Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le président Jean Bizet, retenu par des obligations impératives.
La commission des affaires européennes se félicite de la tenue de ce débat, qui permet au Sénat d’avoir avec le Gouvernement un dialogue approfondi à la veille d’un Conseil européen important.
Le Conseil européen va en effet débattre de nouvelles mesures pour stimuler la croissance, l’emploi et la compétitivité européenne. Il discutera en particulier du plan d’investissement que vient de proposer la Commission européenne. Le Conseil européen se prononcera à la suite de la présentation, par la Commission européenne, de l’examen annuel de croissance qui marque le début du semestre européen.
La nouvelle Commission européenne qui vient de prendre ses fonctions a retenu trois grands piliers pour fonder la politique économique et sociale de l’Union européenne : d’abord, un coup de fouet aux investissements, avec l’annonce d’un plan de 315 milliards d’euros sur la période 2015-2017 ; ensuite, un renouvellement de l’engagement en faveur de réformes structurelles ; enfin, la poursuite de l’assainissement budgétaire.
Mettre de l’ordre dans les finances publiques est indispensable. Il est urgent de rompre avec l’endettement et les déficits que nos pays ont accumulés. L’action engagée est conforme aux règles communes que nous avons librement négociées avec nos partenaires. Il faut les respecter et mettre en œuvre les réformes structurelles indispensables !
Nos collègues François Marc et Fabienne Keller ont fait un point, devant la commission des affaires européennes, sur la procédure d’examen des budgets nationaux. Que constate-t-on ? Selon l’évaluation de la Commission européenne, sept pays, dont la France, présentent un risque de non-conformité avec les dispositions du pacte de stabilité et de croissance.
La Commission européenne a décidé que les cas de la Belgique, de l’Italie et de la France feront l’objet d’un suivi particulier au printemps. À ce stade, elle estime l’effort structurel de la France pour 2015 à 0, 3 point de PIB, très loin de l’objectif de 0, 8 point recommandé par le Conseil en 2013. À l’instar du Haut Conseil des finances publiques dans son avis rendu fin octobre, la Commission européenne a jugé que les prévisions macroéconomiques du Gouvernement étaient un peu trop optimistes, surtout pour 2015.
Le rendez-vous du mois de mars est très proche. Notre pays doit démontrer à ses partenaires européens sa volonté d’agir pour assainir ses finances publiques et mener les réformes structurelles propres à assurer la viabilité budgétaire.
L’Europe doit, dans le même temps, retrouver le chemin de la compétitivité. Notre base industrielle a considérablement régressé. Nos entreprises sont handicapées par l’excès de charges et de réglementations. C’est sur les petites et moyennes entreprises que les politiques européennes doivent se concentrer en priorité. C’est là que se trouvent les gisements pour l’innovation et la création d’emplois.
L’effort en matière de recherche et développement est essentiel. Or l’évaluation à mi-parcours de la stratégie « Europe 2020 » témoigne dans l’ensemble d’un bilan plutôt décevant. L’objectif symbolique de 3 % n’est pas atteint. L’effort stagne autour de 2 % – 2, 3 % en France –, contre 2, 8 % aux États-Unis et 3, 4 % au Japon. Nous attendons de la Commission Juncker qu’elle place cette ambition au cœur de ses prochaines initiatives.
Le contexte économique complique la tâche. Le chômage demeure à des niveaux très élevés : je pense en particulier au chômage des jeunes, extrêmement préoccupant, qui atteint des niveaux insupportables, et à la situation des chômeurs de longue durée. La Commission européenne fait valoir que des actions ciblées sont nécessaires, mais leur mise en œuvre est laborieuse et peu efficace. Dans le cadre de l’initiative « Garantie pour la jeunesse », 6, 4 milliards d’euros ont été alloués à l’emploi des jeunes, mais les délais sont trop longs !
Nous approuvons les orientations proposées par M. Juncker. Nous soutiendrons la nouvelle Commission lorsqu’elle traduira sa volonté de simplifier les réglementations en actes et prendra des initiatives pour relever les défis actuels. La mise en place d’un marché unique du numérique et la création d’une union de l’énergie doivent être des priorités. Il ne pourra pas y avoir de réindustrialisation sans maîtrise de l’énergie nécessaire à la production. Voilà un domaine où la coopération entre la France et l’Allemagne doit être recherchée !
En outre, il faut parachever l’union bancaire en créant un mécanisme de résolution unique. Les contribuables ne doivent plus supporter les conséquences des défaillances bancaires !
Le plan d’investissement de 315 milliards d’euros de la Commission européenne peut favoriser le nouvel élan dont l’Europe a besoin. Néanmoins, beaucoup de questions demeurent en suspens ; MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie en ont dressé la liste au nom de notre commission.
Nous souhaitons une clarification des sources de financement du plan d’investissement, dont la contribution de la Banque européenne d’investissement, la BEI, et des parts respectives des investissements publics et privés des financements européens et nationaux. En particulier, nous redoutons que le financement de ce plan ne détourne les fonds structurels européens de leur objet. Nous le savons bien, à l’heure où les dotations de l’État aux collectivités subissent des baisses drastiques, ces fonds sont très attendus dans les territoires.
Nous avons indiqué à la Commission européenne que la contribution éventuelle au titre du cadre financier pluriannuel 2014-2020 devait être très précisément détaillée. Nous souhaitons connaître les conclusions de la task force instituée sous la direction de la Commission européenne et de la BEI. Quels délais seront fixés pour la réalisation des investissements ainsi ciblés ? Quels résultats en sont attendus ?
Les travaux de la task force devront être rapidement suivis d’une estimation financière. Les projets qu’elle proposera doivent contribuer effectivement à la réindustrialisation de l’Europe, en présentant une véritable dimension européenne, en étant rapidement réalisables et en étant orientés vers des secteurs d’avenir, dont l’économie de l’immatériel.
Le Sénat insistera sur la nécessaire territorialisation des projets. Il s’engagera à veiller activement à la bonne consommation des crédits. Nous avons évoqué ces enjeux avec les membres du Secrétariat général des affaires européennes, le SGAE. Nous sommes prêts à agir avec lui pour atteindre ces objectifs.