Intervention de André Gattolin

Réunion du 9 décembre 2014 à 17h00
Loi de finances pour 2015 — Vote sur l'ensemble

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

C’est cela que vous nous proposez !

Vous avez, certes, encore un peu de temps devant vous, mais, entre une droite bonapartiste et une droite girondine, il va falloir choisir !

À cette véritable schizophrénie qui vous habite, nous préférons pour notre part la cohérence qui consiste à envisager globalement la question de la dépense publique, nationale et locale.

Cette posture quant à la dépense publique vous a donc conduits – et c’est la deuxième tendance claire qui se dégage de votre travail – à proposer quelques mesures d’économies choisies pour leur charge « idéologique », dirai-je, au mépris de l’efficacité, quand ce n’est pas au mépris du simple bon sens.

Vous nous avez proposé, chers collègues, de réduire le budget de l’aide médicale d’État. Sans même qu’il soit besoin d’évoquer nos valeurs humanistes, comment ne pas voir, au moment où nous sommes menacés d’une pandémie liée au virus Ebola, l’absurdité, pour ne pas dire l’inconscience, d’une telle démarche ?

Vous nous avez aussi proposé de supprimer 9 500 postes d’enseignants dans l’éducation nationale. Alors que les journaux sont remplis de reportage sur ces classes dépourvues d’enseignants, alors que depuis plusieurs années consécutives, les concours de recrutement ne permettent plus de pourvoir tous les postes ouverts, il vous reviendra d’expliquer à nos concitoyens comment vous comptez assurer ce service public fondamental pour la cohésion de notre République.

Vous avez également choisi de supprimer des dizaines de milliers d’emplois aidés, au motif, il faut que nos concitoyens le sachent, qu’ils s’adressent au secteur non marchand : comme si le travail marchand résumait à lui seul tout le travail ! Surtout, en cette période où le MEDEF nous explique que le patronat ne peut malheureusement pas embaucher malgré les 40 milliards d’euros qui lui ont été consentis, ceux de nos concitoyens qui sont en recherche d’emplois et qui auraient pu prétendre à ces emplois aidés apprécieront certainement d’avoir été sacrifiés sur l’autel du dogmatisme.

Davantage de dotations pour les collectivités, quelques économies idéologiques… Quel est donc le bilan de ces choix ? Eh bien, c’est 500 millions d’euros d’économies supplémentaires, à peine plus que l’épaisseur du trait ! Et encore ce calcul ne prend-il évidemment pas en compte les missions rejetées. En effet, si l’on s’y arrête un instant, au-delà des apparences, non seulement on s’aperçoit que ces suppressions de missions ne sont pas des économies, mais nous sommes même fondés à penser que vous avez dissimulé là un monceau de dépenses supplémentaires que vous n’assumez pas !

Vous nous expliquez que la gauche sénatoriale, en 2011, sous la houlette de notre collègue Nicole Bricq, avait également supprimé des missions. C’est exact, mais c’était parce que nous considérions que les crédits de certaines missions étaient trop faibles. L’article 40 de la Constitution nous interdisant de les augmenter, nous n’avions d’autres choix que de les rejeter.

En réalité, cela semble également être votre cas, chers collègues. Si vous aviez simplement voulu faire davantage d’économies, il ne tenait qu’à vous de réduire les crédits de ces missions. C’était parfaitement faisable, mais en réalité vous avez fait tout le contraire !

Sur la mission « Défense », vous prétendez que le compte n’y est pas, qu’il n’y a pas assez d’argent... C’est une position respectable, mais ça ne fait pas pour autant une économie. Sur la mission enseignement supérieur et recherche, vous adoptez le rétablissement des crédits, avant de rejeter la mission ! Avez-vous eu des remords tardifs ? Où est la cohérence ? Quel sens cela a-t-il ?

À propos de l’article 30, qui porte sur la contribution au budget de l’Union européenne, j’avais évoqué un mystère mallarméen. Aujourd’hui, c’est plutôt le surréalisme de La Trahison des images qui me vient à l’esprit, et j’ai envie de vous dire, avec Magritte : « Ceci n’est pas un budget » ! §Cela y ressemble, cela en a l’apparence, mais ce n’est pas un budget. Vous proclamez urbi et orbi que votre ligne politique est une réduction du déficit encore plus drastique que celle du Gouvernement, et vous nous proposez un texte désarticulé dont nous pouvons à bon droit penser qu’il masque en réalité une dégradation du solde par rapport au projet du Gouvernement.

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