Intervention de Leila Aïchi

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 décembre 2014 : 1ère réunion
Ratification de l'amendement au protocole de kyoto du 11 décembre 1997 — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi, rapporteure :

Nous examinons aujourd'hui l'amendement au Protocole de Kyoto du 11 décembre 1997, qui a été adopté à Doha, le 8 décembre 2012, après de longues et difficiles négociations.

Je vais tout d'abord aborder rapidement le protocole de Kyoto, puisque l'amendement de Doha se présente comme la poursuite de celui-ci, pour la période 2013-2020.

Le protocole de Kyoto, je vous le rappelle, fait suite à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), adoptée à New York, en 1992, par 154 Etats et entrée en vigueur le 21 mars 1994. Il a été adopté lors de la troisième conférence des parties ou COP 3 au Japon, le 11 novembre 1997. Il renforce les engagements pris par les pays développés en vue de réduire le réchauffement planétaire d'origine humaine. Entré en vigueur le 16 février 2005, il ne porte que sur la période 2008-2012.

Toutefois, le protocole de Kyoto se présente comme le seul instrument international juridiquement contraignant permettant de limiter la hausse de la température mondiale en dessous de 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels. Il vise à réduire ou limiter les émissions de six gaz à effet de serre provenant des secteurs de l'énergie, des procédés industriels, de l'utilisation des solvants et autres produits, de l'agriculture et des déchets.

Il contient un objectif global de réduction du total des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 5 % par rapport à l'année 1990 et des engagements chiffrés pour les pays développés qui les ont acceptés.

En effet, compte tenu du principe des « responsabilités communes mais différenciées » de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, seuls les pays développés en raison de leur « responsabilité historique » et les pays en transition vers une économie de marché (ceux de l'ancien bloc de l'Est) ont des engagements chiffrés. Les grands pays en voie de développement, comme la Chine et l'Inde, n'y prennent pas part. À l'époque, l'Union européenne des 15 s'est ainsi engagée à réduire collectivement ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % par rapport à l'année 1990.

Comme vous le savez certainement, tous les grands pays développés n'ont pas accepté cette contrainte. C'est le cas des Etats-Unis qui n'ont jamais ratifié ce protocole. Le Canada qui avait ratifié le protocole en 2002 a annoncé sa volonté de se désengager en décembre 2011, avec effet l'année suivante.

Venons-en maintenant à la présentation de l'amendement de Doha qui vous est soumis aujourd'hui.

Tout comme le protocole de Kyoto, l'amendement de Doha est le résultat de longues négociations. En effet, dès 2007, le plan d'action de Bali a décidé d'un cadre de négociation en prévision de la fin de la période d'engagements de Kyoto, mais la COP 15, réunie à Copenhague, en 2009, s'est soldée par un échec. Elle n'a pas permis d'aboutir à un nouvel accord international. Elle a seulement « pris note » d'un accord politique, obtenu à la suite de négociations informelles. Ledit accord, dont le contenu a été entériné à la COP 16 de Cancun en décembre 2010, avait toutefois le mérite de mentionner pour la première fois la limitation de la hausse de la température mondiale à 2°C et de poser la question de la participation des pays en voie de développement à la lutte contre le réchauffement climatique.

Ce n'est qu'en 2011, que la COP 17, réunie à Durban, est parvenue à un accord prévoyant notamment la conclusion, au plus tard en 2015, d'un accord mondial sur les changements climatiques, sous réserve de la souscription par les pays développés d'une deuxième période d'engagements dans le cadre du protocole de Kyoto, à compter du 1er janvier 2013.

Sur le modèle du protocole de Kyoto, l'amendement de Doha prévoit un objectif global de réduction du total des émissions des gaz à effet de serre d'au moins 18 % par rapport à l'année 1990, ainsi que les nouveaux engagements de limitation ou de réduction chiffrés d'émission de gaz à effet de serre souscrits par les Etats parties qui les ont acceptés, à savoir l'Union européenne et ses Etats membres, la Croatie, l'Islande, le Lichtenstein, Monaco, la Norvège, la Suisse, le Kazakhstan et la Biélorussie.

Outre les grands absents que sont les Etats-Unis et le Canada, le Japon et la Russie ont refusé de s'engager à nouveau. L'Australie n'a accepté qu'un objectif de réduction modeste de 5 % par rapport au niveau de 2000 et non plus de 1990. La Nouvelle-Zélande a choisi de se fixer un objectif dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, ce qui affaiblit encore le dispositif.

Au total, les pays engagés dans cette deuxième période ne sont responsables que de 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre; ce qui donne à l'amendement de Doha une portée finalement assez modeste. C'est peu mais c'est mieux que rien !

La liste des gaz visés est, quant à elle, passée de six à sept avec l'ajout du trifluorure d'azote (NF3). Ce gaz, au pouvoir de réchauffement 17 000 fois supérieur à celui du CO2, est principalement utilisé dans l'industrie de la micro-électronique, les panneaux solaires photovoltaïques et les écrans plats.

L'amendement de Doha contient également un mécanisme de révision du niveau d'ambition, sans lequel la seconde période du protocole de Kyoto n'aurait vraisemblablement pas pu être adoptée, à Doha. Il s'agit d'une procédure simplifiée qui permet une adoption et une mise en oeuvre rapide des nouveaux objectifs, sans nouvelle ratification. Une première table-ronde ministérielle a d'ailleurs eu lieu, à Bonn, le 5 juin 2014. Elle n'a toutefois pas permis de relever les engagements des pays développés, comme le demandent, de manière constante, les pays en développement. Ceux-ci auraient, en effet, souhaité que des niveaux d'engagements plus élevés soient entérinés à la COP 20 de Lima qui se déroule actuellement (entre le 1er et le 12 décembre 2014).

L'amendement de Doha règle également la délicate question des surplus de quotas d'émission par rapport aux émissions réelles ou « air chaud » accordés aux pays en transition, pendant la première période, afin de relancer leur économie. Il a été décidé que les quotas accordés en seconde période ne peuvent pas dépasser la moyenne des émissions nationales sur la période 2008-2010. Ceci signifie que les Etats ayant adopté des objectifs peu ambitieux sur la période 2013-2020 transfèrent sur un compte d'annulation ou, pour le dire plus simplement, « annulent » les quotas correspondant à la différence entre les engagements pris et les émissions moyennes du pays au cours des années 2008 à 2010.

Voici donc sommairement exposé l'essentiel du contenu de l'amendement de Doha. De fait, cet amendement, vous l'aurez compris, est un amendement de transition, à haute portée symbolique.

C'est un amendement de transition parce qu'il permet la poursuite du protocole de Kyoto sur la période 2013-2020. Il comble le vide juridique entre la fin du protocole de Kyoto en 2012 et l'entrée en vigueur, prévue en 2020, d'un nouvel accord mondial sur le climat. Celui-ci devrait être conclu, sous l'égide de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, lors de la COP 21 qui se réunira à Paris, en décembre 2015.

C'est une étape qui s'inscrit dans la politique climatique de l'Union européenne et de la France. L'engagement de l'Union européenne et de ses Etats membres d'une réduction des gaz à effet de serre de moins 20 % par rapport à 1990 correspond aux objectifs définis dans le Paquet Energie-Climat 2020. On notera que l'Union, tout comme la France, a dépassé l'objectif qui lui était fixé dans la première période du protocole de Kyoto et devrait faire de même pour la deuxième période. Pour l'UE, les projections à 2020 font apparaître une réduction totale de 21 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.

C'est un amendement à haute portée symbolique parce qu'il est parallèle au processus d'élaboration de l'accord mondial sur le climat. Il sera nécessairement à l'ordre du jour de la COP 21 qui se réunira à Paris en décembre 2015, la conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques servant également de cadre à la réunion des parties au protocole de Kyoto.

Ce processus d'élaboration a été lancé par le Sommet sur le climat organisé par le Secrétaire général des Nations unies, à New York, le 23 septembre 2014. Il est conforté par la première réunion de capitalisation du Fonds vert pour le climat qui vient de se dérouler à Berlin, le 20 novembre 2014 et qui était très attendue par les pays en voie de développement. 21 pays se sont engagés à verser 9,3 milliards de dollars sur la période 2015-2018. La France y contribue, comme vous le savez, à hauteur d'un milliard de dollars, à égalité avec l'Allemagne et derrière les Etats-Unis (3 milliards), le Japon (1,5 milliards) et le Royaume-Uni (1,1 milliards). Ceci devrait permettre, on l'espère, au Fonds vert d'entrer dans sa phase opérationnelle courant 2015 et d'engager sa programmation d'ici la COP 21, ce qui serait un signal fort en direction des pays en développement.

Pour financer le Fonds vert et plus généralement la lutte contre le réchauffement climatique, je voulais vous soumettre une réflexion dont on pourra rediscuter. Je considère qu'il pourrait être pertinent de s'intéresser davantage à la dynamique spéculative qui entoure les cours de la bourse et des matières premières, et notamment à leur grande volatilité. En effet, les cours de la bourse sont aujourd'hui, dans une très large mesure, déconnectés de l'économie réelle.

Sachant que plus de la moitié des ordres passés ne sont jamais exécutés, j'estime qu'une piste serait de taxer les ordres de bourse non-réalisés. De fait, une telle taxe - même minime - sur le montant de ces transactions « virtuelles » permettrait de rationaliser les comportements des acteurs économiques et financiers concernés et redonner de la réalité aux cours de la bourse, permettant ainsi de mieux les contrôler mais également de permettre un effet de levier pour le Fonds Vert.

Dans la perspective de la conclusion de cet accord universel, la France s'est engagée à appliquer la deuxième période d'engagements dès le 1er janvier 2013 et à ratifier l'amendement au protocole de Kyoto le plus rapidement possible. Elle a d'ores et déjà pris les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de cette deuxième période d'engagement souscrit par l'Union européenne et ses Etats membres.

La présente ratification soulignera ainsi la volonté de la France de parvenir à un accord mondial sur le climat dans le prolongement de l'accord européen, conclu en octobre 2014, visant à réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre, à l'horizon 2030 et de l'accord sino-américain, signé le 12 novembre dernier. La France veut y voir un encouragement pour le sommet Climat de Paris 2015 alors même que le dernier rapport du GIEC, publié à Copenhague au début de ce mois de novembre, recommande d'agir vite. Selon les mots mêmes de son président « nous avons peu de temps avant que la possibilité de rester sous les 2° C ne disparaisse ».

Par ailleurs, la proposition de décision du Conseil COM (2013) 768 final relative à la conclusion de l'amendement de Doha au protocole de Kyoto à la CCNUCC et à l'exécution conjointe des engagements, qui n'a pas encore été adoptée, prévoit que l'Union européenne et ses Etats membres doivent déposer les instruments de ratification au plus tard le 16 février 2015. Il est d'autant plus important que la France autorise cette ratification que l'équipe interministérielle COP 21 du ministère des affaires étrangères et du développement international m'a indiqué que la Pologne y était elle-même très réticente, au point de risquer de retarder le dépôt des instruments de ratification de l'Union européenne et de ses Etats membres. D'ailleurs, l'Union européenne et la France se mobilisent en ce moment même pour que la ratification ait malgré tout lieu avant la tenue de la COP 21. Il semble primordial en effet que l'Union européenne et ses Etats membres arrivent unis à ce rendez-vous tout comme il est souhaitable que l'amendement de Doha entre en vigueur le plus rapidement possible. A la date du 14 novembre 2014, 19 Etats seulement avaient ratifié l'amendement.

Je ne peux, en conséquence, que recommander l'adoption du projet de loi autorisant la ratification de l'amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997, dont l'examen en séance publique devrait être fixé, au jeudi 18 décembre 2014, par la Conférence des présidents qui se réunit ce jour même. La Conférence des Présidents devrait en principe proposer son examen en procédure simplifiée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion