Intervention de Harlem Désir

Réunion du 11 décembre 2014 à 9h00
Reconnaissance de l'état de palestine — Suite du débat

Harlem Désir, secrétaire d'État :

… et à l’existence réelle d’un État de Palestine aux côtés de l’État d’Israël ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat reflète votre sentiment de l’urgence qu’il y a à recréer une perspective concrète de paix et votre inquiétude face aux menaces qui pèsent sur la solution des deux États. L’Assemblée nationale a fait connaître ce même sentiment et cette même inquiétude le 2 décembre dernier. Le Gouvernement partage ce sentiment d’urgence ; il partage cette inquiétude.

En Europe, c’est la même inquiétude et le même appel à l’urgence de reprendre les négociations de paix qu’ont exprimés les parlements de Grande-Bretagne, d’Irlande et d’Espagne, ainsi que le gouvernement de la Suède. Tous, en Europe, nous devons refuser le fatalisme et l’inertie !

Après plus de soixante années de conflit, plus de vingt ans de négociations sans issue, qui n’ont pas réussi à désamorcer la confrontation, à faire reculer la méfiance constante, et alors que le scepticisme des opinions publiques connaît aujourd’hui un regain, il faut reprendre l’initiative.

Aujourd’hui, la viabilité même d’un futur État palestinien paraît menacée par la poursuite illégale de la colonisation, tandis que le Hamas continue de rejeter l’existence d’Israël et de faire le choix de la terreur. Les explosions de violence, à Jérusalem, à Ramallah, à Gaza inspirent l’effroi.

Partout, la tension grandit et une étincelle peut, à chaque instant, conduire à l’embrasement général.

Le 18 novembre, cinq Israéliens étaient sauvagement assassinés par deux Palestiniens dans une synagogue à Jérusalem.

Ce mercredi, c’est un ministre palestinien, Ziad Abou Eïn, qui a trouvé la mort lors de heurts avec l’armée israélienne.

Cette situation dramatique résulte de décennies de tensions et de la désillusion née de l’enchaînement de négociations sans aucun aboutissement concret.

Au début de cette année qui s’achève, John Kerry a encore tenté, avec ténacité, de relancer ce processus. Sans succès. À chaque reprise des discussions, l’espoir est systématiquement suivi d’une rechute, d’une escalade plus tragique et plus amère.

Paradoxe de ce conflit apparemment insoluble, les contours de la solution sont bien connus par l’ensemble des acteurs. Ils reposent sur la coexistence d’un État d’Israël et d’un État de Palestine, souverains et démocratiques, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, sur la base des lignes de 1967 et avec Jérusalem pour capitale commune.

Face à cette impasse, c’est le devoir de la communauté internationale de réagir. Et c’est notamment le devoir impérieux de la France, puissance de paix, amie traditionnelle des Israéliens et des Palestiniens, même si nous savons que la tâche est et sera très difficile.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comment la France peut-elle aujourd’hui servir le plus efficacement possible la cause de la paix ? La France, vous le savez, défend depuis longtemps l’idée que la reconnaissance de l’État de Palestine doit intervenir dans le cadre d’un règlement global et définitif du conflit, négocié par les deux parties et mettant fin à toute revendication. Nous voulons un État palestinien effectivement établi, dans des frontières sûres et reconnues, à côté d’Israël. Seule la négociation peut produire cette réalité.

Pour cela, il faut que les négociations s’engagent réellement, il faut qu’elles avancent et il faut qu’elles aboutissent.

C’est pourquoi nous souhaitons contribuer à sortir du blocage actuel en donnant aux négociations une chance réelle et crédible d’aboutir.

Pour cela, nous devons donc faire évoluer la méthode. Le face-à-face solitaire entre Israéliens et Palestiniens a fait la preuve de son peu d’efficacité. Il faut donc un accompagnement, un engagement déterminé, certains diront une pression de la communauté internationale pour aider les deux parties à franchir le pas ultime qui mènera à la paix. C’est ce à quoi la diplomatie française s’emploie en ce moment même.

Aux Nations Unies, nous travaillons avec nos partenaires dans le but de faire adopter une résolution du Conseil de sécurité en vue d’une relance immédiate des négociations, pour laquelle le terme de deux ans est le plus souvent évoqué. Le gouvernement français peut reprendre ce calendrier à son compte.

L’objectif de ce projet de résolution est clair : fixer un cap et des paramètres précis pour éviter de repartir de zéro et de nous engager dans des négociations sans fin. Il faut également un calendrier. Sinon, comment convaincre qu’il ne s’agira pas d’un énième processus sans perspective réelle d’aboutir ?

Parallèlement à ces négociations aux Nations unies, la France plaide pour un effort collectif de la communauté internationale au service de la paix. Les compromis nécessaires à une résolution du conflit sont si délicats à accepter pour les dirigeants israéliens et palestiniens qu’un accompagnement et un soutien extérieurs sont indispensables. Nous avons dit notre disponibilité pour accueillir une conférence internationale.

Nous en sommes convaincus, la paix nécessitera la mobilisation collective de l’Union européenne, de la Ligue arabe et de l’ensemble des membres permanents du Conseil de sécurité.

La France est donc disposée à prendre l’initiative d’une conférence internationale pour appuyer cette dynamique indispensable. Dans cette dynamique, la reconnaissance de l’État palestinien constituera alors un levier au service de la paix.

Qu’en serait-il si ces efforts échouaient, si cette ultime tentative n’aboutissait pas ? Ce n’est pas l’état d’esprit dans lequel nous nous plaçons ni l’hypothèse que nous voulons retenir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion