Quelle chance vous avez, monsieur le secrétaire d’État ! Quelle chance de préparer un budget avec des taux d’intérêt historiquement bas ! Quelle chance de voir le prix du baril de pétrole tomber à 70 dollars ! Quelle chance de voir l’euro perdre 10 % en un semestre ! Quelle chance également que l’Union européenne ait revu à la baisse le montant de notre contribution à son budget !
C’est important, la chance, monsieur le secrétaire d’État. Ça l’est d’autant plus lorsqu’on gère un pays endetté à près de 100 % de son PIB et qu’on doit faire face à l’inexorable envolée de la courbe du chômage.
Et pourtant, cette chance, vous ne la saisissez toujours pas ! Aucune réelle réforme structurelle n’a été lancée ou n’est en cours. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant puisque votre gouvernement n’a pas de majorité à l’Assemblée nationale pour engager une telle réforme, prisonnier qu’il est de ceux pour qui les mots « entreprendre », « réussir », « mérite » ou « récompense » sont indécents ; nous allons bientôt le constater de nouveau avec le projet de loi « Macron ».
Le pacte de responsabilité et de solidarité, annoncé depuis plus d’un an, n’a toujours pas vu le jour, ou à peine. Le CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – se révèle insuffisant. Et, bien évidemment, la spirale de l’endettement public poursuit son travail de sape, en vous imposant une fuite en avant fiscale devenue insupportable pour nos concitoyens.
Nous avons eu droit au malaise fiscal, nous avons eu des promesses de pause ou de remise à plat. Mais derrière les mots et le double discours, la même réalité perdure : les prélèvements obligatoires augmentent inexorablement et leur hausse ne sert finalement à rien puisque leur rendement décroît et que le déficit ne diminue pas.
La vérité, la triste vérité est que votre politique a échoué.
Difficile de faire croire que le présent projet de loi de finances tel que vous l’avez soumis au Parlement est un réel acte de réforme !
Nous sommes en face d’un projet de loi de finances par obligation, pour autoriser la perception des impôts, en somme. Comment, dans ces conditions, restaurer un minimum de confiance ? Vous le savez, bien, sans confiance, la croissance est inenvisageable. Et, sans croissance, l’amélioration de la situation de l’emploi et le désendettement sont impossibles.
La nouvelle majorité sénatoriale vous propose un chemin afin de donner du relief, du contenu et une véritable portée économique à votre projet de budget. Nous vous offrons des opportunités : saisissez-les, expliquez-les à l’Assemblée nationale !
Je salue ici le travail très important réalisé par le rapporteur général, les membres de la commission des finances et notre majorité sénatoriale. Au sein de celle-ci, nous faisons le même diagnostic.
Nos groupes, appuyés par la commission des finances, sont parvenus à enrayer le matraquage systématique des familles en redonnant du souffle au quotient familial, à préserver l’investissement public local en intégrant dans le calcul de la baisse des dotations le poids des charges que le Gouvernement ne veut plus imposer à l’État. Ils sont parvenus également à définir un dispositif de soutien à l’investissement des PME industrielles.
Ces mesures en recettes ont été gagées en dépenses, j’insiste sur ce point. Nous avons travaillé – dans des délais particulièrement contraints, en raison des élections sénatoriales de septembre – pour formuler toutes ces propositions, documentées et chiffrées. En cela, la majorité sénatoriale a fait preuve de responsabilité.
Au-delà, le débat budgétaire au Sénat a permis de passer outre de nombreux tabous. Vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez reconnu que le CICE aurait dû permettre une véritable baisse de charges salariales financée en contrepartie par la TVA. Quelle avancée ! Car qu’est-ce donc, sinon la « TVA compétitivité » que nous proposons depuis tant d’années, et que nous espérons voir adoptée l’année prochaine ? §
Ce débat a également permis de mettre en discussion de nombreuses questions qui feront l’objet, lors des exercices budgétaires à venir, de travaux plus détaillés, nous en convenons avec le rapporteur général et la présidente de la commission.
Les questions de la réforme de la fiscalité des entreprises, de la fiscalité des plus-values immobilières en cas de cession ou de la fiscalité des revenus ont été posées par les représentants de notre groupe.
Du côté des dépenses, les mesures catégorielles au profit de la fonction publique, le problème de l’aide médicale d’État ou encore le recours systématique aux contrats aidés ont été largement débattus dans nos travées.
J’entends évidemment ceux qui cherchent les milliards d’euros d’économies manquants, et je ne prends pas leurs observations à la légère. En effet, les différents représentants de la majorité sénatoriale s’accordent à dire que la dépense publique pèse trop lourd dans notre économie. Son financement l’étouffe et anémie le tissu industriel et entrepreneurial de la France.
Je rappelle aussi que la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, n’offre pas la possibilité d’une réduction structurelle de la dépense publique. La LOLF permet au Parlement de contrôler la mise en œuvre des politiques publiques à travers l’exécution du budget. Elle ne permet pas de réfléchir, malheureusement, au périmètre de l’action de l’État. C’est un outil de contrôle ; or nous avons besoin d’un véritable outil de refondation.
Notre majorité sénatoriale esquisse un projet pour la France. Bien entendu, elle ne se substitue pas à la majorité d’aujourd’hui. C’est le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'État, qui est responsable devant une Assemblée nationale élue jusqu’en 2017. Le Sénat ne saurait aller à son encontre. Son rôle, en revanche, est d’être l’aiguillon qui souligne et qui tente de corriger les carences de votre politique.
À cet égard, je tiens à formuler solennellement notre vive inquiétude pour les militaires français. Près de 10 % des crédits de la mission « Défense » sont incertains, alors que nos soldats sont engagés dans vingt-huit opérations extérieures, dont trois sont particulièrement sensibles : celles qui ont lieu au Mali, en Centrafrique et en Irak.
Nous ne pouvons pas accepter qu’une telle incertitude pèse sur le financement de ces missions dont la finalité demeure de permettre à la France de remplir son devoir de grande puissance militaire, sans pour autant mettre en péril la vie de nos soldats.
Nous ne pouvons pas l’accepter et la majorité sénatoriale a joué son rôle en envoyant un signal fort au Gouvernement sur ce point.
Pour conclure, je veux adresser un mot de remerciement à toutes celles et à tous ceux qui ont pris part à ce débat.
L’enjeu était important. Après deux années sans examen de la seconde partie, il fallait restaurer la voix du Sénat dans le débat budgétaire. Je considère que cet objectif a été atteint. Certes, le présent texte n’est pas exempt d’imperfections.