Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cela a été dit, le principal sujet inscrit au menu du prochain Conseil européen sera le plan de relance de M. Juncker.
Il est presque fascinant de voir cet acharnement à ne pas remettre en cause un modèle qui a pourtant montré depuis plusieurs années ses limites. Le modèle de l’Europe que vous avez construit depuis des décennies sans vous soucier de la volonté des peuples, voire à l’encontre de leur volonté – je pense ici au « non » au référendum, bafoué par l’adoption du traité de Lisbonne –, ne fonctionne pas, mais on continue à élargir les frontières de l’Union européenne, à prôner plus d’Europe et à injecter des milliards pour faire « comme si ». En fait, la politique de l’Union européenne, c’est la politique de l’autruche !
Il est intéressant de noter l’accueil plutôt sceptique réservé à ce plan de relance. M. Juncker a certes l’habitude de manipuler les milliards, en tant qu’ancien dirigeant d’un paradis fiscal, mais il n’a pas compris que le principal problème lié à l’absence de croissance et à la recrudescence du chômage est l’absence de confiance. Oui, les européistes ont perdu la confiance des peuples et, désormais, celle des investisseurs. À chaque fois, vous injectez des milliards dans un système qui ne correspond à rien, en ajoutant, comme à l’accoutumée, que « cette fois l’Europe n’a plus le droit à l’erreur ».
La cerise sur le gâteau, avec ce fameux plan à 300 milliards d’euros, c’est qu’il n’est même pas financé. Il est facile de lancer le chiffre de 300 milliards d’euros quand à peine 21 milliards sont disponibles ! Bien sûr, il existe des effets de levier, mais tabler sur un coefficient multiplicateur de 15 est, de l’avis même des spécialistes, très présomptueux.
Ces mêmes spécialistes expliquent d’ailleurs que ce plan n’aura aucun effet s’il est envisagé comme un palliatif à l’absence de plans nationaux, et non pas comme un soutien à des plans de relance par pays. Or, comme la liste à la Prévert envoyée par le Gouvernement français à Bruxelles le souligne, il semble que, à l’inverse, ce plan est en train de devenir une juxtaposition de projets nationaux. Pas besoin de l’Union européenne dans ce cas, pas besoin de nous faire croire que l’Europe fait quelque chose d’utile pour le peuple de France ! De plus, un rapide calcul indique que, finalement, ce plan ne représente que 3 milliards d’euros par pays et par an, financés pour l’instant à hauteur de 6, 7 %, c’est-à-dire de 21 milliards d’euros, soit 250 millions par an et par pays ! Le levier semble donc très court, c’est le moins que l’on puisse dire.
Bref, on lance un plan que l’on ne sait même pas financer et dont on est quasiment sûr que la portée sera très limitée, voire nulle. De plus, pour que l’effet de levier fonctionne, il faut de la confiance, or il n’y en a pas. Certains d’entre vous commencent à relever que la très forte hétérogénéité des pays de l’Union constitue aujourd’hui un problème et ne permet en rien de retrouver cette confiance.
En outre, une grande partie de ces 21 milliards d’euros est issue de réaffectations. Il est très intéressant de constater qu’une partie du budget de l’Union européenne était mal utilisée, puisque l’on peut facilement trouver 16 milliards d’euros disponibles.
Il faut tout de même reconnaître un point positif à ce plan : il met en avant le fait que les projets, pour être viables et avoir un effet sur la croissance, et donc sur l’emploi, doivent s’inscrire dans le long terme, ce que la spéculation financière, qui régit une grande partie de l’économie mondiale, nous fait quotidiennement oublier.
Vous souhaitez mener une politique économique. Dès lors, reprenez en main les leviers nécessaires ! Vous n’avez plus de levier monétaire, plus de levier commercial et presque plus de levier budgétaire. Ce plan est en réalité proposé pour essayer de faire taire ceux qui, comme nous, dénoncent l’inefficacité de l’Union européenne. Malheureusement, il semble apporter de l’eau à notre moulin : il ne sera d’aucune aide pour la France, ne permettra en rien de relancer l’emploi ou la croissance, et souligne une nouvelle fois que notre pays doit retrouver au plus vite sa souveraineté.
J’évoquerai également l’autre point inscrit à l’ordre du jour, à savoir les questions de politique étrangère. Je suppose que le principal sujet sera la crise ukrainienne. Sur ce point, je souhaite exprimer mon désaccord profond avec la politique menée par la France au travers de l’Union européenne. En poussant les Ukrainiens à s’inféoder aux États-Unis, l’Union européenne se coupe de la Russie. De surcroît, les sanctions mises en place pénalisent plus les Européens, en particulier les agriculteurs et les entreprises français, que la Russie elle-même, qui se tourne désormais vers la Chine plutôt que vers l’Europe. Il sera très difficile de réparer des liens commerciaux détruits avant tout pour faire plaisir aux États-Unis. L’exemple du Mistral souligne ainsi notre manque de liberté à l’égard de Washington.
En conclusion, je tiens à remercier la commission des affaires européennes, qui a permis, au travers de la tenue de ce débat, de faire entendre ici la voix de millions de Français qui veulent un autre modèle pour la France et pour l’Europe et dont vous ne tenez pas compte, bien qu’ils aient fait du Front national, lors des élections européennes, le premier parti de France. Il me semble que vous devriez ne pas l’oublier.