonctionnement du développement de l'identité sexuée de l'enfant, qui est trop peu expliqué. J'ai réalisé des recherches, auprès d'un large échantillon d'adultes, parents et non parents, sur les représentations de l'origine de la différence des comportements et des préférences entre les sexes. Les adultes qui ne sont pas parents sont convaincus que ces différences sont construites socio-culturellement. En revanche, les parents, en particulier ceux qui ont des enfants des deux sexes, se convainquent, au vue de l'évolution de leurs enfants, que l'origine de la différence entre les sexes est biologique. L'explication est la suivante. Ils observent des préférences et des comportements différents entre leurs enfants, mais sont eux-mêmes convaincus qu'ils agissent de la même manière envers leur fils et leur fille. De même, ils ne sont pas conscients de la prédominance de la société dans son ensemble dans la construction de l'identité sexuée. Ils en concluent donc que les différences sont inscrites dans les gènes. Au-delà du choix des jouets, plus tard, au moment des choix d'orientation socioprofessionnelle, si leur enfant veut se tourner vers un domaine pionnier ne correspondant pas aux représentations de son sexe, les parents ne l'encourageront pas dans cette voie. En termes de recommandations, nous pourrions imaginer de subventionner les entreprises qui intègrent, dans les catalogues de jouets, un encart explicatif de ce fonctionnement.

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