Intervention de Yvon Collin

Réunion du 11 décembre 2014 à 9h00
Reconnaissance de l'état de palestine — Suite du débat

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès 1949, soit deux ans après le plan de partage de la Palestine adopté par l’Assemblée générale des Nations unies, la France a été l’un des premiers pays à établir des relations diplomatiques avec Israël.

Ces relations, bien que parfois marquées par l’intransigeance de certains dirigeants israéliens à l’égard de la question palestinienne, sont restées courtoises et régulières. Car la France a eu très tôt la volonté d’entretenir des liens directs avec Israël, dans la perspective, notamment, d’être partie prenante au processus de paix au Proche-Orient. C’est cette continuité dans la coopération franco-israélienne qui a fait dire à François Mitterrand, en 1982, devant la Knesset : « Oui, le peuple français est l’ami du peuple d’Israël. »

Amie d’Israël, la France est aussi, depuis longtemps, l’amie de la Palestine. En 2011, notre pays a approuvé son adhésion à l’UNESCO, ainsi que la résolution lui donnant le statut d’État observateur à l’ONU. Les gouvernements français successifs ont toujours déploré les implantations illégales de colonies dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.

Nous avons sans cesse été aux côtés des Palestiniens dans les moments les plus difficiles, en leur apportant un soutien à la fois politique et matériel. Je rappellerai que la France figure parmi les principaux contributeurs à l’aide destinée aux territoires palestiniens, une aide qui a représenté 43 millions d’euros en 2013.

Oui, le peuple français est l’ami du peuple palestinien.

Amis d’Israël, amis de la Palestine : c’est au nom de cette double amitié que nous nous désespérons de voir les Israéliens et les Palestiniens se déchirer depuis des décennies.

J’ajouterai que la France, qui comprend sur son territoire les deux plus grandes communautés juive et musulmane en Europe, ne peut qu’être attentive au sort de la région proche-orientale.

Enfin, par fidélité à nos valeurs d’humanisme et de solidarité, en vertu de notre tradition diplomatique et de notre poids sur la scène internationale, nous sommes naturellement conduits à rechercher le chemin de la paix. Hélas ! ce chemin s’est transformé en impasse.

Cet été, nous avons assisté à une nouvelle dégradation de la situation avec, une fois de plus, des tirs de roquettes du Hamas depuis Gaza, auxquels répondent les frappes meurtrières de Tsahal. C’est toujours le même dramatique engrenage, la même loi du talion : un assassinat répond à un autre assassinat. De chaque côté du triste mur de séparation, les mères pleurent leur fils dans un éternel recommencement.

Dans ces conditions, la communauté internationale ne doit pas rester impuissante. Elle ne l’a d’ailleurs jamais été. De grandes initiatives ont été prises, que ce soient les accords de Camp David en 1978 ou ceux d’Oslo en 1993. Un consensus international existe sur la question israélo-palestinienne, notamment sur la base des résolutions n° 242 et 1860 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui reconnaît l’existence de l’État palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale.

Comme vous le savez, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, la France a pris une part très active à toutes ces négociations, mais dont la plupart n’ont malheureusement pas abouti.

Que faire aujourd’hui pour permettre un règlement définitif du conflit ?

Afin de relancer le processus de paix, plusieurs pays européens se sont engagés dans des démarches plus ou moins contraignantes de reconnaissance de l’État palestinien. Comme cela a été rappelé, la Suède l’a reconnu le 30 octobre dernier. Les députés britanniques puis leurs homologues espagnols ont récemment adopté des résolutions symboliques allant dans le même sens. Le Parlement belge s’apprête à le faire également.

La proposition de résolution de nos collègues socialistes, écologistes et communistes invite également, dans son dernier alinéa, « le Gouvernement français à reconnaître l’État de Palestine, et à en faire un instrument des négociations pour un règlement définitif du conflit et l’établissement d’une paix durable ». Nos collègues de l’Assemblée nationale viennent d’approuver un texte similaire, engageant ainsi le Parlement français dans la dynamique engagée par plusieurs États européens.

Certains diront que cette invitation est irrecevable au motif qu’elle constitue une injonction à l’égard du Gouvernement, ce que proscrit l’article 34-1 de la Constitution. En effet, on peut émettre une réserve sur la forme, sachant par ailleurs que la direction de la politique étrangère est une prérogative du chef de l’État.

Invitation ou injonction, le Larousse ne suffirait pas à trancher ce débat… Laissons donc de côté la sémantique, qui nous enfermerait dans une discussion juridique, alors qu’il s’agit aujourd'hui de prendre une position politique. Une position qui ne conduirait pas à choisir entre le camp palestinien ou le camp israélien : nous préférons tous ici, je n’en doute pas, le camp de la paix.

Avec cette proposition de résolution, il est question non pas de faire remporter une victoire à un camp, mais de rechercher une solution. C’est une incitation à la reprise des négociations de paix, et c’est pourquoi la majorité des membres du RDSE la soutient.

Devant la commission des affaires étrangères, la semaine dernière, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, a qualifié la proposition de résolution de démarche au service de la paix.

Dans cette perspective, il a d’ailleurs plusieurs fois déclaré travailler au sein des Nations unies à l’adoption d’une résolution fixant l’aboutissement des négociations à deux ans. Il a aussi annoncé la tenue d’une conférence internationale qui serait organisée par la France et qui réunirait l’Union européenne, la Ligue arabe et les membres permanents du Conseil de sécurité, au premier rang desquels figurent les États-Unis. L’ensemble du RDSE approuve toutes ces orientations.

Pour autant, si la paix peut être encouragée de l’extérieur, elle ne peut que s’appuyer sur les volontés intérieures et la capacité des deux parties à maîtriser la radicalisation grandissante de certains de leurs dirigeants. En effet, j’ai quelques inquiétudes à cet égard.

Du côté palestinien, les désaccords au sein du gouvernement d’union nationale entre le Hamas et le Fatah resurgissent régulièrement, et le décès d’un ministre palestinien, hier dans une manifestation en Cisjordanie, risque de compliquer la situation. Le Hamas, d’ailleurs, appelle déjà à stopper toute coopération sécuritaire avec Israël.

Quant au gouvernement de Benjamin Netanyahou, le renvoi des deux principaux ministres centristes représentant son aile modérée apparaît comme un mauvais signal. Et que dire de la poursuite des colonisations, principale pierre d’achoppement du dialogue israélo-palestinien ? Les Palestiniens et les Israéliens doivent donc rapidement prendre leur destin en main, car la sécurité des uns dépend de la sécurité des autres. La majorité d’entre eux souhaitent l’arrêt des hostilités, c’est une évidence.

Dans son dernier discours, Yitzhak Rabin déclarait : « J’ai toujours eu la conviction que la majorité de la population aspirait à la paix, était prête à prendre des risques pour voir son avènement. » La paix aura en effet un prix dans le sens où elle obligera à des compromis, pour ne pas dire à des renoncements, mais l’absence d’espoir n’est-elle pas le pire des maux pour les hommes ? §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion