Nous-mêmes avons accepté de soutenir M. Juncker dans cette fonction. Il disposait d’une majorité, et il fallait que l’Europe avance. Néanmoins, nous l’avons appuyé sur la base d’un programme, celui dont nous souhaitons l’adoption lors du Conseil européen des 18 et 19 décembre prochains. La priorité ne doit plus être l’austérité ; ce doit être le soutien à l’investissement et aux projets européens ! N’opposons pas une telle logique et la nécessité de coordonner nos politiques budgétaires.
Dans son rapport consacré aux politiques budgétaires, la Commission constate que sept pays membres, dont la France, l’Autriche et l’Italie, pourraient ne pas être en mesure de ramener dès l’année prochaine leurs déficits sous la barre des 3 % de PIB. Elle admet que la situation résulte de la stagnation économique et de la faible inflation au sein de notre zone monétaire. Ce sont là des phénomènes exceptionnels ; je les ai déjà évoqués. Elle en conclut que nous devons continuer dans le sens de la réduction des déficits et de l’endettement avec le sérieux budgétaire nécessaire.
Encore une fois, le déficit, l’endettement ne datent pas de 2013 ou de 2014 ! En 2011, quelques mois avant notre arrivée aux affaires, le déficit de la France était de 5, 3 %. Nous allons le réduire à 4, 1 %. Nous faisons bel et bien des efforts ! Mais nous ne voulons pas compromettre le soutien à notre croissance par des mesures trop brutales. Cela ne rendrait pas service à l’économie, française comme européenne.
La Commission partage elle-même un tel constat. Elle a décidé de prendre le temps nécessaire pour examiner plus précisément la situation de la France. Pour commencer, elle va attendre de disposer des chiffres définitifs de l’exécution du budget français pour 2014. Par conséquent, elle a reporté la publication de ses recommandations pays par pays au mois de mars, soit après l’adoption du plan Juncker.
Aujourd’hui, nous répondons pleinement à la nécessité de redynamiser les investissements.
André Gattolin a indiqué sans le dire ouvertement que, pour le succès de cette politique, la Banque européenne d’investissement devrait accepter d’assumer davantage de risques en soutenant tel ou tel projet. §Cela suppose d’étendre son action à de nouveaux domaines. Elle commence à évoluer en ce sens, par exemple en se tournant vers le champ de l’éducation.
J’irai demain signer avec le vice-président français de la Banque européenne d’investissement et les présidents des deux conseils régionaux concernés une convention de prêt de la BEI pour la rénovation, notamment thermique, des lycées de Bourgogne et de Franche-Comté. Le chantier, qui s’inscrit dans le cadre de la transition énergétique, représente un total de 100 millions d’euros.
Au demeurant, la BEI participe déjà avec la Caisse des dépôts et consignations au financement du plan Campus, qui permettra de construire treize nouveaux campus universitaires dans notre pays. Parallèlement, cette instance doit venir en aide aux petites et moyennes entreprises. Le futur fonds d’investissement, dont elle assurera le pilotage – elle aura ainsi plus de capacités qu’aujourd’hui, notamment grâce aux apports du budget européen –, devra permettre d’épauler des projets avec une part de risque.
Certes, ces projets devront être évidemment bien choisis et présenter une rentabilité suffisante. Cependant, quand il s’agit de financer l’innovation, la recherche dans les énergies de demain, le développement des réseaux numériques, il faut accepter que la garantie publique serve à protéger les investisseurs privés, qui, eux, manifestent certaines réticences face au risque. La puissance publique doit les assurer qu’elle sera là pour couvrir les aléas.
Veillons à faire en sorte que l’effet de levier soit suffisamment puissant pour dégager plus de 300 milliards d’euros dans les faits.
Au mois de juin 2012, les décisions prises sur la base du pacte de croissance ont assuré à la BEI une augmentation de capital de l’ordre de 10 milliards d’euros. C’est ainsi que 60 milliards d’euros de prêts supplémentaires ont pu être assurés et contribuer à des opérations de financement représentant 180 milliards d’euros au total, d’où un effet de levier observé, selon les chiffres, d’un à dix-huit ou d’un à vingt.
C’est sur la base d’une telle expérience que le plan Juncker a été élaboré. Nous allons poursuivre en ce sens. En France, la BEI, grâce à l’augmentation de son capital, a pu porter le montant de ses interventions de 4, 5 milliards d’euros à plus de 7 milliards d’euros. Ce plan a donc eu un effet. Mais il faut aller plus loin. C’est pourquoi la France a érigé l’établissement d’un nouveau plan à l’échelle européenne en priorité. Cela a été adopté.
Je ne veux pas opposer cet axe majeur, qui sera à l’ordre du jour du Conseil européen, aux autres sujets sur lesquels nous souhaitons également avancer. J’ai fait référence à l’harmonisation fiscale et à la lutte contre l’optimisation fiscale.
M. Billout a évoqué la taxe sur les transactions financières. Nous devons parvenir à un accord sur ce point. Nous avons émis des propositions relatives à la territorialité et au champ d’application de la mesure. Commençons par taxer les actions cotées et les produits dérivés les plus spéculatifs. Je pense en particulier aux contrats de couverture du risque de défaillance, les CDS, ou credit default swaps, qui ont donné lieu aux plus grands effets spéculatifs et aux risques les plus graves sur les marchés financiers durant la crise de 2008. Nous souhaitons le respect du calendrier prévu : un accord doit être trouvé dès le début de l’année 2015 pour que la taxe sur les transactions financières entre en vigueur au 1er janvier 2016.
M. Jean-Claude Requier a abordé le budget de l’Union européenne. Voilà quelques semaines, lorsque nous avions débattu du prélèvement sur recettes, nous avions constaté l’absence d’accord entre le Conseil et le Parlement européen sur les budgets rectificatifs pour 2014, ainsi que, par ricochet, sur le budget de l’Union européenne pour 2015.
Un accord a été trouvé depuis. Il prévoit une augmentation de 3, 6 milliards d’euros sur les budgets rectificatifs pour 2014 pour résorber les factures du passé. Pour 2015, le budget sera de 144, 8 milliards d’euros en autorisations d'engagement et de 140, 9 milliards d’euros en crédits de paiement.
Dès lors, l’Union européenne pourra commencer l’année, mettre en place le nouveau plan Juncker, mais aussi utiliser son cadre financier dans les conditions qui ont été fixées globalement pour les sept prochaines années. Le budget permettra de financer non seulement la recherche, avec le programme Horizon 2020, mais également, grâce au mécanisme d’interconnexion pour l’Europe, des grands projets d’infrastructures, comme le canal Seine-Nord ou le Lyon-Turin, projet que nous soutenons et dont nous continuerons à débattre avec les parlementaires européens ayant des doutes. À nos yeux, il est structurant et répond à des objectifs économiques, mais aussi de développement durable, en permettant la traversée des Alpes par le rail plutôt que par camions. La France et l’Italie ayant obtenu que 40 % des travaux nécessaires soient financés sur le budget européen, elles ont évidemment tout intérêt à ce que ce projet aboutisse.
Il sera peut-être question du virus Ebola lors du Conseil européen, même si les décisions qui ont été prises sont mises en œuvre. La France a engagé 110 millions d’euros sur les années 2014 et 2015 en faveur de la lutte contre l’épidémie, avec l’ouverture de centres à Macenta, en Guinée forestière, ainsi qu’à Conakry. Il s’agit de soigner non seulement les malades, mais également les soignants eux-mêmes ; c’est l’une des conditions à la mise en place du dispositif. L’Union européenne, sous l’égide du commissaire Christos Stylianides, a engagé 61 millions d’euros supplémentaires pour appuyer ce plan d’action.
Mme la présidente de la commission des finances m’a interrogé sur la réforme bancaire et sur les intentions de la Commission européenne. Ainsi que cela a été rappelé, la France a adopté une loi qui, sans porter atteinte au caractère universel de nos banques, sépare les activités les plus spéculatives du financement de l’économie.
Ce modèle nous semble un bon équilibre pour la France. D’autres, à l’instar de nos amis britanniques, peuvent prendre des dispositions différentes. Mais la Commission européenne doit proposer une législation qui tienne compte de la situation spécifique de chaque pays.
Je le rappelle, le système bancaire français vient de passer avec succès les stress tests de la Banque centrale européenne. Nos banques universelles, qui sont parmi les plus grands établissements européens, sont surveillées, capitalisées et gérées dans des conditions conformes à toutes les normes prudentielles, de Bâle III comme de Solvency II. La BCE les considère comme parfaitement solides.
Nous estimons donc que la Commission européenne doit revoir son projet initial. Elle publiera la semaine prochaine son programme de travail pour 2015. Elle mettra en avant de nombreuses autres priorités, que nous soutenons, comme l’union des marchés de capitaux ou l’harmonisation fiscale. La taxe sur les transactions financières est également une priorité à nos yeux, même si elle n’est mise en place que dans le cadre d’une coordination renforcée à onze pays, et non à vingt-huit.
La réforme bancaire à l’échelle européenne doit aboutir. Le pas le plus important a été fait avec la mise en œuvre de l’union bancaire, emportant le mécanisme et le fonds de résolution unique, qui a fait l’objet d’un vote de votre part. Un accord est d’ailleurs intervenu sur le sujet lors du conseil Ecofin cette semaine. Il ne serait donc absolument pas justifié qu’une directive sur la séparation des activités bancaires amène la France à reconsidérer sa législation ; celle que vous avez adoptée nous semble sûre.