Intervention de Hélène Conway-Mouret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 décembre 2014 : 1ère réunion
Approbation de l'accord interne entre les représentants des gouvernements des états membres de l'union européenne réunis au sein du conseil relatif au financement de l'aide de l'union européenne au titre du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 conformément à l'accord de partenariat acp-ue et à l'affectation des aides financières destinées aux pays et territoires d'outre-mer auxquels s'appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l'union européenne — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Hélène Conway-MouretHélène Conway-Mouret, rapporteur :

Dès le traité de Rome en 1957, la Communauté économique européenne a créé un « Fonds de développement pour les pays et territoires d'outre-mer ». Il faut dire qu'à l'époque, ces PTOM, pas encore indépendants, recouvraient une grande partie de l'Afrique... La France a fortement milité à l'époque pour intégrer dans le processus européen ses colonies d'alors ; comme les autres pays fondateurs étaient moins concernés, le fonds a été institué hors du cadre de droit commun de la CEE.

Après le mouvement d'indépendance, la Communauté européenne a conclu avec les Etats d'Afrique, de Caraïbes et du Pacifique (ACP) des conventions de coopération régulièrement renouvelées : Yaoundé dès 1963, Lomé à partir de 1975 puis Cotonou depuis 2000. Au fil des années, ce partenariat s'est consolidé et élargi, notamment aux aspects commerciaux et politiques. Aujourd'hui, l'accord de Cotonou regroupe les 28 Etats membres de l'Union européenne et 78 Etats ACP.

Le Fonds européen de développement constitue à la fois le bras financier de l'accord entre l'Union européenne et les Etats ACP et le principal instrument dont l'Union dispose en matière d'aide au développement. Il est institué dans un accord international spécifique, renouvelé périodiquement, et c'est ce texte que nous sommes aujourd'hui amenés à examiner.

Il institue le 11ème FED qui couvre la période 2014-2020 et qui s'inscrit dans la continuité du précédent. Ses objectifs sont : « l'éradication de la pauvreté, le développement durable et l'intégration progressive des Etats ACP dans l'économie mondiale ». En outre, il doit accorder « un traitement particulier aux pays les moins avancés ».

Les ressources du FED s'élèveront à 30,5 milliards d'euros sur la période, ce qui représente un montant stable par rapport à la programmation précédente, en tenant compte du fait que le 11ème FED couvre sept exercices contre six pour le précédent fonds. Certains estiment que ce montant global n'est pas suffisant mais préserver ce niveau d'aide dans le contexte de crise économique en Europe constitue déjà un effort qui ne doit pas être négligé.

Comme le FED n'est pas inclus dans le budget européen, il obéit à des règles spécifiques fixées par l'accord lui-même, notamment en ce qui concerne le niveau de contribution financière des Etats membres de l'Union. Il faut rappeler que, dans le premier FED, la France et l'Allemagne finançaient à parité 69 % du fonds (34,4 % chacun), l'Allemagne ayant accepté d'accompagner la France qui était à l'époque la principale intéressée. Peu à peu, les clés de répartition des contributions se sont rapprochées de celles du budget de l'Union européenne.

Pour le 11ème FED, l'Allemagne sera le premier contributeur (20,6 %), la France le deuxième (17,8 %) puis viennent logiquement le Royaume-Uni et l'Italie. Ainsi, la contribution française devrait s'élever à 5,4 milliards d'euros au total soit environ 776 millions par an. Notre contribution au FED représente le quart des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Cette nouvelle programmation financière poursuit donc la tendance à la « normalisation » du FED. D'une part, sa durée été étendue à sept ans pour que son terme corresponde à celui de la programmation financière de l'Union européenne. D'autre part, on l'a vu à l'instant, les clés de répartition se rapprochent de celles du budget général ; pour la France, il reste 1,2 point d'écart. Ces deux éléments permettent d'envisager, comme l'a d'ailleurs annoncé la Commission européenne, une budgétisation du FED pour la prochaine période de programmation, à compter de 2021.

Ce débat, à peu près aussi vieux que le FED, est très important pour trois raisons :

- financièrement, la budgétisation abaisserait encore la contribution de la France ;

- ensuite, elle renforcerait la transparence, le contrôle et la visibilité du FED, notamment vis-à-vis du Parlement européen ;

- surtout, elle accroîtrait la cohérence et la coordination des différents instruments dont dispose l'Union européenne en matière de développement.

Ce dernier point est le plus décisif. Aujourd'hui, les instruments d'aide extérieure de l'Union européenne sont éparpillés : le FED représente un peu moins du tiers de cette aide ; le reste est financé directement par le budget communautaire. Les principaux instruments en sont :

- l'instrument européen de voisinage (15,4 milliards pour 2014-2020) qui est destiné aux pays voisins (Méditerranée, Caucase et Moyen-Orient) ;

- l'instrument européen de préadhésion (11,7 milliards) qui apporte un soutien financier aux pays candidats ;

- l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'Homme (1,3 milliard) qui est destiné à tous les pays tiers ;

- l'aide humanitaire (6,6 milliards) ;

- ou encore l'instrument contribuant à la stabilité et à la paix (2,3 milliards).

Si l'on peut comprendre que ces différents instruments suivent des objectifs spécifiques, il en va différemment de « l'instrument de financement de la coopération au développement ». Celui-ci ne se distingue fondamentalement du FED que par son champ géographique : il vise également à lutter contre la pauvreté et couvre les pays en développement à l'exception de ceux couverts par le FED ou par l'instrument de voisinage. Il est doté de 19,7 milliards d'euros, soit environ les deux tiers des ressources du FED.

Si la commission européenne assure bien la gestion quotidienne du FED comme des autres instruments, il n'en reste pas moins que ce fonds et l'instrument de financement de la coopération au développement sont régis par des règles de procédure différentes, ce qui ne peut qu'ajouter complexité et lourdeur tant en interne que pour les acteurs extérieurs.

On ne peut donc que se réjouir du rapprochement progressif du FED et du budget communautaire, même s'il faut encore attendre 2021 pour voir atteint, le cas échéant, cet objectif.

Les ressources du FED se répartiront en trois grandes catégories.

Tout d'abord, 29 milliards (soit 95 %) seront alloués aux Etats ACP, dont 21 milliards pour les programmes nationaux de chacun de ces Etats, 3,3 milliards pour leur coopération régionale et 3,6 milliards pour des sujets d'intérêt suprarégional. La part de l'aide allant aux pays les moins avancés passera de 76 % dans le 10ème FED à 80 % et la part allouée aux pays fragiles augmentera également sensiblement. En outre, les seize pays pauvres prioritaires définis par la France bénéficieront de 5,9 milliards d'euros, soit 20 % des ressources du FED, et cinq de ces PPP feront partie des dix pays les plus aidés (il s'agit du Burkina Faso, de la RDC, du Mali, du Niger et de Madagascar). Cette répartition géographique des crédits du FED correspond donc aux priorités de la France, ce dont il faut se féliciter. Dans le cadre de la volonté de concentrer l'aide pour en renforcer l'efficacité, trois secteurs principaux seront financés : l'agriculture et la sécurité alimentaire ; la gouvernance ; l'énergie.

Ensuite, 365 millions iront aux pays et territoires d'outre-mer. À ce titre, le FED contribuera au développement, pour la France, de la Nouvelle-Calédonie, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Wallis-et-Futuna et de la Polynésie.

Enfin, 1 milliard sera versé à la Commission européenne au titre des dépenses administratives. Ces frais de gestion représentent 3,4 % du montant total du FED, ce qui demeure raisonnable pour ce type de fonds. Dans le budget général de l'Union, les dépenses administratives représentent 6,4 % de la programmation financière 2014-2020.

Traditionnellement, le FED distribue très majoritairement des subventions, ce qui restera le cas pour 2014-2020. Depuis 2003 cependant, une partie des ressources est attribuée à la Banque européenne d'investissement (BEI) pour promouvoir, grâce à des prêts ou à des garanties, le secteur privé et lutter contre la pauvreté. Dans le 11ème FED, cette « facilité d'investissement » gérée par la BEI s'élève à 1,1 milliard d'euros, enveloppe à laquelle la BEI devra ajouter 2,6 milliards d'euros de prêts sur ses ressources propres.

En outre, dans un document adopté en mai 2012 « Accroître l'impact de la politique de développement : un programme pour le changement », l'Union européenne a décidé de moderniser ses outils de financement, notamment en orientant une partie des crédits vers des mécanismes combinant subventions et prêts afin de créer un effet de levier. Pour cela, l'Union apporte des dons à des fonds fiduciaires, cela existe par exemple sur les infrastructures en Afrique, et ces fonds prêtent aux pays ou aux organisations régionales, ce qui permet de financer des projets beaucoup plus volumineux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion