Intervention de François Pillet

Réunion du 11 décembre 2014 à 9h00
Protection de l'enfant — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le champ de la protection de l’enfance a deux visages, l’un social, l’autre judiciaire. Il est donc à la confluence des champs de compétence de la commission des affaires sociales et de la commission des lois.

Le texte proposé, issu des travaux d’une mission d’information de la commission des affaires sociales, a été renvoyé à cette dernière au fond. Toutefois, nombre de ses dispositions concernant le code civil et le code pénal, cela a justifié la saisine pour avis de la commission des lois, qui s’est toutefois limitée aux articles de la proposition de loi qui concernaient l’intervention judiciaire ou l’articulation de cette dernière avec l’intervention sociale, ainsi qu’aux dispositions, de droit civil ou de droit pénal, qui entrent normalement dans son champ de compétence. Au total, treize articles sur vingt-trois sont concernés.

Je tiens à souligner la parfaite entente qui a régné entre nous, rapporteurs de ce texte. Nous avons d’ailleurs conduit une large partie de nos travaux ensemble et procédé à de nombreuses auditions en commun. Qu’il me soit permis de remercier ici Michelle Meunier.

Dans ce climat favorable, nous avons pu axer nos efforts sur l’intérêt primordial de l’enfant, rédigeant ensemble plusieurs amendements qui ont été adoptés en commission.

Par ailleurs, je salue ici la qualité et l’intérêt du long travail préparatoire conduit, au nom de la commission des affaires sociales, par les deux auteurs du texte, dont notre ancienne collègue Muguette Dini.

Sur un plan général, la commission des lois a reconnu la pertinence du diagnostic effectué par les auteurs du rapport : la loi de 2007 est une bonne loi. Cette constatation nous a été d’ailleurs d’autant plus agréable que cette loi a été présentée puis adoptée sous la maîtrise d’œuvre du président actuel de la commission des lois, Philippe Bas, alors ministre de la santé.

Il nous appartient, environ sept ans après son adoption, de conforter son application en adaptant à la marge certaines procédures et en évitant que certains bouleversements ne désarticulent sa construction et nuisent, en définitive, à son très louable objectif, auquel la commission des lois adhère sans restriction. Elle a d’ailleurs unanimement travaillé dans le but de l’atteindre.

La commission des lois a largement approuvé les dispositions tirées du rapport d’information, sous réserve de quelques modifications destinées à mieux servir l’objectif visé.

En revanche, elle a marqué une plus grande réserve à l’égard des autres dispositions de la proposition de loi, qui ne trouvaient pas leur source dans ce rapport d’information.

Ainsi, la commission des lois a marqué son attachement aux grands principes de la protection de l’enfance en droit français : protéger l’enfant et faire prévaloir son intérêt ; respecter, dans la mesure du possible, le rôle des parents ; refuser absolument tout systématisme, chaque situation étant particulière. Ainsi, il faut se méfier des simplifications abusives et privilégier l’appréciation éclairée des services sociaux et des juridictions. Enfin, il convient de préserver les domaines d’intervention propres du juge et des services sociaux, et d’éviter de placer les seconds sous la tutelle du premier.

D’une manière générale, la commission des lois a estimé que cette tentation du systématisme ou de la mise sous tutelle des intervenants sociaux et judiciaires exprimait, à l’encontre des juges et des services sociaux, une défiance qui n’avait pas lieu d’être.

Sur beaucoup de points, les analyses de la commission des lois et celle de la commission des affaires sociales ont convergé.

C’est le cas à l’article 6, sur l’explicitation des actes usuels de l’autorité parentale accomplis par les familles d’accueil, à l’article 8, sur le changement de famille d’accueil du mineur, et à l’article 11, sur le bilan de la situation de l’enfant après un placement long.

La commission des affaires sociales a aussi partagé l’analyse de la commission des lois sur les risques que ferait courir au mineur ou aux travailleurs sociaux la procédure dérogatoire de consultation du dossier administratif d’assistance éducative.

Par ailleurs, les deux commissions ont rejeté la remise en cause des règles de l’adoption simple ou de l’adoption plénière, estimant que de telles modifications ne pouvaient être éventuellement envisagées que dans le cadre d’une réforme plus globale de l’adoption.

En outre, elles se sont opposées à la désignation systématique d’un administrateur ad hoc en matière d’adoption ou de protection de l’enfance.

Enfin, s’agissant de la réforme de la procédure judiciaire d’abandon, la commission des affaires sociales s’est ralliée à la rédaction proposée par notre commission.

J’ai toutefois noté que, lors de la réunion où elle s’est prononcée sur les amendements extérieurs, parmi lesquels figuraient des amendements que notre collègue Michelle Meunier, reprenant sa plume de co-auteur de la proposition de loi, avait déposés, la commission des affaires sociales est revenue sur certains de ses choix ayant conduit quelques jours auparavant à la rédaction du texte qui vous est soumis aujourd’hui. Il reste donc des questions qui reviendront en débat.

Conformément au mandat que j’avais reçu de mes collègues de la commission des lois, j’ai déposé à nouveau, pour qu’ils soient examinés en séance publique, les amendements qui n’ont pas été adoptés par la commission des affaires sociales.

Je souhaiterais, avant de conclure, revenir sur les deux principaux de ces amendements, qui concernent, d’une part, le principe du retrait automatique de l’autorité parentale et, d’autre part, la création d’une surqualification pénale d’inceste.

La rédaction initiale de l’article 20 de la proposition de loi rendait automatique le retrait de l’autorité parentale pour les parents reconnus coupables d’un crime ou d’un délit commis contre leur enfant ou l’autre parent. Il convient de noter que cette disposition est sans lien avec une quelconque recommandation du rapport d’information de nos collègues.

La commission des affaires sociales a adopté un amendement de Mme la rapporteur conservant le principe de l’automaticité, mais indiquant que le retrait n’était pas prononcé si l’intérêt de l’enfant le justifiait : une motivation du juge est en quelque sorte nécessaire. J’attire votre attention sur cette curiosité : cet amendement reprend paradoxalement le dispositif des peines planchers, qui vient pourtant d’être supprimé par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

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